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Guinée : onze douaniers, dont le directeur général, inculpés pour un détournement record

C’est un séisme dans les hautes sphères de l’administration guinéenne. Jeudi 19 décembre, la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief) a inculpé le directeur général des douanes, Moussa Camara, son adjoint Macky Agreby Diallo, ainsi que neuf autres cadres, pour leur implication présumée dans un détournement colossal de plus de 700 milliards de francs guinéens (environ 76,7 millions d’euros).

Un réseau sophistiqué au cœur des douanes

Selon les enquêteurs, ces hauts responsables auraient mis en place un système de contournement du guichet unique de paiement, permettant l’encaissement illégal de fonds publics. Avec la complicité de transitaires, ce réseau aurait opéré au mépris des procédures officielles, privant l’État de revenus colossaux. Les accusés sont poursuivis pour « faux et usage de faux, corruption, détournement de deniers publics, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux et complicité ».

Arrêtés au début du mois, ils ont été placés sous mandat de dépôt à Conakry, alors que le dossier s’annonce tentaculaire.

Une lutte anticorruption en trompe-l’œil ?

Depuis leur prise de pouvoir en septembre 2021, à la suite du renversement d’Alpha Condé, les militaires dirigés par le général Mamadi Doumbouya ont fait de la lutte contre la corruption un étendard. Ce combat, largement proclamé, s’inscrit dans un contexte de crise de confiance, où l’impunité des élites reste un mal enraciné.

Mamadi Doumbouya a promis une justice impartiale : « Pas de chasse aux sorcières », clame-t-il régulièrement. Mais sur le terrain, les critiques fusent. L’opposition accuse les autorités de cibler sélectivement des figures qui n’appartiennent pas à leur camp, tout en étouffant les libertés publiques.

Un symbole d’un mal systémique

Au-delà des faits, cette affaire reflète l’ampleur de la gangrène que représente la corruption en Guinée. Les détournements de fonds publics plombent des finances déjà exsangues, minant les investissements dans des secteurs clés comme la santé ou l’éducation.

Si les inculpations de Moussa Camara et ses coaccusés marquent une étape dans l’application de la justice économique, elles posent aussi une question fondamentale : le régime militaire aura-t-il le courage d’appliquer les mêmes règles à tous, y compris à ses propres partisans ?

En attendant, le dossier est scruté par une population lassée des scandales et en quête d’un véritable renouveau institutionnel. L’histoire jugera si cette opération marque un tournant ou un nouvel épisode dans un théâtre politique où les promesses de changement se heurtent aux réalités d’un système verrouillé.

Oeil d'Afrique



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