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Sénégal : les députés adoptent le projet de loi supprimant le poste de Premier ministre

Les députés sénégalais ont adopté samedi la révision de la Constitution devant mener à la suppression du poste de Premier ministre, une initiative du pouvoir dénoncée par l'opposition et la société civile, deux mois après la réélection du président Macky Sall. Dans un hémicycle quasi-complet, à l'issue d'une séance marathon de neuf heures, parfois agitée, 124 députés ont voté pour, et seulement sept contre, a annoncé le président de l’Assemblée nationale Moustapha Niasse peu après 19H (locales et GMT). Un vote sans suspense, le pouvoir disposant d'une large majorité au parlement. Cette révision, qui porte sur une vingtaine d'articles de la Constitution, établit un nouvel équilibre entre les pouvoirs, en renforçant le caractère présidentiel du régime sénégalais. Outre la suppression du poste de Premier ministre, prévue à brève échéance, l'autre grand changement sera que le président de la République ne pourra plus dissoudre l'Assemblée nationale, laquelle ne pourra plus déposer une motion de censure pour renverser le gouvernement. Cette réforme n'est pas "politique", mais "uniquement technique et administrative". "L'objectif n'est pas d'accroître les pouvoirs du président de la République", a plaidé devant les députés le ministre de la Justice Malick Sall face aux critiques de l'opposition. Au pouvoir depuis 2012, et réélu fin février, le président Macky Sall a promis d'accélérer les transformations de l'économie sénégalaise, et entend, par la suppression du poste de Premier ministre, mettre fin aux "goulets d'étranglement" en étant "directement au contact avec les niveaux administratifs", selon ses services. Les principaux partis d'opposition se sont opposés à la révision constitutionnelle. Le Parti démocratique sénégalais (PDS) de l'ex-président Abdoulaye Wade l'a qualifié de "sans intérêt", déplorant que cette réforme ait été "volontairement dissimulée pendant la campagne électorale". De fait, Macky Sall ne l'avait pas évoqué pendant sa campagne, et il a surpris les Sénégalais en l'annonçant le 6 avril, quatre jours après avoir prêté serment pour son second mandat. - quartier bouclé - Ses quatre rivaux malheureux à la présidentielle du 24 février, l'ex-Premier ministre Idrissa Seck, le député Ousmane Sonko - figure montante de l'opposition-, l'ancien ministre Madické Niang et l'universitaire Ibrahima Sall, ont aussi dénoncé cette réforme. Ils "réprouvent le fait que des modifications aussi substantielles de la Constitution aient été initiées en l’absence de toute forme de concertation", selon un communiqué commun. Selon eux, "des réformes d’une si grande ampleur ne seraient légitimes que si elles sont effectuées par voie référendaire (...) d'autant plus que ce projet n’a été mentionné dans aucun des programmes proposés aux sénégalais lors de l’élection présidentielle". Quatre figures de la société civile, qui avaient appelé à manifester contre la révision, ont été arrêtés de façon musclée par la police devant l'Assemblée dans la matinée, a constaté l'AFP. Parmi eux figurait le leader du mouvement Frapp France Dégage, Guy Marius Sagna, qui scandait "Macky Sall dictateur !", avant de se faire embarquer. Plusieurs organisations de la société civile avaient appelé à des manifestations devant l'Assemblée, mais les forces de l'ordre avaient bouclé les accès au quartier du Plateau, le centre de Dakar, où toute manifestation est interdite en vertu d'un arrêté ministériel de 2011. Le Sénégal, qui fait figure de modèle démocratique en Afrique, s'était déjà passé de Premier ministre dans les années 1960 sous la présidence de Léopold Sédar Senghor et au début des années 1980 sous celle d'Abdou Diouf. L'actuel chef du gouvernement, Mahammed Boun Abdallah Dionne, reconduit le 6 avril, doit maintenant préparer la disparition de sa fonction. Avec AFP


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