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Brésil : plus de 6 000 indigènes manifestent pour leurs terres

Depuis dimanche, des milliers d’autochtones ont dressé des tentes, chantent et dansent non loin de la Cour suprême. Ils attendent un jugement de la plus haute juridiction brésilienne sur leur droit à disposer de leurs terres ancestrales. Il s'agit de la plus grande manifestation d'indigènes jamais organisée dans le pays, selon les organisateurs.

Ils manifestent en amont d’un jugement très attendu de la Cour suprême du Brésil sur leur droit à disposer de leurs terres ancestrales. Quelque 6 000 indigènes, membres de 170 tribus, ont manifesté, mercredi 25 août, en tenue traditionnelle – portant des coiffes à plumes et brandissant des arcs et des flèches – en plein cœur de Brasilia. Il s’agit de la plus importante manifestation d’indigènes jamais organisée au Brésil, selon l’Articulation des peuples indigènes du Brésil (Apib), qui coordonne la mobilisation.

Depuis dimanche, des milliers d’autochtones ont dressé des tentes, chantent et dansent près des édifices modernistes du palais présidentiel, de la Cour suprême et du Parlement. Ces rassemblements se tiennent dans le calme, sous la vigilance de policiers antiémeute. En juin, des manifestations pour les mêmes motifs avaient dégénéré. Trois manifestants avaient été blessés, de même que trois policiers, par des flèches.

La « thèse temporelle »

Les onze juges de la Cour suprême vont se pencher, à partir de mercredi, sur la « thèse temporelle », qui ne reconnaît comme ancestrales que les terres qui étaient occupées par les indigènes quand a été promulguée la Constitution, en 1988. Or de nombreuses tribus ont été déplacées lors des soubresauts de l’histoire brésilienne, notamment sous la dictature militaire (1964-1985). De retour sur leurs terres, ces tribus réclament la protection du statut accordé aux réserves, auquel est opposé le puissant lobby brésilien de l’agronégoce.

C’est en tranchant sur le cas spécifique d’une réserve de l’Etat de Santa Catarina (sud) – décider si la thèse temporelle s’y applique ou non – que la Cour suprême rendra un jugement qui concernera, par ricochet, des dizaines d’autres réserves faisant l’objet de litiges depuis des années. Sa décision ne sera a priori pas connue dans la journée, ni même cette semaine.

Le président brésilien, Jair Bolsonaro, a déclaré que surviendrait « le chaos » si la thèse temporelle, favorable aussi aux activités de déforestation et de prospection minière illégales, n’était pas confirmée par la haute cour. « Si la Cour suprême accepte la thèse temporelle, cela pourrait légitimer la violence contre les peuples indigènes et exacerber les conflits dans la forêt amazonienne et d’autres régions », a averti Francisco Cali Tzay, rapporteur spécial des Nations unies pour les droits des peuples indigènes.

Défense de la forêt amazonienne

Les manifestants protestent également contre ce qu’ils estiment être des violations systématiques de leurs droits depuis la prise de fonctions, en janvier 2019, du président d’extrême droite. « Ce gouvernement attaque les peuples indigènes », déclare Syrata Pataxo, un chef de 32 ans des Pataxo, tribu de l’Etat de Bahia (nord-est). « Aujourd’hui, toute l’humanité appelle à la protection de la forêt amazonienne. Mais le gouvernement veut que notre forêt, le poumon de la planète, soit remplacée par les cultures de soja et l’extraction d’or », explique le chef indigène.

M. Bolsonaro soutient un projet de loi qui ouvrirait les terres indigènes à l’exploitation des ressources naturelles. Deux autres propositions de loi sont décriées par les tribus, qui y voient un encouragement à « l’invasion » de leurs terres. L’une prône la régularisation des occupations illégales de terres par des orpailleurs, bûcherons ou éleveurs. Les quelque 900 000 indigènes du Brésil représentent 0,5 % des 212 millions d’habitants et leurs terres s’étendent sur 13 % du territoire de cet immense pays. 

Oeil d'Afrique avec AFP



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