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Juvenal Munubo : la RDC devrait poursuivre le Rwanda devant une instance judiciaire internationale.

Juvenal Munubo est un député de la République démocratique du Congo. Secrétaire national en charge des relations extérieures de l'Union pour la Nation Congolaise (UNC) de Vital Kamerhe, l'élu du Nord-Kivu, malgré des insuffisances qu'il dénonce,, continue à croire au changement sous la présidence de Felix Tshisekedi. Il nous livre son analyse de la situation et de l'avenir possible en RDC. 

L’UNC, Vital Kamerhe et la justice

Oeil d'Afrique : Comment avez-vous vécu ces deux dernières années avec votre leader Vital Kamerhe, condamné pour corruption ?

Juvenal Munubo : C’était difficile. Nous le voyons et savions innocent. Nous avions compris que le dossier était vide. Beaucoup ne comprenaient pas notre position. Ses demandes de libération provisoire ont été refusées. Cela ressemblait à une sorte d’acharnement contre Vital Kamerhe. Malgré tout cela, nous nous réjouissons du dénouement. Il est acquitté. Toutes les poursuites sont annulées. C’est finalement l’expression d’un Etat de droit. Je pense qu’il faut que les Africains comprennent que dans un État de Droit, tout comme un accusé peut être condamné, il peut également être innocenté. Il y a un principe en droit qui dit « dans un procès pénal, tout doute profite au prévenu. » Dans le cas de l’affaire Kamerhe, le doute lui a largement profité puisqu’on a pas pu établir une responsabilité entre ce qui aurait été son attitude et le détournement allégué.

Aujourd’hui Vital Kamerhe est innocenté par la justice, mais il en demeure que les 58 millions de dollars détournés n’ont toujours pas été retrouvés. Que fait l’Assemblée nationale et le député que vous êtes pour initier une commission d’enquête ?

Comme tout congolais, je reste à la quête de la justice. Une chose est claire, Vital Kamerhe n’en a pas été coupable. La justice ne l’a pas reconnu coupable. Il n’y a pas que pour ce dossier « 100 jours » que nous devons agir. Plusieurs cas de détournement sont signalés. L’Inspection Générale des Finances fait un assez bon travail. Mais il nous faut faire plus. Pour notre part, L’UNC ne peut jamais faire obstruction à la justice qui est libre. Je suis d’accord sur le fait que la justice doit investiguer et nous dire qui a été à l’origine de ce détournement. Cela sera dans l’intérêt de tous.

L’UNC est membre de l’Union sacrée avec des ministres au gouvernement. Comment jugez-vous le bilan de ces quatre années dont vous avez eu la gestion de la République Démocratique du Congo ?

Plusieurs avancées ont eu lieu. En premier, je parlerai de la gratuite de la scolarité qui a été un signal fort dans la politique sociale du Président Felix Tshisekedi. Mais il y a encore beaucoup à faire. Dans le domaine sécuritaire, la paix à l’est qui n’est toujours pas revenue. Il nous faut avoir un discours de vérité face à nos concitoyens qui vivent cette insécurité. Nous leur disons qu’il y a un rapport d’évaluation de l’état de siège qui a été produit. Il y a des recommandations que le gouvernement devrait prendre compte. L’autre vérité est que nous, députés du Nord-Kivu ou de l’Ituri ne sont plus d’accord avec l’Etat de siège. Celui qui fait la sourde oreille, c’est le gouvernement. Nous le disons sans hypocrisie. Nous députés n’accepterons pas la responsabilité des fautes des acteurs en gestions de ce dossier. 

L’insécurité et les groupes rebelles

Quelles sont les recommandations contenues dans le rapport d’évaluation de l’Etat de siège ?

Nous recommandons le changement de la chaîne de commandement, des sanctions contre les officiers militaires qui commettent des détournements. Il nous faut éviter l’installation longue durée de ces commandements qui finissent par devenir des notables, chefs coutumiers et basculent dans du business. Le problème est que ces recommandations ne sont pas suivies à la loupe par le gouvernement. C’est aussi ça que nous disons à la population.

Le Rwanda a été reconnu comme le soutien au groupe rebelle M23. La RDC, doit-elle maintenir les relations diplomatiques avec ce pays ?

C’est à évaluer. Au vu de la situation, aucune hypothèse n’est à exclure. Rompre les relations, expulser l’ambassadeur… Il faut faire une évolution. Je pense également que le gouvernement congolais devrait mener son plaidoyer au plus haut niveau. Notre pays a des éléments factuels contre le Rwanda. Il faut mettre le Rwanda devant ses responsabilités et l’accuser devant une instance judiciaire internationale. Aujourd’hui, la rhétorique victimaire du Rwanda n’imprime plus. Rwanda est désormais isolé.

Le député face à la population

Que dites-vous à la menagère congolaise qui vient à votre rencontre pour vous expliquer ses difficultés à joindre les deux bouts ?

Nous manquons parfois les mots pour expliquer à cette ménagère. La réalité est que les gens souffrent. Nous n’avons toujours pas une politique de la promotion de l’emploi, les Petites et moyennes entreprises ne sont pas bien encadrées. Pourtant, la RDC reste une terre d’opportunité. 

J’ai été à la ligne de front pour faire retirer la taxe RAM sur les mobile. C’est un combat menine avec d’autres collègues. C’est aussi cela notre devoir. Veiller au pouvoir d’achat de nos concitoyens. 

Le Président Felix Tshisekedi doit réellement mettre en application la vision héritée de son père, Etienne Tshisekedi, «le  Peuple d’abord » . Car, à l’allure au vont les choses, il nous sera difficile d’avoir les mots justes pour convaincre en 2023.

La RAM a contribué à réduire le pouvoir d’achat des congolais. Comment expliquez-vous la mise en place de cette taxe ?

C’était une sorte de mafia. Elle n’avait pas d’assises légales. Nous n’avions pas hésité à interpeller le ministre de tutelle afin qu’il s’explique. Vous savez nombreux confondent l’allégeance que l’ont peut avoir envers sa formation politique et la recevabilité envers la population. Je crois que l’on peut être loyal et éviter la complaisance et la compromission.

2023 et les élections

Vous êtes également membre du G13, le groupe d’élus ayant fait une proposition de loi visant la révision de la loi électorale. Mais le tété modifie par l’Assemblée nationale ne vous convient pas.

EN 2020, nous avions proposé à la classe politique des reformes électorales afin de tirer des leçons des cycles électoraux passés. Il nous fallait partir sur des nouvelles bases et moderniser notre système électoral. Après des consultations préliminaires nous avons élaboré la proposition de loi et déposée. Elle n’ a été traitée qu’en 2022. Nous avons senti une absence de volonté politique de s’emparer du texte au sein de notre chambre parlementaire. 

En 2022, l’examen de notre proposition n’était pas très transparent. Il y a eu un temps ou les députés initiateurs de la proposition de loi n’ont pas été associé. Il y a eu des rencontres pour lever des options sans associer le G13. Quand le G13 avait demandé la parole lors de la plénière qui avait suivi, cela lui avait été refusé. Pour nous c’était assez flou. Alors nous nous sommes retirés de la commission politico-administrative et juridique. 

Nous avions voulu que les résultats soit connu bureau de vote par bureau de vote. De même que la cartographie des bureaux de vote. Tout comme la moralisation de la classe politique avec la fin du phénomène « parent très proche » comme suppléant des élus. Tout cela ne figure pas dans la monture finale. Nous sommes donc restés dans une situation similaire à celle de 2018. La tricherie est encore possible lors des élections.

Y aura t-il des élections en 2023 ou allons-nous tout droit vers un glissement du cycle électoral ?

Il nous faut capitaliser le temps. Il nous faut être productif dès la rentrée parlement parce que la probabilité du glissement est bien réel. Voilà pourquoi le recensement général n’est pas une solution. Cela ne nous permettra pas de respecter le délai pour des élections en décembre 2023. La solution immédiate reste l’enrôlement des électeurs. Mais pour cela, il faut le lancer maintenant. Si nous perdons encore un ou deux mois, cela sera compliqué.

La classe politique doit se souvenir qu’un glissement est l’objet de tensions, des manifestations de l’opposions et des mouvements citoyens. Il nous faut éviter les situations de tensions.

En 2018, l’UDPS et l’UNC avaient signé un accord faisant de Vital Kamerhe le candidat naturel pour 2023. Pourtant, Felix Tshisekedi s’est déjà déclaré candidat à sa propre succession. L’UNC va-t-il soutenir Felix Tshisekedi en 2023 ?

L’accord existe encore. Mais il s’est passé beaucoup de choses dans l’entre-temps. Iy a une le procès, l’acquittement de Vital Kamerhe mais tout cela sera revue à l’approche de 2023. Il y aura le congrès de l’UNC et pourquoi pas les discussions Austin de l’Union Sacrée ? Il y a encore du temps pour que nous nous prononcions sur cette question.

Le Parlement devrait-il réviser la loi sanctionnant l’offense au Chef de l’Etat ?

Je ne suis pas contre la révision des têtes qui datent d’aussi longtemps. Cette loi nous vient de l’époque du Président Mobutu. L’application de cette loi semble fragiliser certaines décisions de justice. Nous avons l’impression d’elle est un peu liberticide. Il nous faut garantir la liberté d’expression et d'opinion. Mais il faut que les acteurs politiques aient de l’éthique. Il faut s’exprimer avec de la hauteur. Tout est dans la tournure, dans le choix des mots, dans le respect et la courtoisie. 

Propos recueillis par Roger Musandji Nzanza



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