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Réseaux sociaux et médias traditionnels : un nouveau duel pour l’information en Afrique

Au cours des dernières années, l'Afrique a connu un bouleversement majeur dans les modes de consommation de l'information. Ce phénomène, en grande partie dû à la montée en puissance des plateformes numériques et des réseaux sociaux, remet en question le rôle historique de la presse traditionnelle. Face à cette transformation, les journaux, radios et télévisions doivent s'adapter pour ne pas perdre leur pertinence.

Une révolution numérique en pleine expansion

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2023, le Digital News Report de l'Institut Reuters, basé sur une enquête menée en partenariat avec YouGov, révèle que 50 % des Sud-Africains utilisent TikTok à des fins diverses, et 22 % d'entre eux spécifiquement pour s'informer​. Le Nigeria et le Kenya connaissent des tendances similaires avec une utilisation croissante des plateformes numériques, notamment Facebook, YouTube, et Instagram.

Selon la même enquête, au Nigeria, 64 % des internautes partagent des nouvelles via Facebook, tandis que seulement 57 % de la population font encore confiance aux médias traditionnels. Ces chiffres marquent une rupture claire avec les pratiques médiatiques traditionnelles. La presse écrite, en particulier, a vu son influence considérablement diminuer, avec une baisse de 5 % de son lectorat hebdomadaire​. Cette chute est due à l'essor des smartphones et à l'accès facile aux informations en ligne, réduisant la dépendance aux formats papier.

La domination des réseaux sociaux

En Afrique, TikTok et WhatsApp jouent un rôle central dans la diffusion de l'information, en particulier auprès des jeunes. En 2023, au Kenya, 29 % des personnes interrogées ont déclaré utiliser TikTok pour partager des nouvelles​. WhatsApp, quant à lui, reste une plateforme incontournable pour l'échange de contenus, souvent utilisée pour propager des vidéos et des messages textuels liés à l'actualité. Ce phénomène de viralité, bien qu'efficace pour toucher une large audience, soulève toutefois des inquiétudes quant à la propagation de fausses informations.

En 2022, l’African Digital Media Survey estimait que plus de 75 % des jeunes Africains utilisaient principalement les réseaux sociaux pour s'informer, reléguant la télévision, autrefois dominante, à un second plan. YouTube et Instagram, bien que plus orientés vers les vidéos et les images, voient leur utilisation croître pour l'information, notamment sur les sujets politiques et sociaux.

La presse traditionnelle : une institution en mutation

Face à cette montée en puissance des médias numériques, les journaux, radios et télévisions traditionnels doivent repenser leurs stratégies. Cependant, ils gardent un rôle fondamental, notamment pour les informations locales et les analyses approfondies. Au Kenya, par exemple, malgré la prolifération de l'information numérique, la confiance envers la presse a augmenté de 6 % en 2023, atteignant 63 %​. Cela suggère que, dans des contextes politiques tendus, les citoyens se tournent encore vers les médias traditionnels pour vérifier des faits et échapper à la désinformation en ligne.

Dans des pays comme l'Afrique du Sud, la télévision reste un média puissant, surtout dans les zones rurales où l'accès à Internet est limité. Cependant, cette situation évolue rapidement avec l'expansion des réseaux mobiles et la baisse des coûts d'accès aux données. De plus, plusieurs organes de presse ont migré vers des modèles numériques, combinant articles en ligne, vidéos, podcasts et réseaux sociaux pour capter un public plus jeune.

Une symbiose nécessaire

Plutôt que de s’opposer, les médias traditionnels et numériques doivent évoluer ensemble. Plusieurs publications africaines comme News24 en Afrique du Sud ou Nation Media au Kenya ont compris l'importance de s'adapter aux attentes des jeunes consommateurs. En créant des contenus courts et visuels adaptés aux réseaux sociaux, elles parviennent à maintenir une relation avec les jeunes, tout en offrant une profondeur journalistique que les influenceurs ou les vidéos virales ne peuvent fournir​.

L'avenir de l'information en Afrique dépendra de la capacité des médias traditionnels à tirer parti des outils numériques pour rester compétitifs. Il est essentiel pour eux de développer des modèles économiques durables qui exploitent le potentiel des plateformes en ligne sans sacrifier leur mission de fournir des informations fiables et vérifiées.

La presse traditionnelle africaine est à un carrefour. Les réseaux sociaux, en particulier TikTok et WhatsApp, modifient radicalement les habitudes de consommation d'information, en particulier parmi les jeunes. Toutefois, malgré cette révolution numérique, les médias traditionnels conservent une place importante pour les informations de fond et les analyses sérieuses, surtout en période de crise politique. Il leur incombe désormais de trouver un équilibre entre innovation numérique et préservation de leur rôle de garants de l'information de qualité.

Oeil d'Afrique



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