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Jeunesse africaine : l’incroyable dynamique qui transforme le continent
Dans les rues animées d'Abidjan, Fatou, 24 ans, ajuste son casque et s’apprête à livrer une commande. Il y a encore deux ans, elle cherchait en vain un emploi stable. Aujourd’hui, grâce à une start-up locale de livraison à moto, elle est indépendante et rêve même de lancer son propre service.z
Comme elle, des millions de jeunes Africains refusent d’être enfermés dans le carcan du chômage ou des inégalités. Entre obstacles et solutions innovantes, la jeunesse africaine est en mouvement, s’adapte, crée et transforme. Si les défis persistent, les perspectives d’avenir, elles, se dessinent avec optimisme et détermination.
Un continent jeune, un potentiel immense
Avec près de 70 % de sa population âgée de moins de 30 ans, l’Afrique est le continent du futur. Une force inestimable, à condition de lui donner les moyens de s’épanouir. Aujourd’hui encore, les défis sont nombreux, mais les réponses émergent et les dynamiques de changement s’accélèrent.
Chômage des jeunes : un défi, mais des solutions émergent
Il est vrai que 62 % des jeunes Nigériens sont sans emploi, et en Afrique du Sud, ce taux atteint 55 % (Banque mondiale, 2023). Mais au-delà de ces chiffres, une nouvelle économie émerge, portée par des jeunes entrepreneurs audacieux.
En Afrique de l’Ouest, des incubateurs comme Jokkolabs à Dakar ou Impact Hub à Accra soutiennent des milliers de start-up locales, transformant les défis en opportunités. À Lagos, la fintech Flutterwave, fondée par de jeunes ingénieurs nigérians, est aujourd’hui valorisée à plus de 3 milliards de dollars et crée des centaines d’emplois.
« Nous devons arrêter d’attendre que l’État règle tout. Nous avons des talents, des idées et une énergie incroyable. Nous sommes l’avenir ! », s’enthousiasme Désiré, entrepreneur en e-commerce basé à Abidjan.
L’éducation : un accès en pleine mutation
Longtemps perçue comme un frein au développement, l’éducation africaine est en train de vivre une transformation sans précédent, portée par le numérique et des initiatives innovantes. Certes, les disparités persistent : seulement 22 % des élèves en milieu rural ont accès à Internet, contre 67 % en ville, selon l’UNESCO (2022). Mais sur le terrain, des solutions émergent et bouleversent les pratiques traditionnelles d’apprentissage.
Au Rwanda, pionnier du numérique éducatif, le gouvernement a déployé le programme "Smart Classrooms", qui a déjà équipé 60 % des écoles publiques de tablettes et d’un accès Wi-Fi. Une avancée majeure qui permet aux élèves, même en zone reculée, d’avoir accès aux mêmes ressources pédagogiques que leurs camarades urbains.
De son côté, le Nigeria mise sur l’apprentissage en ligne. uLesson, une plateforme développée par un entrepreneur local, propose des cours interactifs en vidéo et touche déjà plus de 2 millions d’étudiants. Cette démocratisation du savoir offre une flexibilité sans précédent et pallie le manque d’enseignants qualifiés dans certaines régions.
Mais l’éducation ne se limite plus aux bancs de l’école. À Nairobi, Ajira Digital initie gratuitement des milliers de jeunes aux métiers du numérique, leur ouvrant ainsi les portes du freelancing et des opportunités de travail en ligne. « Grâce à Ajira, je peux maintenant travailler pour des entreprises à l’international sans quitter mon pays », témoigne Elvis, 26 ans, web designer basé au Kenya.
À travers ces initiatives, l’Afrique démontre que l’innovation éducative peut être un puissant levier d’inclusion sociale et économique. En investissant davantage dans l’accès aux technologies et dans la formation des enseignants, le continent pourrait réduire les inégalités d’apprentissage et mieux préparer sa jeunesse aux défis de demain.
Les femmes en première ligne du changement
Si l’Afrique a encore un long chemin à parcourir en matière d’égalité des sexes, les femmes du continent bousculent les codes et s’imposent comme des actrices incontournables du développement économique et social.
Le Rwanda en est l’exemple le plus frappant. Avec 61 % des sièges parlementaires occupés par des femmes, le pays détient un record mondial et prouve qu’une gouvernance plus inclusive est possible. Cette représentation féminine dans les sphères politiques inspire d’autres nations africaines à suivre la même voie.
Dans le monde de l’entrepreneuriat, des figures emblématiques comme Rebecca Enonchong, fondatrice d’AppsTech, ou Fatoumata Ba, créatrice de Janngo, incarnent cette nouvelle génération de femmes leaders qui repoussent les frontières de l’innovation et du business en Afrique. Ces success stories illustrent le potentiel économique du leadership féminin, qui reste encore sous-exploité dans de nombreux secteurs.
Mais la révolution féminine ne se limite pas aux start-up et aux grandes métropoles. Dans les zones rurales, des milliers de femmes transforment l’agriculture grâce à des méthodes agroécologiques et durables. Au Sénégal, les groupements de femmes modernisent les techniques de culture et contribuent à la sécurité alimentaire du pays. « Nous avons augmenté notre production de 40 % et réduit notre dépendance aux importations », explique Awa, agricultrice à Kaolack.
Cette montée en puissance des femmes africaines dans tous les domaines n’est pas un phénomène passager, mais bien un mouvement de fond. Avec plus d’investissements dans l’éducation des filles, l’accès au financement et l’accompagnement entrepreneurial, l’Afrique pourrait libérer un formidable réservoir de talents et d’innovations. Les femmes ne sont plus seulement les piliers de la société, elles en deviennent désormais les architectes du futur.
Politiques publiques : des avancées et des défi
L’Union africaine : de la vision à l’action
Face aux attentes croissantes de sa jeunesse, l’Union africaine (UA) a multiplié les initiatives pour mieux intégrer les jeunes dans les stratégies de développement. Avec son Agenda 2063, l’UA ambitionne de bâtir un continent prospère, autonome et inclusif, où les jeunes jouent un rôle central dans la transformation économique et sociale.
L’une des mesures phares de cet agenda est l’initiative "1 Million d’ici 2025", un programme destiné à créer un million d’emplois pour les jeunes Africains dans les secteurs clés : l’agriculture, le numérique, les industries créatives et l’entrepreneuriat. À ce jour, 120 000 opportunités ont été générées, notamment grâce au soutien de partenaires comme la Banque africaine de développement et des entreprises privées engagées dans l’emploi des jeunes.
En parallèle, l’UA a adopté en 2006 la Charte africaine de la jeunesse, un cadre juridique visant à protéger et promouvoir les droits des jeunes. Ratifiée par 43 pays, elle engage les États à mettre en place des politiques inclusives pour l’éducation, l’emploi et la participation politique des jeunes. Mais sur le terrain, la mise en œuvre de cette charte reste incomplète : seuls 15 États ont réellement alloué un budget spécifique à son application.
L’Union africaine ne manque pas d’ambition, mais elle fait face à plusieurs défis : un manque de coordination entre les États membres, des financements souvent insuffisants et une difficulté à traduire ses engagements en actions concrètes. Aya Chebbi, ex-Envoyée de l’UA pour la Jeunesse, résume bien la situation : « Tant que nous n’aurons pas un budget contraignant et un suivi rigoureux des politiques jeunesse, nos belles résolutions resteront des mots sur du papier. »
Pour accélérer la mise en œuvre de ses programmes, l’UA mise sur des collaborations avec des institutions financières, des organisations de la société civile et des jeunes leaders. En intégrant davantage les jeunes dans ses décisions et en leur donnant une place active dans la gouvernance, l’Union africaine pourrait passer d’une vision ambitieuse à une réalité palpable.
L’enjeu est de taille : avec près de 450 millions de jeunes d’ici 2050, l’Afrique ne peut plus se permettre d’attendre. L’heure est venue de transformer les promesses en actions concrètes et durables.
Perspectives : une jeunesse qui prend son destin en main
Sur tout le continent, une génération résolument tournée vers l’avenir refuse d’être spectatrice de son propre destin. Des start-up technologiques de Lagos aux fermes agroécologiques du Sénégal, des incubateurs de Nairobi aux mouvements citoyens de Tunis, la jeunesse africaine prend les devants et transforme les défis en opportunités. Avec 650 millions d’utilisateurs de smartphones attendus d’ici 2025, le numérique devient un levier puissant d’éducation et d’entrepreneuriat, ouvrant la voie à de nouvelles carrières et à une inclusion économique sans précédent.
Des plateformes comme Moringa School et Andela forment des milliers de jeunes aux métiers du futur, tandis que des fintechs comme Chipper Cash et Flutterwave révolutionnent les paiements et l’accès au financement. Loin de se limiter à la tech, les jeunes s’emparent aussi de la question climatique, à l’image d’Adenike Oladosu au Nigeria, qui milite pour une transition écologique juste et inclusive.
Face à ces dynamiques, deux scénarios se dessinent : dans un modèle optimiste, si les investissements dans l’éducation et l’innovation triplent, l’Afrique pourrait voir son PIB bondir de 15 % d’ici 2035, offrant ainsi des millions d’emplois et une prospérité partagée. À l’inverse, un statu quo où les politiques tardent à suivre la cadence mènerait à une crise sociale majeure, avec 100 millions de jeunes sans emploi d’ici 2030. Mais à observer l’énergie qui se dégage des nouvelles générations africaines, une chose est sûre : l’heure n’est plus à l’attente, elle est à l’action.
L’heure de l’audace
Loin des discours alarmistes, l’Afrique se transforme sous l’impulsion de sa jeunesse. Les jeunes Africains ne se contentent pas d’attendre des solutions : ils les créent. Comme le rappelle le philosophe Souleymane Bachir Diagne : « L’Afrique a toujours été jeune, c’est sa force et son défi. » L’avenir de l’Afrique appartient à ceux qui osent. Et la jeunesse africaine, elle, ose plus que jamais.
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