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Affaire Mutamba : Un scandale de détournement qui secoue la RDC

Le ministre d’État à la Justice, Constant Mutamba, est au cœur d’un scandale de détournement de fonds publics qui expose les failles du système de gouvernance en République Démocratique du Congo.

Il est accusé d’avoir détourné 19 millions de dollars sur un budget de 39 millions, initialement destinés au Fonds de Réparation pour les Victimes des Atrocités et des Crimes de Guerre (FRIVAO). Ces fonds ont été réorientés vers la construction d’une prison à Kisangani, une affectation qui interroge.

Depuis une semaine, Mutamba fait face à une procédure judiciaire. L’Assemblée nationale a voté quasi unanimement pour autoriser les poursuites, à la demande du Procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde Mambu. Ce même procureur fait lui-même l’objet d’une enquête, ordonnée par Mutamba, après des révélations sur l’acquisition en Belgique d’un bien dépassant le million de dollars. Cette affaire avait déjà suscité des soupçons de corruption autour d’un haut fonctionnaire à revenu modeste.

Un marché de gré à gré contesté

Outre l’allocation des fonds des victimes à un projet d’infrastructures, les interrogations concernent également la légalité du processus d’attribution du marché de la prison.

Le projet a été attribué à Zion Construction, une entreprise créée en mars 2024, sans adresse officielle et affichant un chiffre d’affaires de seulement 5 millions de dollars. Ce marché de gré à gré, en violation de la loi sur la passation des marchés publics, pose des questions sur la capacité réelle de cette société à mener à bien un projet d’une telle envergure.

Un schéma récurrent de corruption

Ce scandale rappelle plusieurs affaires récentes. Une semaine seulement sépare la condamnation de l’ancien Premier ministre Matata Ponyo à dix ans de travaux forcés pour détournement des fonds destinés au projet de la ferme agri-pastorale de Bukangalonzo.

Pour des observateurs au pays, ces dossiers ne sont pas étrangers aux négociations entre Kinshasa et Washington autour du futur “deal du siècle" sur les minerais congolais. En pleine discussion sur ce grand accord interétatique, le président Félix Tshisekedi veut rassurer les investisseurs américains que le climat des affaires dans son pays est propice. Quoi de mieux que des procès exemplaires et avec un retentissement mondial.

D’autres affaires ont marqué l’histoire du pays.

En 2020, Vital Kamerhe, alors directeur de cabinet du président, a été condamné à vingt ans de prison pour le détournement de 50 millions de dollars destinés à un projet de logement social. En 2009, la fermeture brutale de la mine Kingamyambo Musonoi Tailings (KMT) à Kolwezi a laissé 700 travailleurs congolais sans emploi, après le retrait illégal de sa licence d’exploitation.

Pouvoir et bourgeoisie : un piège inévitable

« Il n’y a vertu que la misère ne gâte. » – Chamfort.

En RDC, pouvoir et bourgeoisie sont indissociables. Ceux qui accèdent aux hautes sphères veulent s’intégrer à une élite jusque-là inaccessible : réceptions vénales, soirées chic, connexions avec les clans d’affaires, restaurants de luxe, louanges des artistes. Mais le prix à payer est terrible : vendre son âme, s’exposer aux humiliations et au mépris. Le pouvoir, loin d’être une simple fonction, devient un piège où opulence et privilèges finissent par corrompre même les plus vertueux.

Une lutte pour la transparence

Le Centre de recherche en finances publiques et développement local (CREDFL) appelle à un processus judiciaire transparent et à la récupération des fonds détournés. Reste à savoir si cette affaire marquera un tournant dans la lutte contre la corruption ou si elle viendra simplement s’ajouter à la longue liste des scandales oubliés. Les institutions judiciaires et l’opinion publique suivront de près l’évolution du dossier Mutamba. Chacun attend désormais des mesures concrètes pour restaurer la confiance dans les dirigeants du pays.

Adrien Maghene Debande



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