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Les reconnaissances des crimes politiques : vers une réparation des meurtres de leaders Africains ?
Le colonialisme a laissé derrière lui des blessures profondes et des questions restées longtemps sans réponse. Depuis quelques années, des gestes de reconnaissance symboliques sont posés par des anciennes puissances coloniales pour admettre leur rôle dans l’assassinat de figures politiques africaines. Des pays comme la Belgique et la France, en reconnaissant leur implication dans la mort de Patrice Lumumba, Maurice Audin, et plus récemment de Larbi Ben M'hidi, semblent entamer un processus de réconciliation et de réparation. Ces aveux, bien que significatifs, suscitent des réactions diverses chez les descendants et la population africaine, qui attendent des actions concrètes pour honorer pleinement la mémoire de ces leaders.
La reconnaissance belge et la restitution d’une relique de Patrice Lumumba
En 2022, la Belgique a restitué à la République démocratique du Congo une dent de Patrice Lumumba, unique relique restant du premier Premier ministre congolais assassiné en 1961. Ce geste, accompagné d’excuses officielles, a été accueilli avec émotion par la famille Lumumba et les Congolais. Juliana Lumumba a salué un acte de « courage politique » tandis que François, le fils aîné, a rappelé l'importance de la justice pour faire toute la lumière sur les responsables de cet assassinat. Pour Ludo De Witte, sociologue et auteur de L'Assassinat de Lumumba, cette restitution marque une étape vers la vérité, mais il souligne la nécessité pour la Belgique de mener une transparence complète sur son passé colonial.
Yasmina Zian, chercheuse à l'Université du Luxembourg, voit dans cet acte une opportunité pour la Belgique de reconnaître la souffrance imposée à la population congolaise durant la colonisation. Pour la famille Lumumba, ce retour, bien que symbolique, représente un pas important vers la mémoire nationale. En revanche, ils attendent des mesures concrètes : l’ouverture des archives, une reconnaissance officielle et des réparations morales et financières.
Le cas de l’Algérie : Maurice Audin et Larbi Ben M’hidi
La relation entre la France et l’Algérie est marquée par des décennies de silence sur les crimes de guerre commis pendant la lutte pour l’indépendance. En 2018, Emmanuel Macron reconnaissait la responsabilité de la France dans la disparition de Maurice Audin, un militant communiste enlevé en 1957 par les forces françaises. Cette reconnaissance a été saluée comme un geste de vérité historique par de nombreux Algériens et historiens français, bien qu’elle ait également suscité des attentes supplémentaires concernant les nombreux crimes non reconnus.
En 2024, Macron a fait un pas supplémentaire en reconnaissant que Larbi Ben M’hidi, l’un des chefs historiques du Front de libération nationale (FLN), avait été « assassiné par des militaires français ». Ce geste a été perçu en Algérie comme une victoire partielle de la mémoire collective. Mohamed Lahcen Zghidi, historien algérien, voit dans cette reconnaissance une avancée, mais il insiste pour que la France assume également d’autres crimes restés dans l’ombre. Benjamin Stora, spécialiste de l'histoire algérienne, appelle également à une ouverture des archives et à une démarche de réparation symbolique mais aussi éducative.
Quand la mémoire appelle à la justice
Si ces reconnaissances marquent des avancées importantes, des critiques soulignent leur caractère parfois tardif et partiel. Pour les familles de victimes et les historiens, les excuses et restitutions symboliques ne suffisent pas. Ces actes restent symboliques sans actions concrètes, comme l'ouverture totale des archives, des programmes éducatifs ou des réparations financières. La sœur de Larbi Ben M'hidi, Drifa Ben M’hidi, exprime des sentiments mitigés : « La reconnaissance est nécessaire, mais elle n’efface pas des décennies de souffrance et d'injustice ». Ces mots résonnent pour toutes les familles africaines marquées par la disparition de leurs proches, victimes de crimes coloniaux.
Mémoire partagée et une véritable réconciliation
Ces reconnaissances de la part de la Belgique et de la France visent à construire une mémoire partagée entre les anciennes puissances coloniales et les pays africains. Au-delà des symboles, cette démarche pourrait renforcer la réconciliation et éviter la répétition des erreurs du passé. Des spécialistes de la mémoire collective, comme Matthias De Groof, soulignent que ces reconnaissances devraient ouvrir la voie à un dialogue plus honnête sur les blessures du passé. En créant des espaces de discussion et de mémoire, les anciens colonisateurs pourraient entamer un processus de réconciliation qui ne soit pas seulement symbolique.
Entre mémoire et réparations
Les reconnaissances des crimes politiques commis contre Patrice Lumumba, Maurice Audin et Larbi Ben M’hidi constituent des étapes significatives vers la justice historique. Mais ces gestes, bien que louables, révèlent la nécessité d’un engagement plus profond de la part des États concernés. La mémoire, pour être restaurée, appelle à des actions concrètes et continues. La restitution de la dent de Lumumba ou la reconnaissance de la mort de Ben M’hidi ne sont que des prémices d’une réparation qui doit inclure des réparations financières et un travail de mémoire sincère. Pour honorer la mémoire de ces figures emblématiques, il est crucial que la France et la Belgique ne se limitent pas à des symboles et ouvrent la voie à une véritable réconciliation.
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