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RDC – Discours à la nation : Joseph Kabila dénonce les dérives du régime Tshisekedi et appelle à l’unité

C’est une prise de parole rare, au ton grave et empreint de solennité. Six ans après avoir quitté le pouvoir, Joseph Kabila Kabange est sorti de son silence pour livrer un diagnostic alarmant de la situation en République démocratique du Congo. Dans un discours diffusé sur les réseaux sociaux, l’ancien chef de l’État a dénoncé avec vigueur ce qu’il qualifie de "tyrannie" exercée par le régime de Félix Tshisekedi, tout en appelant à une "refondation de l’État" autour de douze engagements majeurs.

Un héritage trahi

Joseph Kabila n’a pas manqué de rappeler les conditions dans lesquelles il avait quitté le pouvoir en janvier 2019, évoquant une transition "pacifique et civilisée" rendue possible, selon lui, par un accord de gouvernance visant à préserver la stabilité nationale. "J’avais en effet légué un bien meilleur héritage à mon successeur", a-t-il déclaré, évoquant un pays "réunifié, pacifié", doté d’institutions républicaines, d’une économie assainie et d’une armée en voie de professionnalisation.

Mais pour l’ancien président, cet acquis aurait été "dilapidé" en un temps record. Il accuse le régime actuel d’avoir méthodiquement détruit les fondations d’un État démocratique au profit d’un pouvoir personnel, marqué par le populisme, la dérive autoritaire et l’instrumentalisation des institutions. "La République a cessé d’être démocratique", martèle-t-il, estimant que "la volonté du chef de l’État tient désormais lieu de loi suprême".

Un réquisitoire contre la gouvernance Tshisekedi

Le discours de Joseph Kabila s’apparente par moments à un véritable réquisitoire. Il revient sur les épisodes qu’il considère comme des ruptures du pacte républicain : la "mise au pas" de la Cour constitutionnelle, le "renversement" de la majorité parlementaire en 2020, la nomination controversée des membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), ou encore l’organisation "frauduleuse" des élections de décembre 2023.

Plus grave encore, il accuse le pouvoir d’avoir "perverti l’appareil sécuritaire" en confiant des missions régaliennes à des groupes armés et mercenaires, reléguant l’armée nationale à un rôle secondaire, voire méprisé. "Je connais nos soldats. Ce qui a changé, c’est la qualité du commandement", a-t-il affirmé avec émotion, appelant à une réhabilitation urgente des forces armées congolaises.

La crise multidimensionnelle, un appel à la refondation

Au-delà du bilan sécuritaire, Joseph Kabila s’est attardé sur la situation économique et sociale du pays. Il dénonce une "reprise galopante de l’inflation", un "endettement massif", une "corruption systémique" et un "appauvrissement dramatique" des populations. La jeunesse, autrefois porteuse d’espoir démocratique, est aujourd’hui, selon lui, "désabusée, sans repères et livrée aux entrepreneurs de conflits".

Face à ce qu’il qualifie de "crise profonde et multidimensionnelle", l’ancien président appelle à une solution globale. "Le Congo n’appartient à aucun régime, mais à son peuple", affirme-t-il. C’est dans cet esprit qu’il lance un appel à l’unité nationale autour d’un "pacte citoyen", dont les douze priorités incluent la fin de la dictature, le retour à l’État de droit, la réconciliation nationale, la relance économique et le retrait des troupes étrangères.

Un message d’ouverture et de responsabilité

Dans un ton mesuré mais ferme, Joseph Kabila a également exprimé son soutien aux démarches de dialogue inclusif, saluant notamment les initiatives de la CENCO et de l’ECC. Il a aussi reconnu l’importance des médiations régionales et internationales (Luanda, Nairobi, Doha), appelant à replacer les Congolais au centre des discussions. "Il ne peut y avoir de solution sécuritaire sans solution politique sincère", insiste-t-il.

Enfin, revenant sur les spéculations autour de sa présence à Goma, il a dénoncé "l’arbitraire" des décisions prises par les autorités actuelles à son encontre, tout en réaffirmant son engagement pour le Congo : "Hier au pouvoir, aujourd’hui en dehors du pouvoir, je demeure fidèle à mon serment. Je m’engage à jouer ma partition."

Un retour en politique ?

Ce discours marque-t-il le début d’un retour politique pour Joseph Kabila ? Rien n’est explicitement annoncé. Mais la solennité du propos, la clarté des accusations et l’ampleur des propositions laissent peu de doute sur sa volonté de redevenir un acteur central du débat national.

Dans un contexte où l’insécurité s’aggrave à l’Est et où les tensions politiques demeurent vives, cette déclaration pourrait bien reconfigurer les équilibres à l’approche d’échéances majeures. Une chose est sûre : le "raïs" congolais n’a pas dit son dernier mot.

Oeil d'Afrique



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