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Interview

Franck Kié : “ En matière de cybersécurité, il faut penser et proposer des solutions par des africains et pour l’Afrique. ”

Phishing, rançons-logiciel ou encore malware… il est difficile de s’accoutumer au jargon de la cybersécurité, tout comme il est complexe de comprendre ce à quoi nous sommes réellement exposés sur le continent africain. Pourtant, la réalité est frappante : Pas plus de 4 milliards de dollars de pertes sont générées par la cybercriminalité en 2020 sur le continent. 

Afin de mieux nous aider à saisir ces enjeux, Franck Kié, consultant en cybersécurité, fondateur de l’association Ciberobs et commissaire général du Cyber Africa Forum -ayant eu lieu le 18 juin dernier-, revient sur les enjeux de cette problématique face à la montée de cette nouvelle menace. Entretien. 

Oeil d’Afrique : Comment est né votre intérêt pour la cybercriminalité sur le continent africain? 

Franck Kié : Mon intérêt est venu de la passion que j’ai pour les questions de sécurité, de défense en général, et sur le continent africain en particulier. Je suis diplômé de l’école de guerre économique de New York University et de Warwick, où j’ai étudié les relations internationales et la sécurité internationale. Après avoir passé plusieurs années en cabinet conseil, je cherchais à me réorienter professionnellement, je me suis donc redirigé vers les questions de cybersécurité, d’où mon intérêt à travailler sur ce projet. 

Est-ce selon vous un secteur à fort potentiel en Afrique? (En termes d’insertion professionnelle, de défis à relever ?

Oui, je pense que c’est un secteur à très fort potentiel en Afrique. De façon générale aujourd’hui, le besoin des professionnels en termes de sécurité est de 3,5 millions de postes à pourvoir dans le monde. En Afrique on ne compte que 10 mille professionnels de cyber-sécurité. Je pense que nous sommes très en dessous du nombre de professionnels en Afrique. Cela reste malgré tout une voie à explorer pour combler les difficultés d’insertion professionnelle de la jeunesse du continent. 

La cybercriminalité a souvent été associée sur le continent, aux “brouteurs”, ces pros de l’escroquerie sur les réseaux sociaux par exemple. Aujourd’hui, nous parlons de "phishing", d’attaques par des OCT réparties au sein de plusieurs pays. Peut-on dire que les méthodes de cybercriminalité ont évolué en concomitance avec l’essor du commerce et des banques en ligne ? 

Tout à fait. Aujourd'hui on parle de phishing, de rançons-logiciels donc naturellement les cyber-attaquants et la cybercriminalité devient de plus en plus sophistiquée dans le monde et sur le continent aussi. 

Ce n’est plus un phénomène qui est réservé seulement à des pays plus développés mais en Afrique également on a des rançons ware, des logiciels malveillants, des chevaux de Troie, qui, la plupart du temps sont opérés par des gens basés sur le continent. 

Les méthodes de cybersécurité, ont-elles, également évolué parallèlement ? 

Plus il y a d’attaques, plus il y a de cybercriminels et donc de moyens de se défendre avec des systèmes de protection de détection, et de scan de vulnérabilité, qui sont de plus en plus poussés et développés. La meilleure façon et attaque c’est la sensibilisation du grand public, des acteurs privés et publics, pour aller vers une cybersécurité plus globale.  

On reproche souvent à l’Afrique de faire preuve de mimétisme concernant les formules de pays occidentaux. Que répondez-vous à l’idée que l'événement du Cyber Africa Forum ne serait qu’une simple réplique du Forum International de la Cybersécurité qui est de facto, votre partenaire?  

Ce n’est pas juste une réplique du FIC. Le FIC est ce qu’il est, nous sommes ce que nous sommes. Nous travaillons en bonne intelligence pour nous inspirer mutuellement de ce qu’il se fait de mieux des deux parties. La problématique la plus importante est de parler, de penser et de proposer des solutions par des africains et pour l’Afrique.  

De ce fait, pensez-vous que le continent africain est prêt, d’un point de vue financier, structurel, et politique à saisir les enjeux de la cybersécurité? 

Je pense que oui. C’est vrai qu’en termes d’infrastructures ou de coûts financiers ce sont des investissements qui demandent beaucoup de moyens. Je pense que c’est pour nous une opportunité de mettre en place des bases légales, des structures de gouvernance et d’intensifier la sensibilisation et la formation pour être prêts à saisir ces enjeux. 

Aujourd’hui nous avons tous les moyens avec la transformation digitale et numérique dans laquelle nous sommes avancés, de nous mettre à niveau.

Que pensez-vous des limites de la coopération intra-africaine en matière de cybersécurité ? 

Je pense que les états africains font ce qu’ils peuvent avec les moyens qu’ils ont. Néanmoins, nous pouvons aller plus loin. Ce n’est pas uniquement le fait des États africains. Il s’agit plutôt d’une problématique qui n’a pas de frontières et qui est à gérer à l’international.

Pourriez-vous développer au sujet CiberObs, la plateforme à votre initiative spécialisée sur la cybersécurité ? 

Ciberobs est une association, qui est le premier portail d’information sur la cybersécurité en Afrique. On propose des interviews, du relai d’information, on fait aussi des actions de sensibilisation à travers des webinaires, des interviews d’experts dans le secteur. 

Quels sont vos projets futurs ? 

Nous allons vers plus de contenu et de diversification de celui-ci avec des capsules vidéos, et nous allons avoir un podcast qui va être lancé aussi. Pour aller au plus près de notre cible et des personnes qui nous suivent et renforcer le travail de sensibilisation et d’information que l’on fait. 

En plus de cela, nous souhaitons développer notre plateforme en nous rapprochant de notre cible. Nous avons également prévu de travailler sur la seconde édition du “Cyber Africa Forum”, et de continuer à consolider notre communauté et notre think-tank la “ Cyber Africa Community”, sur laquelle nous comptons nous appuyer pour produire du contenu et de la ressource, de la matière pour faire avancer les choses sur les questions de cybersécurité en Afrique. 

Propos recueillis par Aurélie Kouman 



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