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Carnet de voyage littéraire : retour sur le FILAB 2024-L’Ivre du Livre

Du 10 au 12 octobre 2024, j'ai participé à la deuxième édition du FILAB (Festival international du Livre et des Arts assimilés du Bénin). Une grande première pour moi ! Jamais auparavant dans ma vie d’auteur (ou d’écrivain, diront certains), je n’avais participé à un événement littéraire de portée internationale. Comme j’ai publié en début d’année « Cher Burkina », un récit aux accents d’Essai (Maïa Éditions), le voyage en valait son pesant d’or. Ça été pour moi l’occasion rêvée, à défaut de me rendre directement au Burkina, de le présenter à des lecteurs de la région.


Une fois l’inscription sur le site du FILAB validée, me donnant droit à un stand pour exposer mes livres ; une fois les formalités remplies – visa, billet, réservation d’hôtel – depuis la France – où j’exerce en tant que médecin, bien que d’origine congolaise –, je me suis donc envolé pour Cotonou. Dans l’avion, curieusement, j’ai été d’un calme inhabituel – d’habitude je suis excité à l’idée de fouler une terre jamais visitée. À la vérité, en deux ans, j’ai effectué plusieurs voyages au Burkina-Faso pour des raisons personnelles. De fait, je n’appréhende plus cette situation où je débarque pour la première fois dans une contrée africaine. Je suis partout chez moi en Afrique, après tout. Mes pensées, durant tout le trajet, ne sont tournées que vers le Festival.

Le FILAB se tient à la « Bibliothèque Godomey Bénin Excellence », une énorme bâtisse tout en bleu azur comme pour symboliser la tranquillité que requiert la transmission des savoirs. Sous la tutelle du ministère du Tourisme, de la Culture et des Arts du Bénin, cet événement vise à « positionner davantage le Bénin sur l'échiquier mondial à travers son patrimoine livresque et artistique ». Mais pas que ! Le FILAB se veut aussi panafricain et inclut donc une diversité culturelle et artistique : la danse, les chants, les contes, etc.

Pour cette deuxième édition, le Gabon était à l’honneur. Sa délégation, naturellement, a comporté des plumes bien connues et parfois acérées, Rosny Le Sage Sonaga (le chef de la délégation), Mère Rose Marie Mfondo Menie, le professeur Myriam Marina Ondo, pour ne citer que ceux-là. C’est le Cameroun qui a eu la plus importante délégation avec, bien sûr, plusieurs écrivains et poètes, mais aussi des éditeurs et des journalistes. Le Sénégal, pays ô combien riche d’écrivains, y a été représenté par Idrissa SOW, écrivain, Alioune DIOP, journaliste et écrivain. La qualité et la clarté de leurs interventions lors des débats et cafés littéraires a été sans tâches. Le Togo, le Mali, la Côte d'Ivoire, le Tchad, ont également été présents.

Face à ces nombreuses délégations, une once de frustration m’a traversé en découvrant que mon pays d’origine, le Congo-Brazzaville, était aux abonnés absents. Ce n’est plus un cliché de dire plus rien ne va dans mon pays natal. J’ai néanmoins posé la question aux organisateurs pour savoir s’ils avaient omis d’inviter les écrivains congolais – car le Congo est une terre de lettres –, leur réponse a été nette : ils ont été invités mais personne n’est venue. Je n’ai pas insisté sur les raisons de cette absence remarquée. La situation socio-économique que traverse notre pays en est peut-être l’une des causes.

Le pays hôte, le Bénin, cela va de soi, a été fortement représenté dans tous les domaines littéraires et artistiques. Gaston ZOSSOU, écrivain et ancien ministre, Adélaïde FASSINOU qui a parlé de ses ouvrages, en particulier de « Comme un avant d’apocalypse » – l'auteure y revient sur la façon dont elle a géré sa maladie, le Covid-19.

Le thème principal du FILAB 2024 a porté sur la contribution du livre dans l'économie culturelle. Peut-on vivre du livre en Afrique ? Question intemporelle et universelle. Car oui, que ce soit en Europe ou en Asie, voire même en Amérique, l’écriture est loin d’être un moyen de subsistance. Toutefois, il est permis de rêver, et c’est cela aussi la littérature : le rêve !

La présence des écoliers, élèves et étudiants, reflète la vision des organisateurs, c’est-à-dire inciter à la lecture et susciter des vocations. Le FILAB est donc tourné vers l'avenir. L’autre point fort de cette deuxième édition : la dédicace du roman « Fils de Prélat » d'Armand Claude ABANDA, sur fond d’interventions des grillots et des conteuses.

Personnellement, je me suis davantage intéressé à la problématique des langues africaines. Comme la littérature africaine est surtout d'expression française, une table ronde a été consacrée sur les langues africaines. D'aucuns pensent qu’écrire en français, la langue officielle des pays africains francophones, ne peut traduire ou refléter toute la pensée africaine. Alors pourquoi ne pas écrire en langues locales ? Mais quelles langues choisir ? Le Swahili qui a été reconnu par l'Union africaine comme la langue la plus parlée en Afrique ? Quelles langues choisir quand, dans un pays, on peut compter des centaines de dialectes ? Des débats nourris dans ce sens ont eu lieu. Chaque ethnie ou tribu veut garder sa langue.

Et, abordant cette question, l'historien Emery Patrick EFFIBOLEY, chef du Département d'histoire d'art à l'université de Calavi-Abomey, s'est dit consterné par cette attitude égoïste qui caractérise chacun à s'accrocher à sa langue. Cependant dans cette vaste étendue qu’est l’Afrique francophone, il est difficile d’avoir une langue commune africaine. Emery Patrick a néanmoins pris pour exemple le Royaume du Kongo, qui s'étalait sur un grand territoire.

Comment les populations communiquaient-ils à ces époques-la ? Il a aussi pointé du doigt les tentatives de déformation des faits historiques, par exemple, la traduction anglaise du manuscrit sur le Royaume du Kongo : Balandier Georges (1968), THE DAILY LIFE IN THE KINGDOM OF KONGO. FROM THE SIXTEETH TO THE EIGHTEETH CENTURY. LONDON. GEORGE ALLEN AND UNWIN LDT, une édition qui ne retranscrit pas fidèlement la version originelle parue en langue française.

Quoi qu’il en soit, le festival a commencé par une ambiance conviviale et il s’est terminé par une ambiance très festive, avec les interventions des grillons et/ou conteuses, de la musique traditionnelle, des expositions des livres et d'objets d'arts dans les stands.

En marge de cet événement, a été organisée une excursion sur la route de l'esclavage. Nous avons notamment visité différents sites le long de cette route, et la cité martyr de OUIDAH qui opposa une résistance farouche à cette cruauté qu'était la Traite des esclaves. C'était la partie triste de ce festival mais cette excursion valait la peine d’être effectuée pour ne pas occulter ces faits historiques et crimes contre l'humanité.

Thierry-Paul Ifoundza
Médecin-écrivain



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