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RDC : « L’affaire Kamerhe », un procès pour corruption au sommet de l’Etat qui interpelle toute l’Afrique
Vital Kamerhe a été arrêté le 8 avril 2020. Depuis, il est incarcéré à titre préventif à la prison centrale de Kinshasa. C'était le principal allié politique du président congolais Félix Tshisekedi. Il avait activement contribué à son accession au pouvoir, avant de devenir son puissant chef de cabinet. Il est accusé, avec deux autres prévenus, du détournement de 50 millions de dollars. Des fonds destinés au financement de grands travaux de modernisation des infrastructures du pays, lancés par le chef de l'Etat après son investiture le 24 janvier 2019. Ils devaient servir, entre autres, à la construction de 4 500 logements sociaux. L'interessé était chargé de l'attribution de ces juteux marchés. Un travail "qu'il n'était pas seul à superviser", tient-il à préciser à ses accusateurs.
Les poursuites engagées contre Vital Kamerhe sont le résultat d'une vaste enquête anti-corruption, supposée marquer "le renouveau" de la justice congolaise dans le cadre de la lutte contre l'impunité des élites depuis l'indépendance de ce pays. Un fléau répandu à travers toute l'Afrique.
La corruption est un véritable cancer qui tue sur le continent africain. La tragédie dans nos pays, c'est l'arrogance et l'impunité qui protège les élites corrompues. Ahmedou Ould Abdallah, ancien chef de la diplomatie mauritanienne à franceinfo Afrique en mai 2019.
Autant dire que "l'affaire Kamerhe" suscite un intérêt évident dans plusieurs pays africains. Dans l'entretien qu'il avait accordé à franceinfo Afrique, Ahmedou Ould Abdallah dénonçait de véritables hold-up opérés par les élites africaines. "Une escroquerie à grande échelle qui discrédite et tribalise les Etats", observait-il.
Le nouveau président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, veut manifestement mettre un terme à cette pratique scandaleuse qui perdure dans son pays depuis son accession à l'indépendance. Son message est clair : fini le temps où l'argent public s'évaporait dans la nature, sans que personne n'intervienne.
"Que la vérité triomphe"
Si une partie de l'opinion congolaise reste sceptique et évoque un règlement de comptes au sein de la coalition au pouvoir, de nombreux Congolais veulent y croire. Ils ont suivi avec beaucoup d'intérêt la première audience de ce procès, retransmis en direct par la télévision publique à la demande de l'accusé. Il a été reporté au 25 mai pour faciliter la poursuite de l'instruction.
Nous disons bravo, mais nous voulons que la justice soit impartiale, sinon cela donnera raison à tous ceux qui crient à l'acharnement. Jacques Lumumba, défenseur congolais des droits de l'Homme au journal Le Monde.
Ils sont nombreux sur les réseaux sociaux à exiger un procès équitable pour tous les prévenus dans ce procès anti-corruption sans précédent. "Pour être équitable, le procès Vital Kamerhe doit échapper à la précipitation et à la tentation de trouver le coupable idéal", met en garde un internaute congolais. C'est aussi le souhait exprimé dans la presse congolaise. "Que la vérité triomphe, rien que la vérité", clame le journal La Prospérité.
"Un Vital Kamerhe peut en cacher d'autres"
Un procès dont les échos résonnent bien au-delà de la RDC. Au Burkina Faso, le quotidien Le Pays invite les autorités congolaises à ne pas hésiter à aller jusqu'au bout.
"Tout se passe comme si, sous le magistère de Félix Tshisekedi, nul n'est désormais au-dessus de la loi. Seulement, il doit comprendre qu'un Vital Kamerhe pouvant en cacher bien d'autres, il y a lieu d'aller jusqu'au bout en démasquant tous ceux-là qui, de près ou de loin, ont trempé la main dans le cambouis", écrit le quotidien burkinabè. C'est à ce prix que le président Tshisekedi prouvera aux yeux du monde entier qu'on est à l'aube d'une nouvelle ère en RDC, conclut notre confrère.
Avec France Info.
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