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Crise ukrainienne : quand la Russie mène le bal
Vladimir Poutine a présidé, ce lundi 21 février 2022, une réunion extraordinaire de son Conseil national de sécurité qui a pris fin, il y a quelques heures. Filmé et diffusé sur les chaînes russes et internationales, l’exercice est une réussite totale en termes de communication, surtout quand on sait que ce genre de réunions se déroulent bien souvent à huis clos. Sur le plan diplomatique, cette réunion marque un tournant important dans ce qu’il convient d’appeler « la crise ukrainienne ».
La Fédération de Russie ne reculera pas, et ce ne sont pas les menaces de sanctions occidentales qui lui feront changer d’avis. Bien au contraire. En fait, la cruelle réalité du rapport de force est en train de rattraper les Américains et leurs valets européens. Que de s’engager sur une voie diplomatique sérieuse, ces derniers ont préféré faire ce que j’appelle « la diplomatie de la télé-réalité », passant leur temps à proférer des menaces contre la Russie pour amuser leurs opinions publiques, alors que la réalité du terrain exige une approche diplomatique pragmatique et dénuée de toute forme d’arrogance et de moralisme.
En privé on dit une chose et en public on raconte une tout autre histoire, tout en prenant soin de faire fuiter le contenu des documents censés rester confidentiels, pour ne pas dire secrets. Par conséquent, les Russes ont décidé de changer les règles du jeu, promettant par exemple de rendre public la réponse qu’ils ont réservée aux Américains sur leurs exigences en matière de sécurité. Ce qui est une première, surtout quand on connaît le flegmatisme du président Vladimir Poutine et des diplomates russes.
Durant la réunion du conseil de sécurité russe, le président Poutine a même balancé certaines « confidences » que lui a faites Joe Biden sur le fait que l’Ukraine n’allait pas intégrer l’OTAN. Il a aussi parlé de l’échange qu’il a eu avec Emmanuel Macron cette nuit, échange au cours duquel le président français aurait affirmé que les États-Unis sont prêts à changer de position sur la question ukrainienne, qui est en réalité le faux nez dissimulant la question de l’indivisibilité de la sécurité en Europe chère aux Russes.
À voir comment les Occidentaux s’agitent depuis quelques jours, on peut affirmer, sans crainte de se tromper, que c’est la Russie qui impose désormais le tempo dans les négociations. Il suffit d’observer le sens du « vent diplomatique » pour s’en apercevoir : ça souffle de l’Union européenne vers la Russie. En effet, ils sont nombreux les dirigeants européens et américains qui cherchent à discuter avec les Russes. Hier, le président Joe Biden s’était dit prêt à rencontrer Vladimir Poutine « à tout moment », qu’importe le format. Ce matin, la France a même annoncé une rencontre entre le président américain et son homologue russe à Paris. Mais le Kremlin a jugé « prématuré » un tel sommet, douchant les espoirs suscités par l’annonce française. En d’autres termes, les Russes ont dit NON. Du moins pour l’instant.
En ce moment même, Vladimir Poutine étudie la demande de reconnaissance de l’indépendance des séparatistes en Ukraine. L’heure de vérité approche à grands pas, au moment même où menaces, bruits de bottes et de canons, mais aussi lueurs d’espoir s’alternent à un rythme effréné.
Il va sans dire que les Occidentaux se retrouvent pris à leur propre jeu. Pratiquant une diplomatie de l’arrogance, ils sont myopes et/ou refusent de comprendre que le 21e siècle n’est pas le siècle de l’Occident; qu’ils doivent composer avec la réalité d’un monde multipolaire dominé par des puissances comme la Chine et la Russie qui, aux yeux de plusieurs peuples à travers le monde, apparaissent comme des alternatives crédibles face à un Occident incapable de se remettre en question, comme l’affirmait, il y a peu, l’ancien ministre des Affaires étrangères français Dominique de Villepin.
Patrick Mbeko
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