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Le scandale Julienne Mpemba : révélateur des fraudes à l’adoption entre l’Afrique et l’Europe

L'affaire de Julienne Mpemba, condamnée le 10 octobre par le tribunal correctionnel de Namur, a secoué la Belgique et la République Démocratique du Congo (RDC). Cette femme belgo-congolaise de 48 ans, fondatrice de l’orphelinat Tumaini, a été reconnue coupable de multiples crimes, dont enlèvements de mineurs, trafic d’êtres humains, fraudes à l’adoption, et corruption. La condamnation à dix ans de prison, assortie d’une amende de 8 000 €, met en lumière un réseau criminel complexe exploitant la vulnérabilité des familles congolaises et belges.

Un orphelinat au cœur d’un trafic international

Créé en 2008 à Kinshasa, l’orphelinat Tumaini prétendait offrir des vacances aux enfants congolais issus de milieux défavorisés. Cependant, en 2015, onze enfants ont été envoyés en Belgique dans le cadre d’adoptions frauduleuses orchestrées par Mpemba. Les enfants concernés n’étaient pas orphelins, mais avaient été enlevés sous de faux prétextes. Les parents congolais, trompés par Mpemba, pensaient que leurs enfants participaient à un programme temporaire, alors que les familles belges ignoraient que les enfants adoptés avaient été kidnappés.

Maman Yvette, l'une des mères victimes, a livré un témoignage bouleversant : « Elle a volé mon enfant. Mon petit est parti en vacances, et il n’est jamais revenu. » Une autre mère, Maman Nancy, exprimait sa colère et son désespoir : « Comment a-t-elle pu obtenir des visas pour nos enfants ? Je veux récupérer mon fils, peu importe ce qui arrive après. » Ces témoignages mettent en lumière la douleur des familles congolaises confrontées à l'enlèvement de leurs enfants et la dévastation des parents adoptifs belges piégés dans ce réseau.

Les failles des procédures d’adoption internationale

L’affaire Mpemba n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans un problème plus large de trafic d’enfants entre l’Afrique et l’Europe. Des pays comme la RDC, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, et le Sénégal sont régulièrement cités dans des affaires de fraudes à l’adoption. Les enfants sont souvent enlevés dans des régions économiquement et politiquement instables, où la pauvreté rend les familles vulnérables aux promesses trompeuses des trafiquants. Ces réseaux criminels, aidés par la corruption locale, parviennent à falsifier les documents d’adoption, contournant ainsi les lois internationales.

Selon l’UNICEF, chaque année, des milliers d'enfants africains sont victimes de réseaux de trafiquants opérant sous le couvert d’adoptions légales. Ces enfants sont transformés en « marchandises », monnayés à des prix élevés en Europe, où la demande d’adoption internationale reste forte. Le marché lucratif qui en découle alimente un cycle sans fin, au détriment des droits fondamentaux des enfants et de leurs familles.

Julienne Mpemba : un symbole de la corruption dans les ONG frauduleuses

Le rôle des ONG dans ces pratiques est souvent ambivalent. Certaines, comme l’orphelinat Tumaini de Mpemba, prétendent œuvrer pour le bien-être des enfants, tout en participant activement à leur exploitation. Le tribunal de Namur a souligné que pour Mpemba, « les enfants n’étaient qu’une marchandise à vendre ». Ce cas emblématique révèle l’urgence de réformer les systèmes d’adoption et de renforcer la transparence des ONG impliquées dans ces processus.

Les autorités belges et congolaises ont collaboré étroitement pour mettre fin à ce réseau, mais de nombreuses zones d’ombre subsistent. Les enfants enlevés et envoyés en Belgique, dont les familles adoptives ont été trompées, se retrouvent désormais dans un vide juridique. Des initiatives légales sont en cours pour les réunir avec leurs parents biologiques, mais les obstacles bureaucratiques demeurent considérables.

Un appel à la vigilance et à la justice

Le cas de Julienne Mpemba symbolise un échec des systèmes de protection des enfants, mais il représente aussi un espoir. Sa condamnation en Belgique marque un pas important vers la reconnaissance des droits des victimes et la nécessité d'agir contre les fraudes à l’adoption. Cependant, le chemin est encore long pour empêcher que des enfants soient vendus comme de simples marchandises.

Il est impératif que les réformes légales s’intensifient et que les collaborations internationales se renforcent pour garantir que chaque enfant ait une chance de grandir dans la sécurité et la dignité. Cette affaire tragique rappelle que la vigilance, la transparence et l’action collective sont les seules armes efficaces contre ce trafic d’êtres humains.

Oeil d'Afrique



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