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Elections générales au Mozambique : la dette, le gaz et les jihadistes

Le Mozambique élit son président, ses députés et gouverneurs le 15 octobre 2019. La campagne électorale a connu des violences dans un pays traversé à la fois par une crise économique, un conflit armé et des attentats islamistes. Avec près de 31 millions d'habitants, cette ancienne colonie portugaise baignée par l'océan Indien figure parmi les petits pays d'Afrique. Mais ses difficultés sont immenses. De quoi rendre le scrutin électrique.

Une dette abyssale longtemps cachée

 

En 2016, le Mozambique plonge dans une grave crise financière au moment de la découverte d'une immense dette dissimulée par les autorités. Au printemps de cette année-là, Maputo révèle avoir emprunté en secret 2,2 milliards de dollars pour acheter des navires militaires afin de combattre la Renamo, ancienne rébellion devenue le principal parti d'opposition. C'est alors que les bailleurs de fonds dont le Fonds monétaire international (FMI) gèlent leur aide, plongeant le pays dans une crise inédite. La dette s'envole à 112% du PIB en 2017, contraignant le pays à suspendre ses remboursements et entraînant une défiance des investisseurs. Plusieurs suspects liés à ce scandale ont été arrêtés, dont l'ancien ministre des Finances Manuel Chang, actuellement en prison en Afrique du Sud, et le fils de l'ex-président Armando Guebuza.

 

Le gaz, miracle ou mirage ?

 

Dans ce contexte, l'exploitation du gigantesque gisement de gaz découvert au nord en 2010 pourrait laisser augurer une amélioration de la situation économique et financière du Mozambique. Les chiffres donnent le vertige. Estimées à 5 000 milliards de m³, les vastes réserves sous-marines doivent en principe transformer l'un des pays les plus pauvres de la planète en un exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL) de tout premier plan, soit le troisième du monde derrière l'Australie et le Qatar. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Depuis 2014, le faible cours des hydrocarbures puis le scandale de la dette ont retardé l'extraction du gaz. Aucun revenu significatif du gisement n'est attendu avant 2023. Plusieurs multinationales, dont Total, ont annoncé de gros investissements dans le secteur, sur lesquels l'Etat du Mozambique prélèvera des taxes.

"Avec ce projet, les enfants de paysans seront docteurs et les enfants de mineurs avocats." Le président mozambicain sortant Filipe Nyusi, candidat à sa réélection et favori, l'a répété à chaque étape de sa campagne : le gaz va changer l'avenir de son pays. Près de la moitié des Mozambicains vivent sous le seuil de pauvreté. Ils s'inquiètent de devoir attendre que la dette soit épongée avant de pouvoir profiter de la manne.

 

Les suites sans fin de la guerre civile

 

De 1976 à 1992, le pays est déchiré par un conflit intérieur entre le Front de libération du Mozambique – Frelimo marxiste (lien en anglais), devenu aujourd'hui le parti dominant – et la Résistance nationale du Mozambique – Renamo (lien anglais) soutenue notamment par l'Afrique du Sud de l'apartheid. A l'époque, la guérilla recrute de force des enfants pour en faire des soldats.

Le 4 octobre 1992, un accord de paix est signé, mettant fin au conflit qui a fait près d'un million de morts et des millions de réfugiés ou déplacés. Mais, après une succession d'échecs électoraux, la Renamo reprend les armes de 2013 à 2016 pour contester l'hégémonie du Frelimo. En octobre 2014, Filipe Nyusi, candidat Frelimo, est élu président. Devenue principal parti d'opposition, la Renamo conteste les résultats. Mais, fin 2016, son chef historique Afonso Dhlakama proclame un cessez-le-feu. A sa mort en 2018, son successeur Ossufo Momade poursuit les négociations avec M.Nyusi, aboutissant à un traité de paix et de désarmement signé le 6 août 2019, censé mettre un terme définitif aux affrontements sporadiques entre les deux camps.

 

Au nord, une insurrection islamiste meurtrière

 

Depuis 2017, la province du Cabo Delgado (extrême-nord), à majorité musulmane, est le théâtre d'attaques meurtrières conduites par des insurgés islamistes qui prêchent une application stricte du Coran. Le bilan de ce jihad sans nom est très lourd: au moins 300 civils assassinés, parfois décapités, des villages rayés de la carte et des milliers de déplacés. Cette situation inquiète les autorités et les grands groupes pétroliers comme Total, Exxon, Anadarko et ENI, engagés dans la future exploitation de gisements de gaz offshore. D'autant que le 4 juin 2019, l'Etat islamique revendiquait sa première attaque armée sur le territoire.

 

Sida et cyclones

 

Le Mozambique subit régulièrement le passage de cyclones destructeurs. En mars 2019, le cyclone tropical Idai a englouti Beira, deuxième ville du pays, faisant plus de 600 morts et plusieurs centaines de milliers de sinistrés. Le pays doit aussi faire face à une pandémie de sida, avec 2,2 millions de personnes séropositives en 2018 selon l'Onusida.

 

AFP



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