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Tito Mboweni : du ministère de Nelson Mandela à la tête de la Banque centrale, une vie au service de l’Afrique

Tito Mboweni, ancien ministre sud-africain et gouverneur de la Banque centrale, s’est éteint le 12 octobre à l’âge de 65 ans. Son nom est indissociable de l’histoire politique et économique de l’Afrique du Sud, ayant marqué de son empreinte le pays durant plusieurs décennies. Figure majeure du gouvernement de Nelson Mandela, Mboweni a joué un rôle central dans la stabilisation et la modernisation de l’économie sud-africaine post-apartheid.

Un parcours au service du développement économique

Né en 1959 dans la province du Limpopo, Tito Mboweni a grandi dans un contexte marqué par les inégalités raciales de l’apartheid. Pourtant, il a su briser les barrières pour s’imposer comme l’une des figures économiques les plus influentes de son pays. Diplômé de l’Université du Nord (devenue Université de Limpopo), il poursuit ses études à l’étranger, obtenant un diplôme en économie et développement de l’Université de Londres, un parcours international qui allait renforcer sa stature dans les cercles politiques et économiques.

Mboweni entame sa carrière dans les années 1980 en tant que militant anti-apartheid avant de rejoindre le Congrès national africain (ANC). En 1994, alors que Nelson Mandela devient le premier président noir de l’Afrique du Sud démocratique, Mboweni est nommé ministre du Travail. À ce poste, il mène des réformes cruciales, notamment la mise en place de la Labour Relations Act (1995), qui redéfinit les relations employeurs-employés et renforce les droits des travailleurs. Cette loi emblématique a permis de moderniser le marché du travail en Afrique du Sud, facilitant l’inclusion de millions de citoyens précédemment marginalisés.

Gouverneur de la Banque centrale : une ère de stabilité

En 1999, Tito Mboweni prend les rênes de la Banque centrale sud-africaine, devenant le premier gouverneur noir de l'institution. Sous sa direction, l’inflation est maîtrisée, les réserves de change du pays augmentent et l’indépendance de la Banque centrale est renforcée, en dépit des défis économiques mondiaux de l’époque, notamment la crise financière de 2008.

L’un des moments les plus marquants de son mandat reste l’adoption du régime de ciblage de l’inflation, une stratégie encore en vigueur aujourd’hui. Entre 1999 et 2009, sous sa gouvernance, l’inflation sud-africaine est passée de 5,2 % à 4,2 %, une réalisation saluée par de nombreux économistes. « Tito Mboweni a été un artisan essentiel de la stabilité économique en Afrique du Sud à une époque de grande incertitude », souligne Xolani Dube, analyste économique à l’Institut sud-africain des Affaires internationales.

Outre la gestion macroéconomique, Mboweni a également œuvré pour renforcer la crédibilité de la Banque centrale sur la scène internationale, en intégrant pleinement l’Afrique du Sud aux institutions financières mondiales comme le FMI et la Banque mondiale.

Un retour à la politique au service de la nation

Après dix ans à la tête de la Banque centrale, Tito Mboweni quitte son poste en 2009 mais reste actif dans la sphère publique. En 2018, il est rappelé pour diriger le ministère des Finances, un département crucial alors que l’Afrique du Sud faisait face à une crise budgétaire et à une croissance économique ralentie. Son retour est perçu comme un gage de confiance dans les cercles financiers, bien que ses réformes économiques aient parfois suscité des critiques pour leur rigueur. « Mboweni a su prendre des décisions difficiles, dans l'intérêt du pays, même lorsqu'elles étaient impopulaires », déclarait récemment Cyril Ramaphosa, l'actuel président sud-africain.

Dans ses dernières années au gouvernement, Mboweni s'est concentré sur la réduction de la dette publique et la relance de l'économie sud-africaine. Toutefois, ses efforts pour stabiliser les finances publiques se sont souvent heurtés à des vents contraires, notamment à la montée du chômage, aux défis structurels et à la pandémie de COVID-19.

Un homme aux multiples talents

En dehors de la politique, Tito Mboweni était également connu pour son franc-parler, notamment sur les réseaux sociaux où il partageait régulièrement ses opinions et… ses recettes de cuisine ! Un homme aux multiples facettes, qui aimait se montrer proche du peuple sud-africain. Mboweni a su maintenir cette simplicité malgré ses responsabilités importantes. Il était également président de plusieurs conseils d'administration et impliqué dans des initiatives de développement économique à l'échelle du continent.

Un héritage durable

Le décès de Tito Mboweni marque la fin d'une époque pour l'Afrique du Sud, mais son héritage perdure. Il laisse derrière lui une nation dont l'économie a été profondément transformée grâce à ses réformes et à sa vision. En tant qu’économiste et homme d’État, il a su conjuguer rigueur, intégrité et dévouement au service du bien commun. « Il représentait l’excellence africaine, un exemple pour les jeunes générations d’économistes et de leaders politiques à venir », estime Pumla Gobodo-Madikizela, professeur d’économie à l’Université du Cap.

Alors que l'Afrique du Sud s'apprête à lui rendre un dernier hommage, l'influence de Mboweni continuera de résonner au sein de l'appareil économique et politique du pays, ainsi qu'au-delà des frontières sud-africaines. Son parcours reflète la trajectoire d'une Afrique du Sud en transition, à la recherche d'un avenir plus juste et inclusif. Avec la disparition de Tito Mboweni, l’Afrique perd l’un de ses plus grands artisans de la stabilité et de la réforme économique.

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