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Son salaire, les élections : Tshisekedi ne s’intéresse pas à ce que le peuple a besoin de savoir

Au cours de sa dernière sortie médiatique devant la presse nationale, le 1er juillet, le chef de l’Etat congolais a provoqué une intense polémique en affirmant « je vous parle très sincèrement avec mon cœur, je ne connais pas mon salaire. Je suis incapable de vous dire combien je touche. Cela ne m’intéresse pas ». Mais les millions de congolais auraient aimé connaître ce que touche le président dont on dit qu’il baigne désormais dans l’opulence, surtout après le scandale des 500 jeeps qu’il aurait offertes aux députés nationaux.

Mais pour ses détracteurs, cette déclaration évoque un souci d’un autre ordre. « Avec ça, nous voyons qu’il y a un problème de compétence et de bonne gouvernance au sommet de l’Etat. Je pense qu’il doit réfléchir s’il décide de parler couramment », conseille Janette Tshisawu.

En réponse, Yvan Simweray met en avant le caractère secret du salaire. « A propos de la liste civile, j'estime que cela fait partie de secret professionnel. Je pense que le Président de la République n'est pas obligé de le publier ».

Sauf que le porte-parole du président a été amené à invoquer son salaire dans une mise au point 72 heures plus tard. « Le président de la République, son salaire n’atteint même pas 20.000 dollars », confiait Tharcisse Kasango Mwema en se référant à la Loi des finances. Avant d’ajouter « ce n’est pas sa préoccupation première… ».

La Loi des finances 2021 prévoit des émoluments à hauteur de 162 mille dollars par mois tandis que la liste civile s’élève à 11 751 874,56 dollars américains. Près de 12 millions de dollars sur une année pour une seule institution du pays contre un PIB de 470 dollars par habitants, voilà qui appelle à réduire drastiquement le train de vie des institutions en RDC. Mais à ce sujet, Félix Tshisekedi montre ses limites à joindre ses paroles aux actes.

2023, l'année des élections

Un autre sujet qui a capté l’attention générale est celui des élections prévues en 2023. Auprès de Jeune Afrique, le président congolais s’est projeté vers un second bail au Palais de la Nation. « Si le peuple veut bien m’accorder un second mandat, je poursuivrai ma mission ». Un discours aux allures d’une précampagne.

Mais quand le scrutin pour cela sera-t-il organisé ? Peut-il « garantir aux Congolais que les élections générales prévues en 2023 se tiendront à bonne date ? », demandait le confrère. A  quoi il a répondu légèrement « bien malin celui qui pourra le garantir ».

A deux ans de la nouvelle présidentielle, la population aurait voulu voir le président s’engager en vue d’un vote dans le délai. Mais selon lui, seule la Commission des élections dont la mise en place s’étire depuis plus d’année, pourra s’assurer de la ponctualité du vote.

De quoi irriter Janette Tshisawu. « Renvoyer la balle dans le camp de la CENI pour l’organisation des élections est un faux-fuyant ». Elle craint jusqu’au pire scénario. « Félix Tshisekedi prépare un glissement. Les moyens d’action de la CENI proviennent du gouvernement qui n’a encore rien mis à sa disposition pour les élections de 2023 ».

Cependant Yvan Simweray déplore la surinterprétation des mots de Félix Tshisekedi. « Lorsqu'il dit que c'est à la CENI de nous dire si les élections sont faisables d'ici 2023, c’est-à-dire le délai constitutionnel, le président de la République veut tout simplement dire qu'il n'est pas là pour vassaliser la CENI. C'est contraire à ses principes. Donc le seul arbitre pour 2023 c'est la CENI avec comme commissaire du match la Cour constitutionnelle ».

Pourtant, Félix Tshisekedi a admis l’hypothèse d’un report des élections « s’ils (les délais constitutionnels, ndlr) sont respectés, tant mieux. S’ils ne le sont pas, tout le monde le verra et s’accordera sur la suite ». Et avec la décision prise par son gouvernement pour un recensement général de la population en marge du prochain scrutin, c’est comme une fatalité qui se profile.

Mais le chef de l’Etat a rappelé ses idéaux. « Cela fait plus de trente ans que mon parti, l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social, ndlr), se bat pour l’instauration d’un état de droit et pour des élections libres et transparentes ». Au moment de cette interview à Jeune Afrique, la nouvelle loi sur la Commission Electorale Nationale Indépendante n’était pas encore en vigueur. C’est chose faite depuis qu’il l’a promulguée ce mercredi, 07 juillet. Le début d’un compte à rebours prématuré pour un peuple dont l’expérience des élections est aussi celle des violences. Au nouveau régime de faire mentir l’histoire !

Maghene Deba, Oeil d'Afrique



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