Culture
Au Togo, Togbui Zewouto, prêtre vaudou, a ressuscité il y a quelques mois une vielle guerre de religion qui a traversé plusieurs siècles sur le continent africain. Cet ancien évangéliste prône un retour aux divinités africaines pour développer le continent africain. Un combat pour lequel il a rapidement trouvé des adeptes. Zewouto et ses soutiens ont développé une argumentation déjà contestée par une partie de la population. Une voie sans issue pour certains.
La grande majorité des pays africains, le Togo y compris sont à la croisée des chemins, plus de 60 ans après les indépendances. Confrontés à des sérieux défis de développement, les pays africains sont au creux de la vague. La mauvaise gouvernance a préparé un terreau fertile aux maux comme la corruption, la gabegie, les détournements de deniers publics, les trafics de tout genre, … qui empêchent ces Etats d’amorcer un réel développement, à quelques exceptions près.
Les populations de plusieurs pays du continent manquent de quasiment tout. Elles manquent cruellement d’eau potable, de soins de santé, d’éducation, d’électricité, de routes. Et la jeunesse diplômée, après tant d’années d’efforts peine à trouver les moyens pour joindre les deux bouts. La plupart des jeunes sont frappés par le chômage ou le sous-emploi et peinent à voir leurs rêves se réaliser.
C’est dans cet environnement tendu où le salut des croyants se trouve dans les églises que Togbui Zewouto vient contester cette vie religieuse. La population africaine ne sachant plus à quel saint se vouer s’est totalement abandonné au églises de réveil et autres centres religieux. Les jeunes et les femmes envahissent les églises et les mosquées en vue de trouver les moyens nécessaires pour entretenir leurs espoirs.
Dans un pays comme le Togo ou la moitié de la population est chrétienne et l’autre moitié est soit animiste à 30% et le reste étant athée ou musulman.
Les religions importées empêchent le développement du continent
Et dans ce pays de l’Afrique de l’ouest s’est développé dernièrement un courant religieux prônant le retour aux mânes des ancêtres africains. Porté par Togbui Zewouto (Wodedzou Kossi Edem, à l’Etat civil), ce courant s’en prend avec véhémence aux religions importées et soutient que l’Afrique ne pourra se développer que grâce aux puissances spirituelles originaires du continent.
Cet ancien évangéliste qui se dit déçu par le Christianisme s’attaque surtout à cette religion affirmant que durant des siècles, les africains ont été « trompés et leurs âmes altérées par des discours trompeurs ».
« La Bible est le poison de l’africain. Par ce livre, les pasteurs ont abruti les fidèles. Des gens disent que ce n’est pas seulement en Afrique qu’il y a la Bible. C’est vrai, mais je défends mon peuple. Je ne peux pas faire le combat des autres à leurs places. Elles n’ont jamais lutté pour l’Afrique. Grâce aux puissances du vaudou, je suis plus puissant que Jéhovah. Cet esprit des chrétiens ne peut pas tenir devant moi », a généralement claironné ce prêtre vaudou.
Togbui Zewouto s’est déjà permis de brûler des exemplaires de la Bible et a promis d’en faire de même pour le Coran. Pour lui, il est temps que l’Afrique retrouve son identité tout comme la Chine qui a amorcé son développement grâce aux mânes de ses ancêtres.
Il a été rapidement rejoint par plusieurs personnes qui ont épousé sa logique des choses. Sur les réseaux sociaux, ses soutiens se multiplient. « Je ne fais pas ce combat pour créer une guerre. Mais je le fais pour ouvrir les yeux aux africains », a-t-il dit quelques jours avant son arrestation par la gendarmerie togolaise qui l’a accusé de groupement de malfaiteurs, détérioration (de livres sacrés) et menaces…
Méconnaissance des lois et arrestation
En effet, ce prêtre vaudou avait publiquement invoqué « les esprits d’Afrique » dans une de ses multiples vidéos à faire cracher l’avion qui amènera au Togo le vaccin contre le Covid19. Depuis, il a été arrêté par la gendarmerie. Détenu un temps à la prison civile de Lomé, il a été transféré à la prison civile de Tsévié.
Ses partisans et autres adeptes disent exiger sa « libération immédiate et sans condition » par les autorités et menacent eux aussi de faire déchaîner les puissances africaines contre les chrétiens et les pouvoirs publics. Du rang de ces personnes se trouvent Togbui Ayivon Dagban, chef traditionnel d’un des quartiers de Lomé.
Leur ligne de défense est que des pasteurs et autres chrétiens détruisent et brûlent des vaudous sans que les autorités ne s’en émeuvent. Cet argument est battu en brèche par des leaders d’opinion et recadrent et invitent à ne pas préparer un terreau fertile à d’autres problèmes de sociétés.
« Il faut relire la constitution pour comprendre que non seulement nous sommes dans un État laïc mais qu’en plus la constitution interdit la haine religieuse sous toutes ses formes... Que ce monsieur cherche à mener un combat contre les religions importées, c’est son droit le plus absolu, mais qu’il se mette à brûler une bible sur la place publique et promette d’en faire de même pour le coran est quelque chose d’inadmissible. Si les chrétiens ou certains sont tolérants, imaginons un instant qu’il brûle le coran et attise la haine islamique, qui va assumer les conséquences ? », a fait remarquer Ferdinand Ayité sur le sujet.
Ce journaliste investigateur met les agissements du prêtre vaudou sous le registre d’une haine religieuse. « Les nouveaux panafricanistes qui veulent lutter contre les religions importées doivent s’instruire, se renseigner sur les lois de leurs pays avant de s’engager dans de pareilles aventures », a-t-il conseillé.
Plusieurs chrétiens et musulmans estiment que Togbui Zewouto est en perte de vitesse. Le Pasteur Abib Afolabi a dénoncé une provocation de la part de Togbui Zewouto. Pour « l’homme de Dieu » l’on ne naît pas chrétien mais on le devient.
« J’ai été moi-même féticheur à mes débuts. A l’époque, ce Zewouto ne pouvait pas se comparer à moi. Dans l’animisme, nous étions constamment à la recherche des puissances. Nous nous disions puissants mais chaque jour, il fallait prendre une autre puissance en faisant des sacrifices. J’avais commencé à traverser des situations difficiles malgré mes puissances et j’avais voulu me suicider. J’ai fini par me repentir en devenant chrétien et aujourd’hui je suis en paix avec moi-même », avait répondu Pasteur Afolabi à Zewouto.
Au vodou de faire ses preuves
Responsable d’un institut biblique à Lomé, Abib Afolabi explique également avoir enseigné à Wodedzou Kossi Edem lorsqu’il était encore pasteur assistant dans une église à Agoè, dans la banlieue nord de Lomé. Pasteur Afolabi questionne pour sa part la puissance des esprits du continent qui n’ont pas pu sauver l’Afrique avec leurs puissances lorsque les blancs ont amené la Bible ou lorsque les arabes ont amené le Coran.
« Si nos vaudou étaient aussi puissants, le Dieu qu’il attribue aux blancs ne peut pas venir nous vaincre en Afrique. Il faut reconnaître que ce Dieu est le tout-puissant. C’est pour cela que les blancs ont pu nous dominer facilement avec ce Dieu », affirme Pasteur Afolabi.
Excédé par le débat et les tiraillements entre les deux parties sur les réseaux sociaux, un journaliste officiant sur une télévision au Togo fait une proposition : « On vous donne l'Afrique, transformez-la en paradis ».
Dans cette logique, Samuel Gnanhoui, journaliste et patron de presse relève avec ironie, que « Haïti est vaudou, j'oubliais que Haïti est déjà un paradis. J'attends seulement…».
Régis Talikpeti également journaliste et chrétien renchérit pour sa part en expliquant : « Les adeptes de vaudou doivent faire leurs preuves en développant une partie de l'Afrique vaudou. Dans ce cas, les autres n'auront d'autres choix que de les suivre car ils auraient trouvé la clé ».
Avec un peu de recul, un acteur de la société civil propose de mettre fin à ce débat stérile. Pour cet acteur, la croyance doit être laissée à chaque individu pour faciliter la cohésion pacifique et la tolérance des religions.
Didier Assogba, Lomé, Togo
Culture
Suivre Oeil d'Afrique