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Pétage de Plomb de Patrice Evra ou la déferlante chronique d’une presse enragée ?

Au lendemain de la défaite de l'Olympique de Marseille à Guimaraes, les titres de la presse sportive se sont multipliés sur l'accrochage entre l'ancien capitaine de l'équipe de France, Patrice Evra et un groupe de supporteurs marseillais ayant fait le déplacement au Portugal.

"Guimaraes-OM : Patrice Evra disjoncte et donne un violent coup de pied à un supporter marseillais" titre le journal régional La Province. "Le coup de sang de Patrice Evra scandalise l'Europe." pour Mercato Foot. "OM: Craquage complet... Patrice Evra exclu après un violent coup de pied à un supporter marseillais" chez 20 minutes. "Coup de sang de Patrice Evra" titre le Parisien. Le Firago va jusqu'à s'interroger sur un possible licenciement du jour : "L'OM doit-il licencier Patrice Evra ?"
 
L'usage exagéré de qualificatifs suggérant un dysfonctionnement cérébral du côté de l'international Français marque un certain désir de réduire définitivement Patrice Evra au silence. En effet, pour certains commentateurs, Evra n'a jamais été réellement, en sa qualité de capitaine, sanctionné pour les événements survenus au mondial en Afrique du Sud. Patrice Evra qui fait parti des plus beaux palmarès du football français reste l'enfant maudit de cette famille qui refuse d'avoir dans ses rangs des têtes qui dépassent. Son franc-parler rappelle un peu trop un certain Nicolas Anelka qui n'a jamais été en odeur de sainteté avec la presse hexagonal. Son succès sur Instagram avec ses courtes vidéos qu'il publie tous les lundi sanctionnées d'un *"I love this game"* ne l'aide pas à conquérir des âmes qui n'ont pas eu grand chose à dire sur la carrière de ce joueur qui a également été capitaine de Manchester United sous la direction du mythique Alex Ferguson.
 
Une presse enragée 
 
L’usage, sans ambages, des titres rapportés par une grande majorité des quotidiens français ne peut nous laisser indifférent face à la police psychologique prétendument journaliste. Il n'est plus question de faire le travail journalistique. La course aux clics et à l'instantanéité réduit à néant la mission de ces informateurs des masses.
 
Pourtant, il est souvent relayé dans ces mêmes quotidiens des actes violents (verbales ou physiques) des personnalités sportives ou non. On se souvient du tristement célèbre "case toi pauvre con" crié à un agriculteur par l'ancien président Nicolas Sarkozy. Ou tout récemment l'utilisation par le président Emmanuel Macron du qualificatif "fainéant" pour indexer les manifestants contre la loi travail.
 
En tombant dans le piège tendu par les personnes qu'on ne saurait qualifier de supporteurs, Patrice Evra a fini par réaliser le rêve de nombreux commentateurs qui comme Jacques Vandroux n'hésite pas sur le plateau de CNEWS a déclarer sa haine contre Evra. Sur la chaîne EquipeTv, l'ancien sélectionneur Raymond Domenech s'est également laissé à des propos indignes. Toujours sur l'EquipeTv, certains spécialistes du football n'emploient à demander le renvoi de l'arrière gauche. Le tout sans avoir laissé le temps à Evra de se défendre. Même le pire des criminels bénéficie dans un État de droit d'un temps pour sa défense. 
 
A l'instar du débat sur la délinquance dans les banlieues, ou Manuel Valls refusait à tout un chacun d'essayer de comprendre car disait-il "essayer de comprendre c'est pardonner." Aujourd'hui, on refuse au rappeur Rost de contextualiser l'incident qui a conduit Patrice Evra à commettre sa maladresse. 
 
Les supporters injurieux ont eu leur porte voix , grande réussite pour eux. L’injure est devenue synonyme d’encouragement, aucune sanction n’est envisageable car, c’est grâce à l'abonnement dans les stades qu'ils sont devenus presqu'intouchables. "C'est grace aux primes d’abonnement que l’on paie les joueurs" dixit un journaliste  sur Cnews. 
 
Oui, Evra a donné un coup de pied à un supporteur insultant. Oui, Evra aurait dû garder son sans froid. Oui, Evra mérite des sanctions de la part de son club et de la part de l'UEFA. Non, Evra n’est pas un déséquilibré mental mais bien un sportif de haut niveau rempli de passions et émotions comme semblable tout être humain. Non, Evra ne mérite pas d'être renvoyé par son employeur, l'Olympique de Marseille. Non, Evra ne mérite pas l'acharnement de cette presse qui n'a vissiblement pas retenue le discours de François Mitterrand aux obsèques de l'ancien Premier Ministre, Pierre Beregovoy. 
 
"Toutes les explications du monde ne justifieront pas que l’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme et finalement sa vie au prix d’un double manquement de ses accusateurs aux lois fondamentales de notre République, celles qui protègent la dignité et la liberté de chacun d’entre nous."avait dit le President Mitterand.
 
Roger Musandji
Directeur d'Oeil d'Afrique
 


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