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RDC : Hoja Taxis, l’application qui sécurise les routes de Kinshasa
Hoja, quatre lettres pour une société et son application qui révolutionne le transport dans la ville de Kinshasa, capitale de la RDC. L’innovation est dédiée d’abord à la sécurité puisque cette technologie permet au passager de vérifier la fiabilité du taxi et du chauffeur avant d’embarquer. En moins d’une année, des milliers de taxis et taxi-bus sont étiquetés Hoja. Les autorités de la ville ont trouvé un partenaire qui a aidé à tourner la longue saison des kidnappings au point de lui confier l’identification des motos tout aussi importants dans le transport en commun.
La peur capitalisée pour l’innovation
Les enlèvements et rapts dans les taxis avaient failli s’installer dans l’imaginaire collectif kinois à partir de l’année 2016, au milieu de grands tumultes politiques suivant le report de l’élection pour la succession du président Joseph Kabila. Le transport en commun était devenu un jeu de hasard très périlleux. « Il y a quelque temps, la ville de Kinshasa a connu des phénomènes d’enlèvement des écoliers, des adultes, de rapts de bien à bord de véhicules de transport en commun », relate Henry Nzuzi Muambi qui est présentement le chef de la division des transports et voies de communication dans la ville de Kinshasa. Piégés dans un système de transport abandonné par les pouvoirs publics, 12 millions de congolais à l’époque devaient aussi faire avec l’absolue incertitude. Pas évident pour des habitants habitués à la quiétude. « Il y avait beaucoup d’insécurité. Des gens autour de moi, j’ai eu tellement de personnes qui se sont fait enlever et c’était tout le temps dans des ketch (les taxi-voitures, ndlr) et il n’y avait pas moyen de se protéger contre ça parce qu’on ne pouvait pas savoir si le taxi était fiable ou pas », se souvient Coralie Levo, la vingtaine aujourd’hui et qui a installé l’application Hoja Taxis sur son smartphone.
Cette expérience devenait plus amère lorsqu’on était une femme, raconte Magalie Bueyasadila. « 90% des victimes étaient femmes du coup on se sentait tout aussi exposées ». En 2016, Magalie est une jeune femme qui redécouvre son pays après 10 ans tout comme son amie Ursula Ndombele. Toutes deux ont importé leur savoir-faire après des études en Afrique du Sud et en France, respectivement. « Nous étions touchées avec le phénomène de kidnappings dans le transport en commun qui enflait à Kinshasa. Nous avons vu nos frères et amis en être victimes et on ne pouvait pas être indifférentes. Nous nous sommes assigné de mettre en place une solution pour que chaque kinois soit en mesure de vérifier si un taxi est sûr avant d’embarquer ».
Dorénavant, c’est en tant que Directrice d’exploitation de l’entreprise que Magalie Bueyasadila s’exprime alors qu’Ursula Ndombele, la directrice générale de Hoja a présenté le joyau au salon des innovations et des technologies Viva Tech qui s’est tenu à Paris, il y a un mois.
Une formule pratique et accessible
A Kinshasa, l’introduction de Hoja a permis aux services de l’Etat de collecter en toute transparence des taxes de la ville en rapport avec le transport en commun. Dans un pays où cela résulte d’habitude en des tracasseries routières qui peuvent se transformer en scènes de violentes entre les chauffeurs et les agents de l’ordre, cet exploit est appelé à se pérenniser et surtout à couvrir tous les taxis et taxi-bus en circulation. Les chauffeurs sont assurés de payer au Trésor. Mais l’autre avantage, c’est que, l’application permet aux chauffeurs de payer repartir sur plus de 25 jours des taxes mensuelles qu’ils peuvent payer désormais par petites tranches chaque jour.
La méthode a le mérite de stimuler plus de contribuables et d’élargir l’assiette fiscale. Un avantage en plus. « La contribution de de l’application Hoja est double. Elle est d’abord d’ordre sécuritaire ensuite financier ». Henry Nzuzi Muambi a tranché. L’aspect sécuritaire est fondamental pour les gouvernants dans la collaboration avec les équipes d’Ursula et Magalie. C’est à bon escient que Henry Nzuzi Muambi se frotte les mains. « L’application nous donne des renseignements sur le véhicule, le propriétaire et le conducteur du véhicule. Même en cas de changement du véhicule, nous avons la possibilité d’avoir des renseignements sur le nouveau conducteur et cela nous a apporté un plus dans la sécurité des personnes et de leurs biens sur les routes de la ville de Kinshasa ».
A travers la ville, il y a plus d’un centre de monitoring pour traiter les communications qui sont émises via l’application en rapport avec le trafic routier. La police est à la réception d’un signal mais celui-ci doit provenir d’un passager, le cas échéant. « Le passager qui veut prendre un taxi doit juste scanner le numéro sur le sticker HOJA qui est à la portière avant du véhicule. Mais si l’endroit n’est pas sûr pour sortir son téléphone, il peut démarrer l’application et taper le numéro. Dans les deux cas, le résultat est le même. En deux secondes, apparaissent la photo, la couleur, le numéro de la plaque du véhicule, le prénom et la photo du chauffeur ».
Toute irrégularité peut signifier un danger vis-à-vis du passager. Les autorités recommandent une précaution tous azimuts. « Si cela correspond aux données en vue, vous confirmez à Hoja que vous avez trouvé un bon taxi et si quelque chose ne correspond pas, vous signalez », conclut le chef des transports dans la ville. C’est d’ailleurs lui-même qui incite les kinois à s’en servir. « Les kinois qui utilisent déjà l’application peuvent se rendre compte qu’elle est importante. C’est là que j’invite tous les autres à s’approprier. Avant d’embarquer dans un taxi, qu’il y ait une application qui nous garantit la sécurité ».
Adieu l’incertitude ! Coralie Levo témoigne du changement positif apporté par Hoja Taxis qui semble avoir rétabli, dans sa vie, une nette liberté des mouvements qu’elle avait perdue aux heures sombres des enlèvements. « Avec Hoja, je peux scanner le taxi dans lequel je monte, je sais qui conduit et je peux signaler à mes proches. Je me sens mieux, je me sens plus en confiance avec Hoja ».
Hoja, il y a un avant et un après
Le meilleur prisme pour évaluer cette application, c’est en établissant une comparaison entre la période avant et celle suivant son lancement. Coralie qui a regagné confiance « ne se sentait plus en sécurité en utilisant un taxi » tandis que Henry devait constamment gérer des sollicitations de la justice. « Il y avait aussi des plaintes qui ont été déposées auprès des instances judiciaires de notre pays et pour avoir les informations sur les accidents des véhicules, sur les vols, sur les enlèvements, les instances judiciaires nous adressaient régulièrement des réquisitions d’information pour que nous puissions les renseigner ». Pour lui aussi, la situation a pris une tournure littéralement différente. « Mais depuis que l’application Hoja couvre le secteur, nous n’avons pas enregistré une seule réquisition d’information depuis janvier jusqu’à ce jour (soit plus de six mois, ndlr). Avant cela, on en recevait une vingtaine, une trentaine par jour ».
De par leur invention, Ursula et Magalie ont résolu l’équation d’un soir où elles s’étaient retrouvées sans chauffeur ni taxi fiables. Pour elles comme pour les autres, Kinshsa est drainé des taxis jaunes qu’il est possible de scanner. Sans doute, elles savourent, dans l’ombre leur accomplissement. Mais selon Magalie, leur satisfaction ne se limite pas uniquement à cela. « Nous sommes sur terrain depuis juste l’an dernier mais il y a de quoi se réjouir. L’une des causes des kidnappings c’est le sous-emploi des jeunes. Depuis décembre 2020, nous avons pu créer 35 emplois pour des jeunes hommes et femmes. Mais cette expérience nous permet aussi d’être humble et d’envisager une plus grande contribution au bien-être social dans notre pays ».
Une technologie à la portée de tous
A Kinshasa, il y a encore de nombreuses personnes qui n’ont pas accès à un téléphone compatible. Difficile donc pour elles de télécharger l’application Hoja. Mais, cela n’est pas un obstacle à l’expansion de la technologie. « L’idée était de trouver une formule simple, c’est-à-dire accessible pour tous et moins cher et qui pouvait s’inscrire dans la durée… Dès la genèse de ce projet, nous avons pensé aux gens qui utilisent les téléphones fonctionnels qui ne peuvent pas utiliser la facette Internet de l’application ».
Ces utilisateurs peuvent, eux aussi, procéder à l’auto-vérification préalable du transport en commun qu’ils choisissent. « A travers un code court que l’opérateur Orange nous a octroyé, ils peuvent envoyer un message contenant le numéro d’identification Hoja sur la portière avant du véhicule. Ils auront toutes les informations essentielles : marque et modèle du véhicule, la couleur, le numéro de la plaque et les informations sur le chauffeur. Tout ce qu’ils n’auront pas, ce sont les photos », assure Magalie.
Et maintenant une localisation à distance
Pour renforcer la sécurité, les services devaient examiner toutes les failles dans le réseau de transport urbain dans Kinshasa. Pas chose aisée puisque la plateforme publique est quasi-inexistante. En tant que partenaire technique du gouvernement provincial, il incombait à Hoja d’identifier boucher tous les trous, ce qui implique de les déceler. « Sur terrain, nous avons noté que la plupart des chauffeurs ne sont pas les propriétaires des taxis. C’est pourquoi, dès la première application, nous avions élargi l’identification aux propriétaires ». Magalie explique que les véhicules qui ont été détournés pour la salle besogne l’étaient alors que les propriétaires – de bonne foi – ne soupçonnaient rien. « Ces derniers ont toujours eu du mal à contrôler leurs véhicules. C’est pourquoi les kidnappings se perpétraient même avec des vrais taxis mais les propriétaires ne savaient pas à un moment précis à quoi ils servaient », ajoute donc la jeune femme ingénieur en télécommunications.
Les deux co-fondatrices et les autres cerveaux de la Hoja family ont poussé le raisonnement pour permettre aux propriétaires des véhicules affectés au transport de ne plus en être déconnectés. « Hoja GPS leur a donné désormais la possibilité de suivre le mouvement de leurs véhicules voire de les arrêter et les redémarrer à distance en cas d’alerte ». Cela a aussi l’avantage de donner aux services de sécurité un interlocuteur supplémentaire en dehors du chauffeur qui peut parfois être lui-même la cible de faux clients. « La majorité de chauffeurs sont des parents de familles qui courent après le pain pour leurs enfants et leurs femmes. Cette identification permet de les démêler des criminels mais aussi de les sécuriser puisqu’ils ont souvent de l’argent sur eux, ce qui peut attirer des clients malveillants ». L’application Hoja GPS n’est pas une laisse à la main du propriétaire pour tenir son chauffeur. A l’instar de son aînée, Hoja Taxis, il s’agit d’un outil de sécurité. « Il y a un bouton SOS pour les chauffeurs en cas de danger. Cela nous permet de localiser et stopper le véhicule. L’alerte est redirigée directement vers les services de la ville et l’information atteint la police qui peut alors intervenir ».
C’est le torse bombé que la start-up Hoja envisage le défi imminent de l’identification des taxi-motos qui ont pris de l’ampleur dans le déplacement des millions des kinois, à travers les 24 communes. L’infrastructure est là et la réputation d’un premier volet du processus réussi seront un double atout qui va également susciter de la curiosité au début. Mais tant mieux si c’est pour apporter satisfaction.
L’enjeu de la digitalisation du contrôle des motos pourrait apporter de grands bienfaits à la ville et à sa population car les taxi-motos sont impliqués dans la majorité des accidents sur les routes de Kinshasa. Mais souvent, ils sont difficiles à attraper lorsqu’ils décident de se dérober de la police.
Maghene Deba - Oeil d'Afrique
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