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Ethiopian Airlines : la première compagnie africaine tente de survivre grâce au fret

L'Ethiopie et les Nations unies ont ouvert une plateforme de transport humanitaire à l'aéroport d'Addis-Abeba pour acheminer aide alimentaire, équipements médicaux et travailleurs humanitaires à travers l'Afrique.

Florissante il y a encore trois mois, la première compagnie aérienne du continent a depuis perdu 85% de ses revenus. Pour tenter de passer la crise, la compagnie nationale éthiopienne a reconverti une partie de sa flotte pour acheminer fret et équipements à travers l'Afrique. Début mars 2020, le PDG d'Ethiopian Airlines, Tewolde Gebremariam, affirmait lors d'une conférence aéronautique à Addis Abeba que la pandémie de nouveau coronavirus n'était qu'un "problème temporaire", comparable à un désastre naturel ou à une hausse brutale du prix du pétrole. Deux mois plus tard, son discours a radicalement changé. La première compagnie aérienne d'Afrique est en "lutte pour sa survie", reconnaît-il. Et pour y parvenir, elle cherche à augmenter son activité de fret et à retarder les paiements dus pour la location d'avions.

"Jamais je n'aurais pensé que nous en arriverions là, que ça se répandrait à cette vitesse, et avec une telle ampleur. Ça coûte trop cher et c'est au-delà de tout ce qu'on pouvait imaginer" Tewolde Gebremariam, PDG d'Ethiopian Airlines à l'AFP

Ethiopian Airlines, compagnie étatique, joyau de l'économie éthiopienne et source vitale de devises étrangères, a déjà annoncé avoir perdu 550 millions de dollars de revenus depuis janvier.

En Afrique, les compagnies aériennes pourraient perdre 6 milliards de dollars (5,5 milliards d'euros) de revenus passagers en 2020 à cause du coronavirus, par rapport à l'année 2019, selon l'Association internationale du transport aérien (Iata).

Augmenter l'activité fret

La compagnie a commencé à jouer un rôle majeur dans la lutte contre le coronavirus en Afrique en distribuant de l'équipement médical sur tout le continent. A commencer par les lots de masques, kits de dépistage, ventilateurs et autres équipements médicaux donnés aux pays africains par le milliardaire chinois Jack Ma.

La compagnie a également été choisie par le Programme alimentaire mondial (PAM) pour l’acheminement des fournitures et médicaments essentiels dans la prévention du Covid-19 en Afrique.

L’organisme spécialisé des Nations unies a choisi Addis Abeba comme l’un des huit centres mondiaux mis en place pour faciliter la chaîne logistique dans la lutte contre la pandémie. Notamment en raison de sa capacité à desservir tout le continent et de la capacité de stockage de son terminal de fret allant jusqu'à un million de tonnes par an.

De hauts responsables américains et japonais l'ont ainsi remerciée pour avoir rapatrié certains de leurs compatriotes depuis des pays africains. Malgré cela, elle pourrait ne pas pouvoir survivre plus de trois mois avant de devoir chercher de l'aide financière à l'extérieur, prévient son PDG. "Est-ce que nous serons capables de résister avec seulement 15% de nos revenus ?", s'interroge-t-il en référence à ce que rapporte l'activité fret. "Pour une courte période oui. Mais pour combien de temps ? C'est difficile à prédire."

L'Ethiopie a maintenu ses vols avec la Chine

Lors des premières semaines après l'apparition de la pandémie en Afrique, Ethiopian Airlines a été critiquée en Ethiopie pour avoir maintenu ses vols vers la Chine, d'où provient le virus, à la différence de ses concurrents comme Kenya Airways. Mais M. Tewolde assure que si c'était à refaire, il reprendrait la même décision. Il souligne que le premier cas officiellement recensé de Covid-19 en Ethiopie a été un Japonais arrivé dans le pays depuis le Burkina Faso.

Les routes chinoises constituent aujourd'hui le cœur des opérations de fret d'Ethiopian Airlines, alors que le monde entier tente de se fournir en équipements médicaux produits en Chine. Mais cette tâche est rendue plus difficile par la baisse vertigineuse du trafic passager, les avions passagers pouvant aussi transporter des marchandises. "En ce moment, on manque cruellement d'avions cargo en partance de Chine", observe Craig Jenks, de la société new-yorkaise de conseil aéronautique Airline/Aircraft Projects Inc. consultancy. Le coût des vols cargo longue distance est "au moins le double de la normale", ajoute ce dernier.

Enlever les sièges passagers

Au début de la crise, Ethiopian Airlines avait douze avions dédiés au fret. La compagnie a depuis modifié "dix à quinze" avions passagers en enlevant les sièges pour renforcer sa flotte (fret), explique M. Tewolde. Elle reste assez loin des capacités cargo de concurrents comme Emirates ou Qatar Airways. Mais selon Craig Jenks, elle peut espérer tirer à terme de ses opérations de fret jusqu'à 40% de ses revenus habituels.

Mais alors que le coût financier de la crise ne fait que s'accroître, Ethiopian Airlines a commencé à discuter d'un report des versements liés à la location d'avions et pourrait aussi réclamer un délai pour le remboursement de deux milliards de dollars de dette. La compagnie se dit déterminée à ne licencier aucun de ses employés permanents, mais n'exclut pas de devoir imposer des baisses de salaires si la crise devait perdurer, selon M. Tewolde. Ce dernier estime que l'expansion actuelle du secteur du fret pourrait fléchir dès le mois de juin, alors que le trafic passagers pourrait continuer à tourner au ralenti longtemps après que les pays auront levé les restrictions.

Oeil d'Afrique avec AFP



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