Politique
Au Cameroun, l’opposition réclame l’amnistie des séparatistes avant le dialogue
L'opposition politique au Cameroun a réclamé vendredi une amnistie générale parmi les conditions au "grand dialogue national" convoqué par Paul Biya pour mettre fin au conflit séparatiste de l'ouest anglophone, alors que la plupart des leaders sécessionnistes refusent d'y participer. Après avoir fait preuve d'intransigeance, le président Biya a "convoqué" mardi, dans un rarissime discours à la Nation, un "grand dialogue national". Si quelques figures anglophones ont salué cette initiative, la plupart des séparatistes, radicaux comme modérés, ont d'ores et déjà annoncé qu'ils n'y prendraient pas part. Pour tenter de sauver ces assises, le principal parti d'opposition au parlement, le Social Democratic Front (SDF), partisan d'un retour au fédéralisme, a transmis à Yaoundé une série de conditions. Il a demandé au pouvoir de déclarer un cessez-le-feu dans les deux régions anglophones et de garantir une amnistie générale pour tous les acteurs de la crise anglophone, alors que nombreux séparatistes sont en exil ou emprisonnés, certains condamnés à de longues peines. "Il s'agit de propositions (...) nous avons parlé de notre vision du dialogue, à eux de réagir à moins qu'ils ne veuillent un monologue", a précisé à l'AFP le vice-président du SDF, Joshua Osih. Le SDF demande également que le dialogue qui doit se tenir fin septembre, "soit présidé par une personnalité neutre", non par le Premier ministre comme annoncé par Biya mardi, que les discussions sur la "forme de l'Etat" soient un élément central du dialogue, "en vue de l'adoption d'une nouvelle Constitution". En conclusion de son discours à la Nation, Paul Biya, 86 ans dont près de 37 au pouvoir, avait déclaré: "le Cameroun restera un et indivisible", dans le cadre de l'actuelle Constitution, laissant peu de place aux aspirations des séparatistes, qui souhaitent un Etat indépendant, ou même aux partisans d'un retour au fédéralisme. Assortie de menaces aux groupes qui refuseraient de déposer les armes comme il l'exige, la proposition du président Biya, qui s'était refusé, jusqu'alors, à organiser des discussions, s'est heurté au rejet de la plupart des chefs séparatistes. - "Un non-évènement" - "Nous ne lui permettrons pas d’utiliser un tel cirque pour attirer la communauté internationale", ont réagi plusieurs organisations séparatistes regroupées au sein d'un Mouvement de libération du Sud-Cameroun, demandant à M. Biya de retirer son armée et son administration des régions anglophones. Des groupes armés affrontent les forces de sécurité dans des combats meurtriers depuis fin 2017 dans les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, réclamant la création d'un état indépendant dans ces territoires où résident la plus grande partie de la minorité anglophone camerounaise. En deux ans, le conflit a déjà fait plus de 2.000 morts selon le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) et poussé plus de 530.000 personnes à fuir leur domicile, selon l'ONU. Jeudi, l'un des plus influents leaders de la cause séparatiste, Julius Ayuk Tabe a déclaré que ce dialogue "était un non-évènement". Une déclaration faite, via son avocat, depuis sa cellule d'une prison de Yaoundé où il purge une peine d'emprisonnement à vie. Ce dialogue, réclamé depuis le début de la crise, a toutefois suscité l'espoir de la communauté internationale et de certains anglophones. Le populaire et médiatique cardinal Christian Tumi, 89 ans, a par exemple déclaré jeudi dans un entretien avec l'AFP, que le dialogue "était une bonne chose" et "supplié" les groupes armés d'y participer. Ce partisan d'un retour au fédéralisme a également demandé aux groupes combattants d'abandonner leurs armes. La France, ancienne puissance coloniale et indéfectible allié de Biya, s'est aussi réjouie et a appelé à "une large concertation des Camerounais". L'ONU a également salué le processus engagé et encouragé Yaoundé à ce qu'il "soit inclusif". Outre la crise anglophone, le Cameroun vit une période de troubles politiques inédits depuis la réélection de M. Biya en octobre 2018, contestée par l'opposition. Plusieurs de ses figures, dont Maurice Kamto, arrivé deuxième à la présidentielle de 2018, sont en prison. Et dans le Nord, le groupe jihadiste nigérian Boko Haram multiplie les attaques meurtrières. Avec AFPPolitique
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