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RD Congo

Dossier élection présidentielle en RDC : Adolphe Muzito en Belgique, la faute politique

Adolphe Muzito, ancien Premier ministre de la République Démocratique du Congo, candidat invalidé pour la présidentielle du 23 décembre, a choisi la Belgique pour une tournée politique qui a le parfum d’une absence de conscience historique.

Comme souvent, par temps de coup dur, les politiciens congolais ne se tournent quasiment jamais vers leur fief électoral. Ils ne font pas non plus appel à ces (nombreux) sympathisants qui les soutiennent et qui sont souvent prêts à donner leur vie pour ces leaders politiques en qui ils ont placé une confiance aveugle. C’est vers d’autres cieux qu’ils se tournent. Au lendemain de l'invalidation de sa candidature par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Adolphe Muzito n’a pas échappé à cette règle. En effet, l’ancien Premier ministre s’est empressé de se rendre en Belgique où un calendrier digne de son passé de haut dirigeant congolais l’attendait.

Les relations belgo-congolaises se sont fortement refroidies ces derniers temps, du fait de l’ingérence de Bruxelles dans la politique intérieure congolaise. L’inauguration de la nouvelle ambassade de Belgique à Kinshasa ces derniers jours fut un moment marquant de la tension entre les deux capitales. L’absence des autorités congolaises à cette manifestation n’a pas pu échapper aux observateurs avertis.

Muzito s’est rendu à Bruxelles et y a été reçu par l’ancien Premier ministre Louis Michel, père de l’actuel Premier ministre Charles Michel, avant de rencontrer Didier Reynders, ministre des Affaires étrangères. Lors de ces entretiens, le postulant à la candidature invalidée s’est livré à un plaidoyer pour une plus forte implication de la Belgique et de la communauté internationale dans le processus électoral congolais. 

Qu’est-ce qui peut pousser un homme politique qui se revendique de Patrice Emery Lumumba à commettre un tel impair ? Comment comprendre qu’un ancien Premier ministre au fait des enjeux géopolitiques puisse à ce point fouler au pied le combat et la mémoire des pères de l'indépendance de notre pays en ramenant leurs bourreaux à la table de querelles familiales congolaises ? Comment expliquer le refus d’un échec sur le terrain judiciaire et ouvrir ainsi un pays fort instable à des perturbations sans lendemains heureux ?

Adolphe Muzito a eu, durant ses quatre années à la tête du gouvernement congolais, de nombreux échanges avec les autorités belges. Il a eu plusieurs occasions de porter la revendication d’un pays et de tous ceux qui se réclament les héritiers de Lumumba. Il a pourtant fait le choix de tourner le dos aux réelles attentes d’un peuple blessé dans sa chair. Pire qu'une erreur, c'est une faute politique.

« Tant que les individus n'ont pas conscience de ce qu'ils sont et de ce qu'ils furent, ils n'accèdent pas à la dimension propre de l'histoire » disait Raymond Aron. Alors Adolphe Muzito a-t-il conscience que c’est en Belgique que les assassins de Patrice Lumumba se promènent, libres et sans être inquiétés par la justice, avec les dents de ce héros national dans leurs poches ? Se souvient-il qu’il a également affaire au seul pays qui avait reconnu en son temps la souveraineté du Katanga sécessionniste ? Si son invalidation a pu perturber certains de ses partisans, le manque de conscience historique dont vient de faire montre Adolphe Muzito, lumumbiste affiché, n'est pas de nature à rehausser son image auprès de ceux des Congolais qui ont encore un soupçon de fierté. Et si finalement Adolphe Muzito nous montrait la vraie face de son engagement, celle d'un suivisme et d'une facilité à se trouver du côté où le vent qui souffle dans les voiles de l'histoire le porte ? En d'autres termes, l'opportunisme politique de Muzito n'est-il pas son seul point d'ancrage idéologique ?

Roger Musandji

Oeil d'Afrique



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