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Pénurie d’électricité au Nigeria – une vie au rythme des coupures

Avec ses 200 millions d’habitants, le Nigeria est la première économie d’Afrique. Pourtant, ce géant continental vacille sous le poids d’une crise énergétique chronique. Selon la Banque mondiale, les pénuries d’électricité coûtent chaque année environ 29 milliards de dollars, soit près de 18 097 milliards de FCFA, un montant équivalent à presque la moitié du budget national de 2024. Derrière ces chiffres, des infrastructures vétustes, un réseau incapable de distribuer plus d’un tiers des 13 000 mégawatts produits, et un quotidien marqué par les délestages et les actes de vandalisme. Mais au-delà des statistiques, cette crise se vit intensément dans chaque foyer, chaque rue, chaque entreprise du pays.

Un quotidien suspendu au courant électrique

Shakira Fatomidé, banquière et mère de deux enfants, habite dans un quartier animé de Lagos. À chaque coupure de courant – des épisodes si fréquents qu’ils ne surprennent plus – sa routine est bouleversée.

« Je m’assure toujours que mon téléphone est chargé au bureau. À la maison, je cuisine tôt pour éviter que la nourriture ne s’abîme. Pas question de dépendre du réfrigérateur. »
Elle parle en rangeant des provisions dans des glacières en plastique, une solution temporaire pour conserver quelques aliments essentiels.

Chez les Fatomidé, comme dans de nombreux foyers nigérians, les coupures électriques forcent des choix contraints : dormir dans l’obscurité et suffoquer sous la chaleur étouffante de la nuit, ou faire fonctionner un générateur. Mais à quel prix ? « Le carburant coûte cher », explique Shakira en regardant ses enfants jouer à la lueur d’une lampe torche. « Il faut choisir entre payer pour l’école ou pour l’électricité. »

L’impact économique d’un réseau électrique défaillant

Les ruelles de Balogun Market, le plus grand marché de Lagos, sont un tableau vivant de l’ingéniosité nigériane. Des couturiers actionnent leurs machines à coudre à l’aide de générateurs tandis que des marchands crient pour attirer les clients. Yemi, un tailleur de 35 ans, raconte :

« Sans mon générateur, je ne peux pas travailler. Chaque jour, je dépense presque la moitié de ce que je gagne en carburant. C’est une lutte constante. »
Son atelier exigu, rempli de tissus colorés, vibre au rythme mécanique de la machine. Mais la réalité est implacable : les interruptions de courant réduisent sa productivité, menaçant son gagne-pain.

Dans les hôpitaux, le tableau est encore plus préoccupant. À l’hôpital général d’Ibadan, une infirmière raconte l’angoisse des coupures :

« Quand il n’y a pas d’électricité et que le générateur tombe en panne, nous sommes impuissants. Imaginez une salle d’opération plongée dans le noir. »
Des vies sont suspendues à un fil, parfois littéralement, dans ce système de santé déjà sous pression.

Le coût émotionnel de l’obscurité

Pour de nombreux Nigérians, les délestages ne sont pas seulement une question d’argent, mais aussi de dignité et de confort. Dans les quartiers populaires, les nuits sans électricité sont souvent marquées par une chaleur suffocante et des attaques de moustiques, augmentant les risques de paludisme.
« Pendant les coupures, mes enfants pleurent », confie Aisha, une vendeuse ambulante d’Abuja. « Nous nous réfugions à l’extérieur pour chercher un peu de fraîcheur, mais c’est dangereux. »

Dans les écoles, les enseignants doivent s’adapter. Sans électricité, pas de ventilateurs, pas de lumières et parfois, pas d’apprentissage. « Nous faisons cours à la lumière naturelle », explique un professeur. « Quand le ciel est couvert, c’est comme si nous enseignions dans le noir. »

Une résilience mise à rude épreuve

Malgré ces défis quotidiens, les Nigérians font preuve d’une résilience remarquable. Dans les rues de Lagos, on trouve des stations de recharge où les habitants paient quelques nairas pour brancher leurs téléphones. Les entrepreneurs comme Yemi investissent dans des panneaux solaires, espérant réduire leur dépendance au réseau électrique défaillant. Mais pour la majorité, ces solutions restent inaccessibles.

Dans l’obscurité qui envahit la ville chaque soir, les murmures des familles et les rires étouffés des enfants rappellent que la vie continue, malgré tout. Mais pour combien de temps encore ?

Oeil d'Afrique



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