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Littérature – « Royan, l’enfance volée » : Cyriaque Kouba nous émeut

Né au Congo, Cyriaque Kouba Nkouamoussou vit entre Brazzaville et Paris. Ingénieur-agronome, Enseignant-assistant à l’ENSAF (Ecole nationale supérieure d’agronomie et de foresterie), il s’adonne à l’écriture à ses heures perdues. Son premier roman, Royan, l’enfance volée, aborde le sujet délicat et gravissime des enfants de la rue, accusés parfois (à tort) « de sorciers ». 

En 2011, sortait L'Enfance volée, un film immensément dramatique de Markus Imboden. Un enfant-orphelin passionné de musique passe des moments durs et terribles dans son nouvel environnement. Alors il rêve d’évasion. Dans L’Enfance perdue de Marie-Paule Armand, un gamin né au début de la guerre de 14-18, d’une liaison entre un militaire anglais et une Française, Yolande, est placé dans un orphelinat, comme rejeté. Il veut s’en échapper, mais l’exercice s’avère risqué. A contrario, dans le roman de Cyriaque Kouba, le narrateur Royan rêve d’échapper à sa terrible condition « d’enfant de la rue ». Une condition que rien, mais vraiment rien, ne prévoyait. Et pour cause : « Royan, comme son nom pouvait l’indiquer, était un enfant de la nouvelle génération, celle qui ne porte pas les prénoms comme Albert, Maurice, etc, bien au contraire c’était un enfant issu d’un couple moderne, celui de la nouvelle classe moyenne. » Son père est informaticien formé à l’étranger ; sa mère, infirmière au CHU de Brazzaville. Et pourtant, la vie de ce jeune garçon, « jusque-là paisible » va basculer « d’une façon soudaine et ce dans une incertitude des plus totales ». Commence pour lui une vie de calvaire. Devenu orphelin, Royan n’a d’autre choix que de subir les coups de griffes de Regina, « devenue, à la mort de son père, sa tutrice ». « Maltraité et traité d'enfant sorcier », Royan préfère la rue, avec tout ce que cela comporte comme risques. 

« L’enfance volée » est un sujet universel ; chacun de nous est concerné, parce que chacun est un éternel enfant. « L’enfance est une douce époque à laquelle on souhaite généralement revenir, loin de l’âge ingrat adolescent et des soucis du quotidien d’un adulte. Cette période de nos vies correspond à l’éveil au monde et à sa propre conscience, » écrit un écrivain français. 

Roman d’une rare gravité, Royan, l’enfance volée vous fait couler des larmes. A moins d’être imperméable. On oublie le style, la grammaire et la sémantique pour se fondre dans le personnage de Royan. On se perd avec lui ; on se fond dans ce personnage. Non, on ne peut rester les bras croisés face au destin tragique de ce jeune garçon. Quand on sait que « l’indifférence est la rouille de l'âme, c’est comme un corps sans mouvement, comme une existence sans vie ; point d'impulsion vers le bien, point d'énergie contre le mal ; c'est une végétation, un engourdissement, une sorte de mort morale », chacun devrait être interpellé en agissant face à ce drame indicible que vivent les enfants de la rue.

Tout le mérite de Cyriaque Kouba n’est pas tant de sonder ou de s’étonner, mais de décrire. Lomniprésence de la pensée, dans Royan, l’enfance volée, n’alourdit nullement le récit ; bien au contraire elle l’étoffe et participe de la description. Cette pensée, ici, n’a pas pour fonction de proclamer des vérités ou de faire de la morale, non. Elle n’est là que pour mieux comprendre le personnage. Et le roman, c’est de créer des personnages entiers, à l’instar de Royan.

Bedel Baouna

 


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