Culture


Rentrée littéraire 2022 (Essai) : Afropolis ou la transculturalité afro-descendante à l’étude

Pour son premier essai, Cécilia Emma Wilson signe avec Afropolis, un texte majeur qui invite à prendre conscience de la trans-culturalité des afrodescendants à travers le monde. L’ouvrage publié aux éditions Les Indes Savantes, est disponible en librairies depuis le 25 août. 

Qui est Cécilia Emma Wilson ? 

Je me définis comme une femme africaine car je suis née au Togo et ai grandi entre Lomé, Accra et Cotonou, mais également comme une africaine diasporée de par mes origines brésiliennes et ma présence en France depuis plus de 10 ans. Mon africanité est ainsi double, à la fois enracinée et déracinée. Ma plume est politique et elle est trans-africaine. Qu’il s’agisse de poésie, de fiction ou lorsque je publie des essais, je me positionne systématiquement dans une Afrique intra et extra continentale.

Pourquoi Afropolis ? 

Afropolis est un terme qui signifie littéralement « la cité des afro ». Ce terme résume à lui seul cet ouvrage qui se veut un mini-concentré d’histoire et de sciences humaines sur les questions noires à travers le monde, avec un focus sur les Amériques et les Afriques. L’essai est une manière de planter le décor et d’annoncer ce que je suis à travers un ouvrage d’idées sur les identités africaines. Existe-t-il seulement une africanité ou des africanismes ? C’est un débat que je lance par le biais de la Pop Culture, de l’histoire du Gospel et du Reggae et de leurs portées profondément politiques. 

Afropolis
Afropolis

Quel a été votre parcours ? 

Très tourné vers l’international et les échanges entre les cultures. J’ai intégré le master Relations Internationales de l’Ecole Doctorale de Sciences Po Paris après une classe préparatoire aux grandes écoles et un bref parcours en école de commerce. Par la suite, j’ai intégré l’UNESCO où j’ai travaillé sur le développement des industries culturelles africaines en particulier la mode et le cinéma.

Vous privilégiez le terme “trans-nationalismes africains” plutôt que panafricanisme, pourquoi ce glissement sémantique ?

Le panafricanisme est une notion qui suppose un abandon de souveraineté au profit d’un État panafricain. C’était l’idée du père de la nation ghanéenne, l’Osagyefo Kwame Nkrumah qui a d’ailleurs été fortement influencé par l’afro-américain W.E.B Du Bois. Aujourd’hui c’est un peu difficile de fonder l’idée d’une unité commune. Certes nous avons des souches communes, ce que j’appelle des « rémanences culturelles » mais nous sommes différents, un peu comme un arbre sur lequel poussent des branches sans réelle ressemblance. 

Pourtant, il demeure la « transculture », la « transnationalité », le besoin de dépasser le cadre national pour adopter l’hybridité des vies africaines à travers le monde. Savoir d’où l’on vient sans pour autant renier les autres influences qui se sont ajoutées pour former les communautés que nous connaissons aujourd’hui, que l’on parle des afro-descendants au Brésil, aux Etats-Unis ou dans la Caraïbe. C’est ici que réside mon désaccord avec des idéologies panafricanistes comme le kémitisme. 

Finalement qu’est-ce qu’être trans-culture ? 

Être trans-culture c’est se réveiller avec une conscience assez particulière de son identité et refuser catégoriquement la prison de l’assimilation et de l’uniformité. C’est une notion qui correspond parfaitement aux populations d’Afrique puisqu’à l’origine, le continent n’avait pas d’Etats nations mais bien des Etats dits “multinationaux” comme l’a démontré Cheikh Anta Diop, c’est à dire des lieux au sein desquels le pouvoir centralisé accordait cependant aux différentes communautés une certaine autonomie et liberté à la fois politique et culturelle.

Cette manière de penser les Nations et la cohabitation est contraire à l’idée d’Etat-Nation qui prévaut en France en particulier où il faut gommer les différences pour “faire France", au nom sacré de la République. L’intégration disent-ils ! Les Etats Africains tels qu’on les connaît aujourd’hui sont des ensembles parfaitement hétérogènes au sein desquels cohabitent des traditions, des valeurs, des histoires et mœurs différentes mais qui parviennent à créer dans le meilleur des cas une sorte de melting-pot ou dans les cas les moins réussis d’assemblage, un “salad bowl”, terme sociologique pour désigner des communautés mises côte à côte et vivant ensemble.

Un être trans-culture navigue entre plusieurs eaux, il transcende l’étiquette, le stigma, et reste finalement difficile à saisir. Certains disent parfois d’un être transculture “il est perdu, il ne sait plus d’où il vient”. En réalité il sait parfaitement d’où il vient sans être enfermé dans une identité figée,  il en a plusieurs qui cohabitent dans un même corps.

Quel est ce nouveau chemin pour les africains et leurs descendants ? 

Le nouveau chemin est encore une fois celui de la Culture. La culture permet de façonner la mémoire. Elle laisse une empreinte indélébile sur l’Histoire et les générations futures. Le Président brésilien Lula en avait tellement conscience qu’il avait intégré aux programmes scolaires l’étude de l’histoire afro-brésilienne. De la même manière, on assiste dans l’industrie musicale à une convergence des mondes entre l’Afrique de l’Ouest et plus précisément le Nigéria, et la scène urbaine afro-américaine.

L’album  du Roi Lion « The Gift » est un exemple parfait de ce que j’avance. L’artiste nigériane Tems est sur la bande son de Black Panther 2 et sur les nouveaux albums de Beyonce et Drake.En réalité ces deux dernières années, il n’a pas été produit un album par les plus grands vendeurs de disques  (ou de streams) aux USA qui n’ont pas collaboré avec un artiste africain. 

Des projets à venir ? 

Un second ouvrage arrive cette fois sur le sport, un ouvrage un peu plus géostratégique sur les implications politiques du sport dans la région du Golfe. On parle Coupe du Monde, Financement des clubs européens et rachat de ces clubs par le Qatar, Droit des femmes, émancipation et transformation structurelle des sociétés du Golfe. Un ouvrage un peu plus généraliste. 

En outre, le premier tome de ma trilogie Omalicha était finaliste du Prix Voix d’Afriques 2021. Je suis actuellement à la recherche d’un éditeur pour les deux premiers tomes et en cours de rédaction du troisième.



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