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Accra, décembre 1958 : pourquoi Lumumba et non Kasa-vubu ?
En 1958, 4 leaders congolais sont invités à prendre part à la conférence des Peuples Africains dont la tenue est prévue, du 5 au 13 décembre, à Accra, sous l’égide de Kwame Nkrumah, Président du Ghana et chantre du Panafricanisme. Patrice Lumumba, Joseph Ngalula et Gaston Diomi, cadres du Mouvement National Congolais (MNC) sont autorisés par le pouvoir colonial à s'y rendre, mais Joseph Kasa-Vubu est, par contre, empêché.
Cet incident est, pour certains, une faveur du pouvoir colonial à ses hommes, Patrice Lumumba en particulier, au détriment de Joseph Kasa-Vubu qui fait peur par ses revendications politiques. Beaucoup ignorent cependant que l’autorisation de sortie n’était gagnée d’avance par les trois leaders. C’est grâce à l’intervention d’un Père jésuite auprès de qui Jean Van Lierde recourt, que les trois invités précités obtiennent enfin une autorisation de voyager.
Quant à Joseph Kasa-Vubu, n’ayant pas pris le temps de se mettre en règle avec son certificat de vaccination, lequel ne peut alors lui être délivré non sans respect d' un certain délai, l’autorisation est difficile à obtenir. Selon son biographe, Charles-André Gilis, cet empêchement apparaît tel un hasard qui arrange bien les choses. Joseph Kasa-Vubu n’avait à cœur de se rendre à Accra pour deux raisons : fédéraliste, il n’a pas un discours à prononcer au milieu des panafricanistes prônant l’unitarisme national et, en plus, il a peur d’un espion dépêché à cette conférence par le pouvoir colonial.
Voici ce qu’écrit le biographe de Joseph Kasa-Vubu à ce sujet :
« Il (Kwame Nkrumah, NDLR) avait invité à Accra les leaders congolais qui lui avaient paru les plus engagés dans le mouvement de libération nationale, notamment Kasa-Vubu et Lumumba. Ce dernier s’était empressé de répondre à cette invitation mais Kasa-Vubu s’était montré beaucoup plus réticent. Certes, il n’avait pas refusé de partir pour Accra, mais ce voyage lui paraissait une aventure où il n’avait peut-être pas tout à gagner. Avait-il deviné que Lumumba et N’Krumah étaient faits pour s’entendre et pour contrecarrer peut-être ses desseins « fédéralistes » ?
Craignait-il qu’à Accra, la délégation congolaise apparaisse divisée ? Ou craignait-il la présence d’un autre congolais, M. Dericoyard, qu’il considérait comme un espion de l’administration coloniale ?....Kasa-Vubu aura beau jeu de dire que l’administration coloniale l’empêche de se rendre à Accra. Il fait ainsi d’une pierre deux coups : vis-à-vis de N’Krumah, il dispose d’une excuse habile ; vis-à-vis de l’opinion congolaise, il discrédite une administration qui le combat de toutes ses forces », cf. Kasa-Vubu au cœur du drame congolais, pp. 117-118.
Selon certains historiens, Joseph Kasa-Vubu perd, par cet empêchement, une occasion de rencontrer les leaders africains de tous les coins du monde, mais il connaît, depuis un certain temps et bien avant les autres leaders congolais, Kwame N’Krumah et son gouvernement.
« Kasa-Vubu est le seul leader connu par George Padmore qui au sein du gouvernement ghanéen apporte une aide financière à l’ABAKO depuis plusieurs mois », cf. Karine Ramondy, Les leaders assassinés en Afrique centrale, 1958-1961, pp.342-343 ; Thomas Kanza, The rise and fall of Patrice Lumumba-conflict in the Congo, p.49.
À Accra, Patrice Lumumba est impressionné par les leaders africains, Sékou Touré, Nyerer, Kaunda, Jomo Kenyatta, Tom Mboya, Modibo Keita, Roberto Holden, Félix-Roland Moumié, notamment Kwame N’Krumah . Il déroge aux consignes de modération données à ses compagnons par Henri Cornelis, Gouverneur général d'assister à cette conférence en "observateurs", et il prend la liberté de prononcer, le 11 décembre, un discours avec hauteur dans lequel il déclare que "Le Congo ne peut plus être considéré comme une colonie ni d'exploitation ni d'exploitation.
Son accession à l'indépendance est une condition sine qua non de la paix". Et N’Krumah le tient telle une révélation, l’homme sur qui compte pour l’avenir de l’Afrique et de son indépendance. Patrice Lumumba retourne à Léopoldville en Saül revenu de Damas. Son discours politique se radicalise.
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