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Haïti – Assassinat de Jovenel Moïse : l’enquête impossible

L’enquête sur l’assassinat le 7 juillet du président Jovenel Moïse est à l’image d’Haïti, un pays en plein chaos politique économique et social, administré par un État failli. Le dernier rebondissement ? Bed-Ford Claude, le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, équivalent d’un procureur général du pays, a accusé mardi le Premier ministre Ariel Henry, nomme juste avant sa mort par Moïse, d’être lié au meurtre.

Un peu avant l’attentat, Ariel Henry aurait parlé, en pleine nuit, à Joseph Félix Badio, un ancien cadre de l’unité de lutte contre la corruption, en fuite et soupçonné d’être un des organisateurs de l’attaque. Le procureur Claude dit s’appuyer sur des relevés téléphoniques pour demander l’inculpation du Premier ministre et lui imposer une interdiction de sortie du territoire. Sauf que tout cela ne relève en rien des compétences du procureur, mais du juge d’instruction, et que Bed-Ford Claude est fortement soupçonné d’agir en service commandé ​pour des rivaux politiques du Premier ministre… Sans attendre, Ariel Henry a d’ailleurs limogé celui qui l’accusait.

Les manœuvres de diversion pour empêcher la justice de faire sereinement son travail ne passeront pas ! Les vrais coupables de l’assassinat odieux du président Jovenel Moïse, seront trouvés, traduits en justice et punis », a promis Ariel Henry.

Depuis le début, rien ne tient debout. Comment Jovenel Moïse a-t-il pu être tué par balles à l’intérieur de sa résidence ultrasécurisée sans qu’aucun des membres de la sécurité, facilement neutralisés, n’aient une seule égratignure ? Certes, le commando de mercenaires était très « pro », formé d’anciens militaires colombiens. Mais alors comment expliquer que ces mêmes « pros » ​aient été aussi facilement et rapidement tués (pour trois d’entre eux) ou arrêtés.

Depuis deux mois, quarante-quatre acteurs présumés du complot sont derrière les verrous, dont 18 Colombiens et deux Américains d’origine haïtienne. Mais leurs interrogatoires n’auraient toujours pas permis de faire la lumière sur les donneurs d’ordre… Preuve que pour beaucoup, l’enquête apparaît impossible, voire dangereuse, plusieurs juges pressentis pour assumer l’instruction se sont récusés. Comme le juge Mathieu Chanlatte, qui a accepté le 9 août, avant de se retirer le 13.

Dans un entretien au site canadien La Presse, l’Haïtien Roromme Chantal, professeur de sciences politiques à l’université Moncton estime que la lumière ne sera sans doute jamais faite sur la mort de Jovenel Moïse : Je ne pense pas que ces révélations [de mardi] viendront apprendre grand-chose aux Haïtiens, qui sont conscients de la corruption de l’appareil de l’État.



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