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Niger : La Cédéao peut-elle engagée une intervention militaire sans le mandat du conseil de sécurité ?

24h après l'ultimatum fixé par la CEDEAO aux putschistes du CNSP ayant pris le pouvoir à Niamey, les spéculations vont bon train, notamment suite à la réunion des chefs d'état-major des pays membres de la CEDEAO à Abuja. Une intervention militaire de la CEDEAO au Niger dans un contexte géopolitique tendu pourrait être une entreprise complexe, marquée par de multiples défis.

Ressources militaires et logistiques

Parmi ces défis, la coordination entre les États membres de la CEDEAO, la mobilisation des ressources militaires et logistiques nécessaires, la gestion des relations avec les acteurs locaux et régionaux, ainsi que la prise en compte des enjeux politiques, économiques et humanitaires. La présence de groupes armés actifs dans la région et la situation sécuritaire volatile rendraient l'opération encore plus ardue. De plus, les contraintes du Droit international compliqueraient davantage la situation.

Cependant, la question se pose : la CEDEAO peut-elle entreprendre une intervention militaire au Niger sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU, garant de la paix et de la sécurité internationale ?

Autorisation préalable de l'ONU

En vertu des dispositions de la Charte des Nations Unies, notamment les chapitres VI et VII, et conformément à l'article 53-1, la CEDEAO est contrainte d'obtenir l'autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies avant d'entreprendre toute action coercitive. Le non-respect de cette démarche pourrait être interprété comme une agression contre le Niger, un État indépendant, ainsi qu'une ingérence dans ses affaires internes.

De ce fait, la CEDEAO ne peut pas mener une opération militaire régionale sans l'accord du Conseil de sécurité, car l'article 57 de la Charte des Nations Unies concerne les "accords régionaux" et énonce les principes du maintien de la paix et de la sécurité internationale. Cependant, il ne prévoit pas directement les bases du déclenchement d'une intervention militaire internationale. Pour engager une opération militaire régionale, la CEDEAO devrait saisir le Conseil de sécurité, qui, après délibération, pourrait donner mandat pour une telle opération si la paix régionale ou internationale est menacée et si toutes les voies de recours ont été épuisées.

Menace à la paix régionale et violent les droits de l'homme

Le chapitre VII de la Charte de l'ONU, en particulier les articles 39 à 51, établit les fondements légaux d'une intervention militaire internationale pour maintenir la paix et la sécurité mondiales. Cette intervention peut être autorisée par le Conseil de sécurité de l'ONU en cas de menace à la paix, de violation de la paix ou d'acte d'agression. La CEDEAO devrait démontrer que les putschistes à Niamey représentent une menace à la paix régionale et violent les droits de l'homme.

Malgré l'existence d'un protocole additionnel sur la défense collective au sein de la CEDEAO, cela ne permet pas à ses membres d'entreprendre une opération militaire dans un pays membre sans la résolution du Conseil de sécurité ou l'accord du pays concerné. La complexité de cette démarche est amplifiée par le contexte géopolitique tendu au Niger.

L'article 42 de la Charte des Nations Unies autorise le Conseil de sécurité à prendre des mesures militaires pour contraindre un pays à respecter ses décisions, pouvant inclure des sanctions économiques ou une intervention armée par une coalition internationale, sous mandat de l'ONU. De plus, l'acte constitutif de l'Union Africaine interdit l'usage de la force armée contre un État membre, sauf dans certaines circonstances spécifiques approuvées par la conférence des chefs d'État.

La légitime défense

Toute intervention militaire doit respecter le principe de légitime défense (article 51 de la Charte) ou être autorisée par le Conseil de sécurité après une évaluation minutieuse de la situation. De plus, le recours à la force doit être proportionné et viser à rétablir la paix et la sécurité internationales. Plusieurs États membres de la CEDEAO, dont le Mali, le Burkina Faso, la Mauritanie, la Guinée et l'Algérie, s'opposent à une intervention militaire au Niger. Ces pays redoutent que cela n'entraîne une escalade de la violence dans la région.

Les obstacles légaux et diplomatiques mentionnés précédemment rendent complexe une intervention militaire régionale au Niger. Les États membres de la CEDEAO doivent tenir compte de ces facteurs lors de toute prise de décision, privilégiant des solutions pacifiques et légales pour résoudre la crise et garantir la justice. L'utilisation de la force ne devrait être envisagée qu'en dernier recours, en accord avec le droit international et les principes de respect des droits de l'homme.

Par Rodrigue Fenelon Massala



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