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Enquête : l’amour en temps de la Covid-19

2,6 milliards de personnes sont actuellement confinées dans le monde dû à l'accélération de la propagation de la Covid-19. Parmi elles, des couples qui peinent encore à trouver leur équilibre. Entre distanciation sociale, gestes barrières et peur de contaminer l’autre, la Covid semble vraisemblablement redéfinir la notion de couple en 2021.

Les relations amoureuses se retrouvent fragilisées par la crise sanitaire. Plusieurs couples tentent de maintenir la flamme allumée, malgré le souffle condescendant de la Covid-19 perturbant toutes formes de stabilité sur son passage.

Composer avec la distance

Assise les jambes en tailleurs sur son canapé, le visage égayé, Louise s’apprête à appeler son petit ami William en visio-conférence sur la plateforme de messagerie instantanée WhatsApp. Petit contraste au tableau, le haut de son corps semble être habillé pour une sortie en ville, lorsque le bas est vêtu d’un pyjama et de pantoufles : “Je ne vais lui montrer que le haut de mon corps, et mon visage… Je n’avais pas envie de m’apprêter entièrement. On va dire que ce sont les bons côtés de l’appel à distance, on peut montrer ce que l’on veut!” nous met-elle dans la confidence en souriant.

Cela fait maintenant plus de deux ans que la parisienne et William, originaire du Togo, sont en couple, et quelques mois que celui-ci se retrouve actuellement à Sokodé, dans le centre du Togo, dans le cadre d’une mission humanitaire corrélative avec la fin de ses études.

Seulement 4 181 km, des gestes barrières, des mesures sanitaires, des contrôles, des tests PCR, des masques chirurgicaux à changer toutes les deux heures et du gel hydro-alcoolique séparent les deux tourtereaux. Un nouveau tournant pour ce jeune couple, qui a des projets de fiançailles. “Nous ne sommes certainement pas les plus à plaindre, mais je pense qu’au départ on ne prenait pas vraiment pas la situation au sérieux. Nous n’avions pas du tout envisagés toutes les difficultés que cela impliquerait pour une vie de couple normale" explique William, à travers le téléphone.

Séparés et confinés

Malgré le fait que les frontières soit rouvertes depuis août 2021, notamment pour les vols France-Togo, Louise reste inquiète quant à la situation sanitaire et n’envisage pas de voyager : "De toutes façons, je suis confinée ici et ne peut me déplacer hormis pour motif impérieux et pour faire mes courses dans un rayon de 10 km suites aux nouvelles mesures du président français. Et puis sincèrement, j’ai mes études aussi, donc je ne me vois pas partir. Cette situation est très compliquée émotionnellement mais on s’y habitue ".

Malgré l’annonce en septembre dernier de Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, de dérogations pour les couples binationaux mariés ou pacsés séparés depuis le début de la pandémie de coronavirus, les couples restent sceptique sur d’éventuelles retrouvailles : "Dans tous les cas, je n’ai pas prévu de rentrer si c’est pour être confiné même si c’est pour être avec elle. Je sais très bien que l’on va se marcher dessus et que je vais perturber sa tranquillité " confie William.

Pour Cédric, jeune ivoirien séparé de sa compagne Tina qui habite en Côte d’Ivoire, la situation n’est pas meilleure : " Je suis rentré à Toulouse il y a maintenant trois mois, pas à cause du Covid mais surtout pour des opportunités professionnelles. J’ai quitté ma compagne et nous sommes confinés dans deux pays différents. Même si il y a beaucoup moins de cas en Côte d’Ivoire actuellement, la situation reste préoccupante. Je n’envisage pas d’y retourner pour l’instant car le contexte ne s’y prête pas. Je n’ai pas envie de me compliquer les choses même si ma compagne me manque " déclare t-il.

La crise sanitaire fait en effet naître une flambée de couples survivants frustrés face aux incertitudes de la pandémie. "Nous avons sans doute été mis à l’épreuve à certains moments. Le manque, la distance, l’impatience, si on y ajoute beaucoup de frustrations, on peut dire que nous avons été dos au mur. Dieu merci, aujourd’hui on est encore ensemble. Je peux même dire que cela nous a permis de nous émanciper d’une relation qui était non pas toxique, mais qui parfois pouvait être dépendante pour moi. Aujourd’hui, le fait de m’endormir seule, de ne pas l’avoir à mes côtés est toujours difficile mais j’apprends à me réguler ", et d’ajouter "même d’un point de vue intime, le manque est présent mais on va dire que c’est le moment pour nous de ne pas manquer de créativité. Il faut toujours maintenir la flamme allumée ".

Pour Cédric cependant, la séparation est souvent préférable au fait d’être constamment relié à sa partenaire. " Pour ma part, je peux dire que même si ma compagne me manque. Mon cerveau arrive à re-conditionner l’expression de l’amour. Je ne cache clairement pas que le fait d’être éloignés nous évite également certaines disputes inutiles " explique t-il.

L’amour au goût numérisé

Parmi les nombreux facteurs de la vie de couple qui se retrouvent particulièrement impactés par le fait d’être à distance les uns des autres, la vie intime fait partie des têtes de listes. Pour certains, combler le manque d’attention et de sensations attendrissantes par des photos, vidéos ou par des conversations suggestives, devient un moyen de décharger le sentiment de privation.

Louise se confie : " Je lui envoie beaucoup de photos pour lui témoigner ma tendresse. Elles ne sont pas nécessairement évocatrices mais en tous cas, c’est une façon de témoigner de mon affection. C’est sûr que cela ne remplace pas les vrais gestes et sensations de l’amour, mais on s’adapte " En effet, depuis le confinement, différentes plateformes sont privilégiées par les couples qui veulent se retrouver virtuellement. La plateforme Zoom par exemple, permet de partager des fichiers en plus des textes et des vidéos.

"Le digital a été un point fondamental dans le bon fonctionnement de notre relation. Notamment avec des outils comme FaceTime ou Discord. De plus, notre rituel était de s’appeler le plus souvent le soir, pour mettre une série ou un film en même temps, même si la connexion déconne beaucoup. Cela nous permettait de partager quelque chose ensemble. Je ne sais pas si les relations deviennent de plus en plus digitalisées. Ce qui me parait plutôt clair, c’est que nous avons essayé de vivre notre relation de la façon la vraie possible", ajoute la jeune étudiante.

Cédric partage cet avis : "L’essor d’une multitude d’applications qui nous permettent de communiquer en direct en visioconférence facilite à pallier le manque physique. Pour ma part, ça marche plutôt pas mal car le cerveau finit par s’habituer à ces nouvelles habitudes bien que le contact physique est irremplaçable. Je peux dire que mon cerveau arrive à re-conditionner l’expression de l’amour ".

Aurelie Kouman, Oeil d'Afrique



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