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Accord RDC-Rwanda : une paix à quel prix ?

L'accord bilatéral signé récemment à Washington entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, bien qu'acclamé comme un pas vers la paix, mérite une analyse plus nuancée. Sous le vernis diplomatique, cet accord révèle les limites criantes de la position congolaise, tant sur le plan militaire que diplomatique, face à une stratégie rwandaise qui semble, une fois de plus, avoir porté ses fruits.

L'Échec diplomatico-militaire Congolais : une volte-face amère

Pendant longtemps, Kinshasa a maintenu une ligne rouge infranchissable : pas de négociations directes avec le M23, considéré comme un simple groupe terroriste à la solde du Rwanda. Cette position, rigoureuse sur le principe de la souveraineté et de la non-négociation avec des rebelles, a pourtant cédé sous la pression des faits et des alliés. L'accord entérine explicitement le soutien aux "négociations en cours entre la RDC et l'AFC/M23 avec la médiation de l'État du Qatar à Doha".

Cette inclusion est une victoire diplomatique majeure pour le Rwanda, qui a toujours plaidé pour une solution politique impliquant le M23. Elle expose la RDC à une position de faiblesse, contrainte de légitimer, par la négociation, un groupe qu'elle qualifiait de terroriste et d'outil d'agression. Ce revirement n'est pas anodin ; il témoigne d'une incapacité militaire à éradiquer la menace, et d'une pression diplomatique internationale qui a manifestement favorisé la voie des pourparlers, même au prix d'une "humiliation" perçue par une partie de l'opinion publique congolaise. L'échec des offensives militaires congolaises, malgré le soutien des forces régionales (Afrique du Sud et Burundi), a créé un vide que la diplomatie rwandaise a su habilement exploiter.

Le triomphe stratégique rwandais : des demandes historiques exaucées

En observant les termes de l'accord, il est difficile de ne pas constater que le Rwanda semble avoir obtenu l'essentiel de ses revendications historiques.

Premièrement, la neutralisation des FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda) est non seulement réaffirmée mais placée au cœur du "Plan harmonisé de neutralisation des FDLR et de désengagement des forces/levée des mesures défensives par le Rwanda (CONOPS)". Pour Kigali, la présence des FDLR, considérées comme une menace existentielle, a toujours été le prétexte principal de ses interventions ou de son soutien indirect aux groupes armés en RDC. L'accord offre désormais un cadre formel et conjoint pour leur éradication, ce qui, du point de vue rwandais, est une garantie de sécurité.

Deuxièmement, la question de la gestion partagée des ressources et des parcs dans une logique régionale est également une demande de longue date de Kigali. L'accord prévoit le lancement d'un "cadre d’intégration économique régionale" visant à développer le commerce, les investissements et, surtout, à introduire une "plus grande transparence" dans les chaînes d'approvisionnement en minerais critiques. La mention explicite de la "gestion des parcs nationaux, le développement hydroélectrique, le dérisquage des chaînes d’approvisionnement en minerais, la gestion conjointe des ressources dans le lac Kivu" et des "chaînes de valeur minières transparentes et formalisées de bout en bout" confère au Rwanda une opportunité sans précédent d'avoir un droit de regard, voire d'action, sur des richesses congolaises. C'est une intrusion économique perçue par certains analystes comme une forme de mainmise, légitimée par un accord international.

Le Rwanda a réussi à transformer ses préoccupations sécuritaires (FDLR) en un levier pour obtenir des concessions économiques et une reconnaissance de son rôle d'acteur régional incontournable.

Une paix est-elle possible sur les ruines de l'humiliation ?

La question centrale demeure : cet accord peut-il réellement apporter une paix durable s'il est perçu, côté congolais, comme une humiliation ? L'intégration contrainte du M23 dans le processus de négociation, couplée à des concessions sur la gestion des ressources, risque d'alimenter un sentiment d'injustice et de frustration parmi la population et les élites congolaises.

Une paix véritable ne se construit pas sur la coercition ou le sentiment d'avoir été floué. Si la RDC se sent obligée de signer des clauses qui ne servent pas ses intérêts souverains primordiaux, la stabilité de l'accord sera précaire. La rancœur peut être un terreau fertile pour de futures tensions, voire pour l'émergence de nouveaux mouvements de résistance. Le défi sera de faire accepter cet accord par l'opinion congolaise et de s'assurer que les bénéfices promis (fin des hostilités, développement économique) soient réellement ressentis par les populations du Nord et Sud Kivu.

En l'absence d'une véritable équité perçue et d'une confiance mutuelle retrouvée, cet accord risque d'être un pansement temporaire sur une blessure profonde, plutôt qu'une solution durable. La vigilance de la communauté internationale et l'engagement sincère des deux parties à respecter l'esprit, et pas seulement la lettre, de cet accord seront cruciaux pour qu'il ne devienne pas un simple répit avant la prochaine crise.

Oeil d'Afrique



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