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Polémique au Sénégal : un ministre accuse les tirailleurs sénégalais de trahison

Le ministre sénégalais Cheikh Oumar Diagne, chargé de l’administration et de l’équipement à la présidence, a déclenché une vive polémique en qualifiant les tirailleurs sénégalais de "traîtres". Ces propos, tenus lors d'une interview diffusée sur une chaîne locale, ont suscité indignation et incompréhension dans le pays, où la mémoire de ces soldats coloniaux reste sensible et profondément respectée.

Dans son intervention, le ministre a déclaré : « Ceux qui célèbrent les tirailleurs ignorent leur véritable rôle. Ils ont combattu leurs propres frères lors des révoltes contre le colonialisme. » Ces propos tranchants, rejetés par nombre d’historiens et d’intellectuels, ont été perçus comme une attaque injuste envers des hommes qui, bien que servant sous le drapeau colonial, ont souvent payé un lourd tribut dans les combats.

Un affront à l’histoire selon les historiens

L’historien Mamadou Fall, intervenant sur une radio privée, a réagi fermement en qualifiant ces déclarations d’« injustes ». « Bien que certains épisodes de leur engagement aient été imposés par le colonisateur, parler de trahison ne rend pas justice à leur souffrance et à leur héroïsme. C’est une simplification dangereuse », a-t-il affirmé. Mamadou Fall est également membre du comité chargé de commémorer le massacre de Thiaroye, survenu en 1944, où des tirailleurs furent exécutés par l’armée française pour avoir réclamé leurs arriérés de soldes.

Une mémoire encore vive

Les propos de Cheikh Oumar Diagne interviennent quelques mois après une commémoration nationale de ce massacre, marquée par un hommage solennel au camp militaire de Thiaroye, près de Dakar. Ce drame, reconnu comme un massacre par la France, demeure un symbole des injustices subies par les tirailleurs. Des initiatives comme l’intégration de cet épisode dans les programmes scolaires au Sénégal montrent l’importance accordée à la transmission de cette mémoire.

Cependant, beaucoup de zones d’ombre subsistent, notamment sur le nombre exact de victimes, estimé par certains à 400, bien au-delà des chiffres officiels de l’époque. Le cimetière de Thiaroye abrite 202 tombes anonymes, un rappel poignant du manque de reconnaissance envers ces soldats.

Une indignation publique croissante

Sur les réseaux sociaux et dans les médias, les critiques fusent, exigeant des excuses publiques, voire la démission du ministre. Ces réactions traduisent une sensibilité accrue autour des questions mémorielles au Sénégal, où les tirailleurs sénégalais sont souvent perçus comme des héros, malgré les complexités de leur engagement.

Ce débat relance des questions fondamentales sur la période coloniale et le rôle de certains Africains dans les rouages du système colonial. Si cette controverse est douloureuse, elle illustre aussi la nécessité d’un dialogue apaisé et informé sur les héritages complexes du colonialisme.

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