Société
Le secteur du travail domestique reste une réelle préoccupation. Réfractaire à toute volonté de modernisation, il emploi pourtant un nombre important de jeunes issus des milieux défavorisés. Ce faisant, ces travailleurs continuent de tirer le diable par la queue et connaissent une vie difficile dans les grandes villes africaines. Décryptage !
Sur le marché du travail domestique, on trouve principalement des jeunes issus des couches sociales les plus défavorisées. Dans l’impossibilité de poursuivre leurs études scolaires pour faute de moyens, ces travailleurs communément appelés « bonnes ou boys » peuplent plusieurs maisons.
Des journées à ne plus en finir
Issus des milieux ruraux, les « bonnes et boys » viennent porter assistance à un membre la famille installé en ville. Malheureusement cette filiation ne protège pas de l’exploitation dont ils peuvent être victimes. À Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, dans la commune Ngaliema, quartier Mont-Fleury, exerce Sarah Nsiku.
Âgée de vingt ans, détentrice d’un certificat d’études primaire, elle avait répondu à la demande d’une amie employé dans une maison voisine. « C’est ma patronne qui avait demandée qu’on lui trouve une jeune fille afin de l’aider dans les tâches domestiques. Trois ans après, je suis encore là et je fais ce que je peux pour ne pas la décevoir ».
À Lomé au Togo, la jeune Yvette raconte, « Mon père est décédé et ma maman ne pouvait plus faire face aux dépenses pour nos études. On a alors décidé que je fasse le travail domestique pour aider maman et aussi pour que je puisse apprendre un métier. C’est difficile mais je n’ai pas d’autre choix… ».
C’est au chant du coq que le marathon de la journée commence. Elles prennent soin de préparer le petit-déjeuner, laver et habiller les enfants afin qu’ils soient près pour l’école. « Mais ça ce n’est rien par rapport à ce qui m’attend dans la journée ». explique Sarah. Il y a encore le ménage de l’ensemble de la maison. Suivi du linge à laver. « Ce n’est qu’une fois tout ça fini que je vais faire les courses aux marchés » raconte Yvette. Mais il reste encore beaucoup à faire. Il y a le repassage des habilles, les ordres interminables de la maitresse de maison.
En fin de journée, il y a le retour des enfants, la préparation du diner, puis le nécessaire pour laisser la cuisine propre. « C’est généralement une fois que mes patrons décident de se coucher que ma journée se termine également » raconte Yvette.
Je touche entre 10 000 et 20 000 Fcfa
Cette vie au pas de course est couronnée par une rémunération qui ne permet pas ces jeunes employés à répondre aux besoins qui les ont conduit à devenir domestiques. Marginalisés, sans contrat de travail pouvant les protéger en cas de litige, ils se sont à la merci de leurs patrons.
Alors que le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) qui s’élève à 35 000 Fcfa au Togo, 60 000 Fcfa Côte d’Ivoire et 80 000 Fr Congolais, les domestiques atteignent jamais cette somme. Selon l’étude du Riddef, 80% des domestiques touchent seulement le tiers de salaire minimum. « Vous savez dans ce que nous fessons, c’est le patron qui décide. Moi je touche entre 10 000 et 20 000 Fcfa. Cela dépend de l’humeur de mes patrons » dénonce Yvette.
Les domestiques subissent donc le diktat des employeurs qui se font généralement passés pour des « sauveurs.» Dans la plupart des cas, ces derniers font miroiter un meilleur avenir à leurs employés qu’ils exploitent allègrement. Les travailleurs domestiques sont généralement victimes de rupture abusive de contrat de travail, de négligences, et même battus en cas de moindres manquements ou de désaccord avec leurs employeurs.
Qu’elles soient nounous, bonnes ou femmes de ménage, leur travail n’est pas considéré comme «un vrai travail », explique la Secrétaire générale du syndicat des domestiques sud-africains à Jacqueline Derens qui anime un blog sur le site de Médiapart.
Harcèlement
Ce travail quasi-informel compte environ Quatre-vingt-dix pour cent des femmes et au moins dix pour-cent des hommes. Dans un environnement ou la loi du silence prévaut, les employés sont souvent victimes violences ou agressions sexuelles. Des nombreux cas se sont signalés dans les grandes villes du continent sans pour autant bénéficier d’une issue favorable pour les victimes.
Chantal Ayemou, présidente du Réseau ivoirien pour la défense des droits de l’enfant et de la femme se bat pour obtenir un cadre légal et une reconnaissance du travail domestique en Côte d’Ivoire. Son association a publié en 2015 l’une des rares études chiffrées (à partir d’un échantillon) sur la servitude domestique à Abidjan.
Les violences subies par les bonnes non déclarées y sont listées, laissant entrevoir l’étendue des chantiers auxquels devrait s’attaquer la future loi. On y apprend qu’une travailleuse sur quatre est victime de violences sexuelles, et que plus d’un tiers d’entre elles (35 %) n’a droit à aucun jour de repos, à aucun salaire et subit, au quotidien, humiliations, séquestrations et privations de nourriture.
L’engagement des Etats attendu
Au Togo, une tournure positive est prise, une infime partie des domestiques exercent leur métier sur la base d’un contrat de travail, élaboré avec l’appui de Welcome, une société privée de placement des employées de maison. Environ 2 000 travailleurs domestiques profitent du contrat type. Ce contrat oblige l’employeur à leur accorder un repos quotidien d'au moins dix heures et deux jours entiers de congé par mois.
Cette structure lutte de manière à "éviter de faire dormir la servante dans la cuisine ou dans les couloirs, éviter les privations de nourriture, les châtiments corporels et tout abus sexuel sur sa personne. Mais pour se soustraire de ces obligations, nombreux sont les employeurs qui recrutent directement dans les villages auprès de familles en difficulté.
Dans d’autres pays comme la Namibie, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, un salaire minimum a été instauré. La Namibie compte officiellement 46.000 employés de maison enregistrés dans le pays. Ils bénéficient des heures supplémentaires, des congés payés et des frais de transport. Leur salaire minimum mensuel, estimé à 50 dollars, a été doublé.
Bien que la plupart de pays africains ont ratifié la convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur les travailleurs domestiques. L’entré en application reste à désirer.
Didier Assogba et P.Jesu’S SHOTSHA OTSHUDIEMA
Correspondants à Lomé et Kinshasa
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