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Bénin : sortir les jeunes de la précarité en les aidant à devenir entrepreneurs

À quelques encablures de Parakou, métropole du nord du Bénin, Tchatchou est une escale prisée des automobilistes qui empruntent quotidiennement la route Cotonou-Niamey et s’arrêtent pour manger un morceau. Mais ce que beaucoup d’entre eux ignorent, c’est que jusqu’à tout récemment, la commune de plus de 25 000 habitants ne disposait d’aucun salon de coiffure digne de ce nom, obligeant nombre de femmes à se rendre à Parakou pour se coiffer. Après avoir passé six ans à faire avec les moyens du bord dans un atelier de fortune loué à 3000 F CFA le mois (environ 5 dollars), Christine Abéya Ali a pu monter en gamme en investissant dans un local plus grand, du mobilier et des équipements de salon de coiffure.  

Un coup de pouce pour se lancer

Une petite révolution à Tchatchou, dont Christine témoigne avec beaucoup d’émotion. « Je savais bien coiffer mais comme je n’avais pas d’équipements, je n’avais pas de clientes. Mon mari m’a ensuite aidé à construire un atelier que j’ai pu équiper grâce à une subvention du Projet emploi des jeunes (PEJ). Je suis aujourd’hui la seule coiffeuse de Tchatchou à disposer d’un séchoir électrique. Du coup, beaucoup de femmes qui allaient à Parakou viennent à mon atelier ».

Financé par la Banque mondiale, à travers l’Association internationale de développement (IDA), le projet lui a permis d’équiper son atelier en séchoir, lave-tête, miroirs, ventilateur, armoire de rangement et de divan grâce à une subvention de 200 000 F CFA (environ 341 dollars). Il lui a aussi offert une formation pour améliorer la gestion de son salon. Résultat : En un an d’activité dans son nouvel atelier, elle a embauché dix apprenties et enregistre un niveau de revenus sans précédent. « J’ai déjà pu construire un logement pour ma mère dans son village à Kpatakou et je m’occupe bien de mes trois enfants », confie-t-elle. Mieux, pour diversifier son activité, elle s’est formée à la confection d’articles à base de perles (colliers, sacs et autres objets d’arts) qu’elle propose à ses clientes.

Comme Christine, 17 000 jeunes béninois de 18 à 35 ans ont bénéficié d’une formation et d’une subvention pour lancer ou développer des activités artisanales, touristiques ou de transformation agricole dans les 77 communes du pays. Chez la plupart d’entre eux, le succès est au rendez-vous.

C’est le cas de Moukou Orou Koto, la trentaine, qui a développé une activité d’élevage de lapins à Boko, dans la commune de N’Dali dans le département du Borgou. Pendant la période des fêtes, il a pu commercialiser 40 têtes de lapins et faire plus de 120 000 F CFA de recettes (environ 204 dollars). « Je fais de l’élevage en pleine agglomération. Avec les recettes de la vente des lapins, ma maman, voyant mon sérieux, m’a fait un complément pour acquérir un domaine de 2 hectares et demi dans le village de Maréboro », explique le jeune éleveur.

La clé du succès : associer compétences de vie et en gestion

Dispensée avant l’octroi de la subvention, la formation auprès des jeunes éligibles comprend aussi une série d’ateliers destinés à booster leur confiance en soi, à leur apprendre à mieux communiquer et gérer les conflits, à savoir comment trouver leur idée d’entreprise, la créer et mieux la gérer. « Ces formations ont été déterminantes dans la réussite du projet. Les jeunes ont pris conscience de leur capacité à transformer leur vie avec peu de moyens », soutient Maxime Sogbossi, coordinateur du PEJ.

Une enquête de suivi d’impact du projet lancée par la Banque mondiale a révélé que 94 % des bénéficiaires ont utilisé la subvention pour investir dans leur entreprise, pour acheter des équipements productifs, faire du stock, rénover ou construire un local de travail. « Les indicateurs montrent que les activités menées par les femmes, qui représentent plus de 50 % des bénéficiaires, ont eu plus d’impact.

Ces femmes sont aujourd’hui moins en situation de sous-emploi, d’emplois vulnérables ou de chômage par rapports aux autres femmes qui n’ont pas bénéficié du projet », souligne Julia Vaillant, économiste au Laboratoire de la Banque mondiale pour l’égalité des sexes en Afrique et responsable de l’évaluation. 

« Le PEJ semble avoir réussi à améliorer l’insertion économique des jeunes en difficulté, notamment les filles, et y compris dans les zones les plus reculées du pays. Ce résultat positif pour l’emploi des jeunes sera examiné attentivement dans toute la région », souligne Thomas Bossuroy, économiste principal en charge du projet pour la Banque mondiale. Il y a fort à parier que bien des jeunes souhaiteront en effet marcher dans les traces de Christine et Moukou.

La dynamique impulsée par ce projet se poursuit avec la participation du Bénin au projet pour l’autonomisation des femmes et le dividende démographique au Sahel. Cette opération se propose, entre autres activités, d’aider les filles à accéder aux filières scientifiques et technologiques ainsi qu’à des secteurs d’activité prioritaires.

Les financements d’IDA-18 viendront également soutenir deux autres projets qui s’attacheront à développer des services pour la promotion de l’insertion sociale et économique des jeunes dans diverses communautés?: le projet d’éducation pour l’emploi et le projet pour l’inclusion des jeunes.



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