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Gérard Dreyfus : « Le foot africain a-t-il encore un public ? »
« Nous avons un football local où les stades sont vides. Ca manque de passion… » J’entendais récemment les propos tenus par Didier Drogba sur les antennes d’un média que je connais bien, RFI. Bien sûr l’ancienne gloire ivoirienne des stades évoquait de la situation du football dans son pays, délaissé, sauf en de très très rares occasions, par les aficionados. Il mettait en accusation la Fédération et ses dirigeants.
Je ne suis pas totalement d’accord avec lui. Pour moi la responsabilité est collective ; elle est celle de tous les acteurs du football qu’on ne peut pas dédouaner de cet échec. Le spectateur se déplace dans les stades en quête d’émotions festives, de gestes qui vont soulever son enthousiasme. Et de ce point de vue, ce n’est pas la joie.
Je connais un peu le football ivoirien pour l’avoir côtoyé aux doux temps des matches ASEC – Africa Sport. 50.000 spectateurs dans le vieux Stade Houphouët-Boigny, des séquences homériques et, dans la tribune officielle, deux Présidents qui alimentaient à qui mieux mieux la rivalité des deux clubs, Roger Ouégnin et Simplice Zinsou. Un jour, je me souviens, alors que j’étais venu pour tourner un magazine Spécial Côte d’Ivoire, pour la chaîne de télévision TV5, je leur avais proposé de les mettre face à face sur le ring du Palais des Sports de Treichville. Mais ces deux fortes personnalités avaient refusé. Entre nous je n’entretenais pas beaucoup d’illusion sur un oui franc et massif. Ces deux hommes n’avaient pas grand-chose en commun, sinon la passion, parfois dans l’excès. Mais, avantage non négligeable, ils participaient à l’engouement football dans tout le pays.
On pourrait reproduire dans d’autres pays cette situation un peu ubuesque, un peu éloignée des normes du football telles qu’elles existent aujourd’hui mais le football vivait le dimanche dans les stades et toute la semaine dans les médias, dans les cafés, dans les bureaux. Nous vivions pleinement la passion foot.
Cet univers a, hélas, disparu, il ne faut pas se cacher la face. Mais il n’affecte pas seulement chacun des pays. Ces dernières semaines j’ai observé les vidéos et les images des différentes compétitions de clubs, Ligue des champions et Coupe de la Confédération, ou de sélections nationales, CAN U-20, qui se sont déroulées sur les stades. Le constat a été le même. Sauf à de rares exceptions, le public n’était pas bien nombreux pour suivre les matches. La télé, c’est vrai, a toujours les caméras fixées sur les tribunes d’en face et les virages qui ressemblent souvent à un grand désert. C’est d’autant plus dommage qu’il y a des séquences de très belle qualité et que, régulièrement, on assiste à des buts qui ne dépareraient pas ceux des stades européens.
Oui, l’engouement a disparu. Les principaux responsables de cette désaffection, outre la médiocrité des scènes nationales, ce sont les chaînes de télévision étrangères qui occupent le terrain avec la diffusion de matches européens qui sont devenus comme une sorte de quotidien pour les amateurs de ballon rond en Afrique comme leurs semblables des autres continents. Un jour, si vous ne le faites déjà, ayez donc la curiosité de vous promener sur les différents sites africains qui traitent du football. Nombre d’entre eux accordent une très large place au football anglais qui semble être devenu la référence majeure du football mondial, accaparant la sphère médiatique. Tenez, lorsqu’Arsène Wenger a quitté Arsenal, j’ai lu des pages et des pages sur le mariage du club avec l’entraîneur français. Le seul papier pertinent parlait des joueurs africains qui avaient évolué sous sa direction à Londres.
Le foot africain a-t-il encore un public ? J’attends avec impatience la prochaine CAN, en Egypte. J’ai vécu celles de 1986 et de 2006 dans le pays et j’ai le souvenir d’un stade rempli pour les Pharaons. Pour aller voir les autres équipes c’était la belle indifférence ! Il faudra du temps pour ramener le public dans les stades. Mais c’est à chaque pays de trouver son propre remède. Quand je vois des championnats réunissant 20, 18, voire 16 équipes, je me dis que certains n’ont pas encore compris.
Gérard Dreyfus
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