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Psychose alimentaire en Afrique du Sud : les spaza shops au cœur d’une tragédie sanitaire
En Afrique du Sud, une vague d’intoxications alimentaires fait trembler les townships, ces quartiers populaires où la vie se mêle à une précarité omniprésente. Une vingtaine d’enfants ont perdu la vie en l’espace de quelques semaines, tandis que près de 1 000 écoliers ont été hospitalisés après avoir consommé des snacks suspectés d’être contaminés. Au cœur de cette tragédie : les spaza shops, ces épiceries informelles tenues majoritairement par des étrangers, devenues à la fois vitales pour les populations locales et sources de méfiance dans cette crise sanitaire.
Des épiceries essentielles, mais fragiles
Les spaza shops jouent un rôle clé dans l’économie informelle des townships. Ces petites échoppes, souvent installées dans des garages ou des structures rudimentaires, permettent aux habitants d’accéder à des produits alimentaires bon marché et de proximité. Cependant, cette accessibilité a un coût : ces commerces opèrent souvent en dehors des régulations officielles, échappant ainsi aux contrôles sanitaires.
Dans le cas présent, des produits de consommation courante comme des chips, des boissons sucrées et des friandises seraient à l’origine des intoxications. Des traces de pesticides ou de produits chimiques non identifiés ont été évoquées, mais les enquêtes sont toujours en cours. Le gouvernement sud-africain a admis que la surveillance de la chaîne alimentaire dans le secteur informel est insuffisante, aggravant les risques pour la santé publique.
Une réponse gouvernementale en retard
Face à la gravité de la situation, le président Cyril Ramaphosa a annoncé une série de mesures visant à mieux encadrer les spaza shops et à renforcer les contrôles alimentaires. Parallèlement, le ministre de la Gouvernance coopérative et des Affaires traditionnelles, Velenkosini Hlabisa, a déclaré l’“état de catastrophe nationale”, permettant ainsi une mobilisation accrue des ressources pour contenir la crise.
Malgré ces annonces, les critiques pleuvent. Pour de nombreuses organisations locales, la réponse des autorités est tardive et insuffisante. “Cela fait des années que les populations des townships consomment des produits dont la qualité est douteuse, mais rien n’a été fait pour encadrer ces commerces”, déplore Mary Ndlovu, responsable d’une ONG de défense des droits des consommateurs.
Un climat social explosif
La crise sanitaire a réveillé des tensions latentes. Les spaza shops, souvent tenus par des immigrés venant de pays comme le Zimbabwe, la Somalie ou l’Éthiopie, sont devenus la cible de violences xénophobes. Des commerces ont été vandalisés, et plusieurs propriétaires ont été agressés. Dans certains cas, des campagnes de boycott appelant à privilégier les commerces locaux circulent sur les réseaux sociaux.
Ces violences traduisent une frustration plus profonde. Pour Sipho Maleka, analyste social, “les spaza shops sont devenus un bouc émissaire. Dans un contexte de chômage et de pauvreté extrêmes, ils symbolisent à tort la compétition économique que ressentent les Sud-Africains les plus précaires.”
La nécessité d’une réponse globale
La régulation des spaza shops, bien qu’essentielle pour prévenir de nouvelles tragédies, ne semble pas suffisante pour répondre à l’ensemble des enjeux soulevés par cette crise. Certains experts estiment que des campagnes de sensibilisation pourraient jouer un rôle clé pour informer les consommateurs des dangers liés à la consommation de produits alimentaires issus de commerces informels. Par ailleurs, le renforcement des contrôles sanitaires, non seulement dans les épiceries, mais aussi auprès des grossistes qui les approvisionnent, est régulièrement évoqué dans les débats publics comme une mesure incontournable pour garantir la sécurité alimentaire. Enfin, la question des violences xénophobes, exacerbées par la situation, demeure au cœur des préoccupations, plusieurs voix appelant à des actions pour protéger les commerçants étrangers et apaiser les tensions au sein des communautés des townships.
Un défi pour l’avenir
La tragédie des intoxications alimentaires révèle les failles d’un système où le secteur informel joue un rôle vital tout en restant marginalisé. Pour les familles endeuillées, cette crise est un douloureux rappel que l’accès à une alimentation sûre est un droit fondamental, souvent négligé.
En Afrique du Sud, les spaza shops continueront probablement d’être une source essentielle d’approvisionnement pour des millions de personnes. Mais leur régulation, tout comme la lutte contre les tensions xénophobes, pourrait redéfinir leur rôle dans la société sud-africaine. À l’heure où les populations des townships cherchent des réponses, la question demeure : qui prendra vraiment la responsabilité de protéger leur santé et leur sécurité ?
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