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Dans le sud de Madagascar, des villages étranglés par la famine
Rien à manger, rien à semer. Dans le sud de Madagascar, sur des dizaines de milliers d’hectares, la campagne est désolée et fébrile. Une sécheresse exceptionnelle qui a transformé les champs en poussière et qui condamne plus d’un million de personnes à la faim. La dernière fois qu’il a plu dans le village d’Ifotaka, c’était en mai. Deux heures et c’est tout. La période de soudure, qui commence en octobre, offre peu d’espoir.
Les villages sont abandonnés ou peuplés de paysans hagards qui ne travaillent plus une terre devenue stérile. L’absence de nourriture rend les gens las et leurs cerveaux affamés ont bien du mal à suivre aussi. « Je me sens malade et stressée. Chaque jour, je me demande ce que nous allons bien pouvoir manger », confie à l’AFP Monique Helmine, mère de six enfants qui approche de la cinquantaine, dans le village d’Atoby.
Cette femme menue aux cheveux gris, visage fermé et sourcils froncés, fait bouillir du cactus, après avoir retiré les piquants à la machette, devant sa maison en bois. Un recours coupe-faim courant dans la région, en dépit des maux de ventre qu’il provoque. Ses trois aînés sont partis chercher du travail ailleurs. Elle s’occupe des plus jeunes. « Je voudrais m’installer dans une région plus fertile pour travailler la terre, mais je n’ai pas d’argent pour partir », précise-t-elle.
Arzel Jonarson, 47 ans, sans terre, était employé par des cultivateurs de manioc. Ce grand moustachu n’a plus de travail depuis de longs mois. Il récolte du bois. En une semaine, il gagne péniblement 22 centimes d’euros. Le prix d’un bol de riz.
Des aides détournées par des militaires
A Ankilidoga, un couple âgé et leur fille font cuire des herbes sauvages, en ajoutant beaucoup de sel pour atténuer leur amertume. Normalement, ils cultivent maïs, manioc, arachides et patates douces. Cette année, rien. Un grand réservoir récolte les eaux de pluie dans le village. Personne ne se souvient quand il a été plein pour la dernière fois.
Kazy Zorotane, paysanne de 30 ans, élève aussi ses quatre enfants seule. « Je n’ai reçu aucune aide depuis des mois. La dernière fois, c’était un peu d’argent distribué par le gouvernement en juin ». L’équivalent de 22 euros.
Selon plusieurs élus de la commune d’Ifotaka, les dernières aides de l’Etat, sous forme de riz, d’huile et de haricots, ont largement été détournées par des militaires en août. Et seulement 90 personnes sur les 500 identifiées ont reçu cette somme de 22 euros.Lire aussi A Madagascar, une bouillie à bas prix pour lutter contre la malnutrition infantile
Le sud de la Grande Ile est régulièrement affligé par la famine. Mais la sécheresse subie depuis des mois est la plus grave depuis quarante ans, souligne l’ONU qui l’attribue au réchauffement climatique. Le bilan des morts est impossible à chiffrer tant d’autres maladies se greffent sur la malnutrition et tant la région affectée est vaste.
Dans la queue devant la clinique mobile de Médecins sans frontières, qui se déplace de village en village, les enfants empoignent maladroitement des Plumpy, sachets rectangulaires contenant une pâte alimentaire calorique au goût d’arachide, qu’ils portent à la bouche.
Malnutrition aiguë
Dans la foule qui attend, infirmiers et membres du personnel repèrent les cas les plus urgents, examinés en priorité. Les petits sont pesés dans un seau bleu et la circonférence de leurs bras mesurée. Indicateur précieux pour mesurer les effets de la malnutrition aiguë.
Zapedisoa, 9 ans, est venu avec sa grand-mère à Befeno. Le petit garçon atone, visage éteint, pèse 20 kg et présente des signes alarmants. L’équipe lui donne médicaments et suppléments alimentaires. Satinompeo, toute petite fille aux cheveux ras, a déjà 5 ans. Elle ne pèse que 11 kg. Sévèrement malnutrie, elle s’agrippe au short jaune de son père et pleure : elle a un peu peur des médecins.Lire aussi A Madagascar, des hôpitaux sous-équipés et débordés face à l’afflux des malades du Covid-19
Les familles repartent avec de la nourriture calculée selon le nombre d’enfants et pour une période de quinze jours. Plus loin, d’autres ONG internationales ou locales, appuyées par le gouvernement, sont aussi à l’œuvre.
A Fenoaivo, un homme de 45 ans veille sur le corps de son père, mort en juin. « Nous n’avons pas d’argent pour acheter un zébu pour le repas, impossible d’organiser ses funérailles », dit Tsihorogne Monja, près du mort qui repose sous un tissu dans une cabane à part. « Mon père a eu très faim. Il a mangé trop de cactus et d’écorces de tubercules. C’est ça qui l’a tué, comme s’il avait été empoisonné. »
Oeil d'Afrique avec AFP
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