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Les conflits dans l’est de la RDC : une saison 3 de trop ?
L'intrigue se répète, les rebondissements sont prévisibles et le modèle économique vacille. Combien de temps encore avant que cette tragédie ne soit déprogrammée par lassitude internationale ?
Trente ans de guerre, de massacres, de négociations stériles et de condamnations sans effet. La troisième saison du conflit dans l’est de la RDC revient avec des épisodes encore plus intenses, désormais diffusés en direct sur les réseaux sociaux. Plongée dans une saga aussi tragique que redondant.
Ce nouvel épisode respecte les codes de la série, mais recycle la mécanique du précédent, qui mettait en scène la chute de Goma. Une impression de déjà-vu s’installe. La ministre d’État chargée des Affaires étrangères s’était envolée pour New York afin de plaider devant le Conseil de sécurité des Nations unies lors d’une session extraordinaire. Pendant ce temps, les troupes rebelles progressaient vers l’aéroport de Goma. Les Congolais, rivés à leurs écrans, suivaient en temps réel sur les réseaux sociaux l’avancée des combattants, puis les affrontements qui s’étaient prolongés pendant plus de trois jours.
Cette fois, c’est le président congolais en personne qui prend son envol pour Munich, où se tient une conférence sur la sécurité internationale. Il s'agit d'une énième tentative pour alerter la communauté internationale et réclamer des sanctions contre le pays agresseur. La répétition du schéma est évidente.
Parallèlement, les représentants des Églises catholiques et protestantes parcourent le territoire. Ils rencontrent les parties belligérantes internes et externes dans l'espoir d'obtenir un accord de paix. Cette initiative suscite toutefois la méfiance de la part de la majorité au pouvoir. Les témoignages de militaires déserteurs ou fuyards se propagent à toute vitesse. Les troupes rebelles avancent vers Bukavu, dont l'aéroport est la cible privilégiée. Les habitants filment cette avancée village après village. La mécanique est toujours la même : à la veille de chaque négociation diplomatique et mobilisation internationale, une offensive militaire est déclenchée.
Nouveaux acteurs, même chaos
Les auteurs de la saison 3 enrichissent l’intrigue en y ajoutant de nouveaux acteurs et de nouveaux décors. L’ajout d’entités régionales renforce la dimension internationale du conflit. La Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) font leur entrée sur le terrain, chacune déployant ses forces militaires dans la province du Nord-Kivu. Cette évolution redessine les alliances et complexifie encore davantage le récit.
Par contre, Il faut saluer le travail des scénaristes qui dévoilent avec soin les ambitions des personnages, offrant ainsi une lecture plus approfondie des forces en présence. Cette approche permet aux spectateurs habitués à la saga de mieux comprendre les véritables enjeux restés dans l’ombre depuis la première saison, sortie en 1996. En éclairant les motivations des protagonistes et en levant le voile sur des luttes de pouvoir longtemps sous-entendues, cette nouvelle saison renforce la cohérence et la richesse du récit.
Le suspense de trop ?
Toutefois, une question demeure : le modèle économique sur lequel repose cette production est-il viable à long terme ? La série dépend en grande partie des subventions et du soutien financier des entités internationales, dont l’engagement fluctue selon les priorités géopolitiques du moment. La pérennité du projet pourrait être mise en péril si ces aides venaient à diminuer, notamment dans un contexte où les financements culturels sont souvent les premiers à être affectés par les coupes budgétaires.
Les auteurs et les équipes de production peuvent-ils espérer être toujours aussi bien rémunérés dans les saisons à venir ? La dépendance aux aides extérieures rend incertaine la stabilité financière de la série, ce qui influence déjà la qualité des scénarios et la liberté créative des auteurs. On attend le prochain épisode ?
Yves Zihindula
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