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Rwanda : un accès à la contraception dès 15 ans pour réduire les grossesses adolescentes

Face à l’augmentation alarmante des grossesses précoces, le Rwanda envisage de réformer son cadre législatif pour abaisser l'âge légal d'accès à la contraception de 18 à 15 ans. Cette mesure vise à répondre aux besoins de protection des adolescentes, dont beaucoup sont confrontées à des grossesses non désirées, un phénomène en constante hausse ces dernières années. Avec ce projet de loi, le gouvernement espère offrir aux jeunes filles un accès à la contraception pour réduire les risques de grossesse et d'abandon scolaire, tout en améliorant leur santé et leurs perspectives d’avenir.

Des statistiques alarmantes

Les données disponibles dressent un tableau préoccupant des grossesses précoces au Rwanda. Selon l'Enquête Démographique et de Santé du Rwanda 2019-2020, environ 5,1 % des adolescentes âgées de 15 à 19 ans sont enceintes ou ont déjà eu un enfant. Ce chiffre reflète une tendance en hausse par rapport aux années précédentes : entre 2005 et 2015, le taux de grossesses juvéniles est passé de 4,1 % à 7,5 %, révélant l’ampleur croissante du phénomène. En 2020, le taux de natalité chez les adolescentes s’élevait à 41 pour 1 000 femmes dans cette tranche d'âge, un indicateur qui témoigne des défis que rencontre la jeunesse rwandaise en matière de santé reproductive.

Les avortements pratiqués clandestinement représentent également une réalité préoccupante. Une étude de 2012 estimait que chaque année, environ 60 000 avortements étaient pratiqués au Rwanda, soit un taux de 25 pour 1 000 femmes âgées de 15 à 44 ans. En 2009, près de la moitié des grossesses non planifiées aboutissaient à un avortement provoqué, exposant les jeunes filles à des risques de santé significatifs et renforçant l'urgence d'une intervention législative et médicale.

Un enjeu de santé publique

Pour les autorités rwandaises, cette réforme est avant tout une réponse aux impératifs de santé publique. Le ministère de la Santé, dirigé par Sabin Nsanzimana, souligne l'importance de cette mesure pour "protéger la jeunesse des conséquences d’une sexualité non protégée". En facilitant l’accès à la contraception, le gouvernement souhaite freiner les grossesses précoces et limiter la transmission des infections sexuellement transmissibles (IST) chez les adolescentes. À long terme, l’objectif est de permettre à ces jeunes de poursuivre leur scolarité et de renforcer leur autonomisation, contribuant ainsi au développement économique et social du pays.

Une société divisée

Le projet de loi soulève toutefois des critiques. Au sein de la société rwandaise, certains considèrent cette mesure comme une incitation à la sexualité précoce, craignant un effet de banalisation des relations sexuelles avant la majorité. Des figures influentes, notamment des leaders religieux et des acteurs de la société civile, mettent en avant la nécessité d’accompagner cette réforme d’une éducation morale et familiale. Pour eux, l'accès à la contraception à un jeune âge ne doit pas se faire sans un encadrement adéquat sur les plans éducatif et éthique.

Paul Niyonzima, du Conseil des Églises rwandaises, estime que « l’accès à la contraception doit s'accompagner d'une éducation qui responsabilise ». Selon lui, le défi pour les jeunes va au-delà de la prévention des grossesses précoces et concerne aussi la compréhension des choix de vie.

Renforcer l’éducation sexuelle

La réussite de cette réforme pourrait dépendre du rôle que joue le système éducatif dans la sensibilisation des jeunes. De nombreux experts s’accordent à dire que l'éducation sexuelle reste un pilier essentiel pour aider les adolescents à faire des choix responsables. En plus de rendre la contraception accessible, les écoles et les associations locales peuvent jouer un rôle crucial en sensibilisant les jeunes aux risques et aux responsabilités liés à la sexualité.

Une perspective pour le futur

En adoptant ce projet de loi, le Rwanda rejoindrait plusieurs pays d’Afrique de l’Est ayant déjà abaissé l’âge d’accès à la contraception. Cependant, ce type de réforme requiert un accompagnement attentif, avec des campagnes de sensibilisation et un encadrement adapté aux jeunes. Le succès de cette initiative repose sur un équilibre entre les impératifs de santé publique et le respect des valeurs culturelles du pays, deux dimensions fondamentales mais souvent difficiles à concilier.

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