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Guy Loando, le ministre de l’aménagement du territoire qui veut libérer le potentiel des ressources naturelles en RDC

« C’est un homme déterminé, à l’œil vif qui trahit une réflexion incessante et qui mène ses actions au pas de course. Il faut s’accrocher pour suivre son rythme ainsi que le niveau d’exigence qu’il s’impose et qui ne manque pas de déteindre sur tous ceux qui travaillent avec lui ». « C’est un bourreau de travail. Il a une vision très claire de sa mission et n’a foi qu’en trois choses : Dieu, le travail et le Congo ». « Guy Loando ? Il est méticuleux et lent dans la réflexion. Une fois la décision prise, il est véloce et agile ».

Par son ascension fulgurante, Guy Loando Mboyo apparaît comme un mystère dans le paysage politique Congolais et ce ne sont pas les propos recueillis auprès de plusieurs hauts fonctionnaires et personnes introduites dans les arcanes du pouvoir à Kinshasa qui nous ont permis de complètement lever le voile. Il semble y avoir un certain consensus autour de quelques adjectifs qui qualifient l’homme Guy Loando Mboyo ; travail, exigence, vision ont tour à tour été répétés par nos interlocuteurs. Il nous a fallu un travail un peu plus minutieux pour cerner les contours de cet homme qui, sans aucun antécédent politique ni militant, s’avère être l’homme du moment à Kinshasa. Un dirigeant décidé, infatigable et audacieux, à l’image de cette nouvelle génération de leaders africains qui a en tête de transformer le continent. 

Poésie et théâtre

Né à Bokungu dans l’ancienne province du Grand-Équateur, Guy Loando Mboyo a poursuivi une scolarité à Mbandaka où son père, coordonnateur provincial des écoles conventionnées catholiques, fut muté. « Je me souviens que Guy est arrivé à Mbandaka alors qu’il avait environ 13 ans. C’était un enfant très curieux et extrêmement dynamique. Rapidement il a montré un grand intérêt pour les activités culturelles. Il aimait particulièrement le théâtre et la poésie. Il avait déjà une facilité à prendre la parole en public et entrainait les autres enfants avec lui. Guy a très tôt montré de véritables capacités de meneur d’Hommes. Une analyse rapide, une intelligence situationnelle, une force de conviction et un leadership par l’action », nous a confié Jacques Batuli qui fut préfet des études à l’Institut des Frères de Mbandaka où Guy Loando fait une partie de sa scolarité. 

Après un diplôme secondaire en section littéraire à l’École d’application de Mbandaka, Guy prend la direction de Kinshasa et de l’Université de Kinshasa d’où il sort diplômé en droit économique et social. Sur le campus, les anciens camarades se rappellent d’un étudiant déterminé et qui avait déjà une soif de changer les choses.

« Déjà à l’époque Guy se distinguait par sa discipline. Il savait ce qu’il voulait et, force est de constater que le chemin qu’il trace actuellement n’est pas très éloigné de ce dont nous discutions à l’époque. Plus que tout, il voulait être utile aux Congolais et au Congo. Il ne cessait de nous répéter qu’il fallait un changement de cap. Un soir alors que nous refaisions le monde, il s’est emporté lorsqu’un de nos camarades nous faisait part de son empressement d’intégrer la fonction publique pour qu’il puisse lui aussi se servir. Guy l’a repris avec véhémence en défendant que nous devions nous imposer de plus hauts standards éthiques. Que sans bonne gouvernance nous mènerions notre pays droit dans le mur. C’était déjà une grande plaidoirie pour le redressement des Congolais qui, pour lui étaient les seuls à même d’amorcer la prospérité du Congo ! », explique un ancien condisciple à l’Université de Kinshasa

Le rêve Congolais

Son diplôme en poche, Guy Loando Mboyo devient avocat et se spécialise dans l’accompagnement et la représentation des acteurs miniers et c’est dans cette partie de carrière que les voix commencent à être dissonantes. « Guy Loando a fait fortune très rapidement. En ça il représente en quelque sorte la philosophie le rêve congolais. Dans ce pays, il est possible, dans des conditions troubles, de faire fortune du jour au lendemain. C’est l’exemple de ce jeune de la rue qui, dans une affaire de minerais, devient un richissime homme d’affaires ou ce cadre moyen qui, par un jeu de parrainage, devient un dirigeant politique. Guy Loando vient d’une famille modeste de province, il a travaillé dans le secteur des mines, il a fait fortune et mène des actions philanthropiques peut-être trop visibles. Il n’en faut pas plus pour que les plus folles rumeurs circulent », nous a confié anonymement un magistrat. 

Guy Loando et sa femme
Guy Loando et sa femme, Déborah Linda Loando

Avec le succès de son cabinet d’avocats, la comète Guy Loando Mboyo est sur orbite. 

Il lance la fondation Widal qui est très active avec ses programmes sociaux, notamment dans l’éducation et dans la santé. En 2019 il se fait élire Sénateur dans la Tshuapa. En novembre 2020 il publie son premier livre programmatique « Le Congo d'après : Nécessité d'un changement de cap post-Covid-19 » aux éditions L'Harmattan. Le 26 avril 2021, il est nommé Ministre d’État, Ministre de l’aménagement du territoire. Une consécration pour l’enfant de Bokungu. 

La paire d’as

Dans les attributions de son ministère, Guy Loando Mboyo s’est vu confier l’évaluation des potentialités du territoire Congolais en ce qui concerne les ressources naturelles renouvelables – eaux, forets, pêches, terres – et non renouvelables – pétrole, gaz et minéraux – du sol et du sous-sol Congolais. Quand nous savons que 95% des exportations de la République démocratique du Congo proviennent des matières premières, principalement cuivre et cobalt, et que leurs recettes fiscales représentent près de 40% des recettes de l’État, dire que ce sujet est sensible relève de l’euphémisme. Cela est d’autant plus vrai que le bassin du Congo, avec son fleuve parmi les plus longs et puissants au monde ainsi que sa faune et sa flore inestimable, est capital pour la lutte mondiale contre le réchauffement climatique. 

Guy Loando Mboyo le sait. Il possède une paire d’as dans son jeu et compte bien les utiliser à bon escient. « En février dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié le deuxième volet de son sixième rapport d’évaluation portant sur les effets du changement climatique qui est capital pour la RDC. Il faut noter que l’Afrique est le continent dont les températures croissent le plus rapidement provoquant sècheresses, pluies diluviennes et inondations et la RDC n’échappe pas à ce phénomène. Nous connaissons de plus en plus de perturbations climatiques, détruisant récoltes, habitations et activités commerciales sur l’ensemble du territoire national. Alors si le scenario actuel d’une augmentation de la température de 2,7°C se confirme, les conséquences agricole et écologique s’annoncent dramatiques. Nous devons assurer la préservation de notre écosystème crucial pour l’humanité tout en menant des activités capables de créer une croissance inclusive et durable pour nos population. C’est une fine ligne de crête que nous devons tenir et l’aménagement du territoire est en première ligne », nous a confié Guy Loando Mboyo. 

Pour y parvenir, la RDC va devoir enjamber les obstacles auxquels font face les pays africains en matière de gestion des relations naturelles. Dans un propos engagé, le Ministre d’État nous a livré sa vision du secteur. Il affirme que « les pays africains ont des difficultés à libérer pleinement le potentiel de leurs ressources naturelles. D’abord en raison des défis climatiques et de gouvernance. Il y a souvent une faiblesse du cadre légal et réglementaire. Cette insuffisance en matière législative et de politiques publiques mène indubitablement vers une déficience en matière de gestion et d’investissement. Ensuite il y a clairement une problématique organisationnelle pour assurer l’exécution des décisions prises. Une loi ne suffit pas ! Il faut la faire connaître et la faire respecter. C’est pourquoi le travail d’annuaire national des ressources naturelles renouvelables et non renouvelables du sol et du sous-sol congolais va de concert avec l’adoption de la Loi d’aménagement du territoire (LAT), la création de l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (ANAT) et la mise en place du Fonds national d’aménagement du territoire (FNAT). Il faut avoir un cadre et des objectifs clairs puis allouer des ressources humaines, matérielles et financières pour suivre et évaluer l’action. »

Réussir ou être pris en tenaille

Guy Loando
Le ministre de l'aménagement du Territoire, Guy Loando lors de la présentation du projet de l'annuaire national des ressources naturelles

L’objectif de l’annuaire est ambitieux. Établir, pour chaque ressource naturelle, une indexation de sa localisation, de son potentiel commercial, de sa qualité et de sa teneur, des chaînes de valeur existantes et des acteurs impliqués dans l’exploitation. La deuxième étape consiste à certifier les ressources naturelles congolaises pour apporter de la clarté dans un secteur qui souffre parfois d’un manque de confiance. Cela dans le but d’améliorer l’environnement afin d’attirer les investisseurs capables de faire passer un seuil à la RDC.

« Nous ne devons plus uniquement penser à l’exportation de ressources brute. La chaîne de valeur du Cacao dont l’Afrique a les champions mondiaux de la production est le benchmark parfait pour nous. Globalement elle est constituée de cinq acteurs : les cultivateurs, les intermédiaires qui contrôlent la qualité et assurent du transport, les industriels qui traitent la fève, ceux qui fabriquent le chocolat et enfin ceux qui le commercialisent. Nos frères cacoculteurs Ivoiriens ou Ghanéens ne récoltent que 6,6% des bénéfices de cette industrie. Seuls les intermédiaires font moins avec 6,3%. Sinon, les transformateurs emmargent à 7,6%, les fabricants à 35,2% et les vendeurs au détail 44,2%, taxes comprises. Nous devons nous assurer d’au moins localiser la transformation grâce à un aménagement qui rend nos territoires compétitifs et les connectent aux chaînes de valeurs internationales. » 

Guy Loando Mboyo le sait mieux que quiconque, la réussite du pari qu’il semble s’être lancé dépendra de sa capacité à agir avec célérité et d’avoir une large adhésion grâce à des résultats probants au risque de se retrouver pris en tenaille. Lui qui inspire le renouveau et qui inspire tant admiration qu’espoir serait alors relégué au même rang que la vieille garde politicienne dans laquelle la jeunesse africaine peine à croire. 

Laurette MVITA
Envoyée spéciale à Kinshasa et à Mbandaka 
Pour Œil d’Afrique 



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