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Comme Trump et Jair Bolsonaro, Tshisekedi sans langue de bois sur la lutte contre le Covid-19

Félix Tshisekedi a trusté l’audience nationale ces deux dernières semaines après avoir enchaîné des sorties médiatiques à Bunia, Goma et Kinshasa, notamment. Avec la presse nationale comme étrangère, le président congolais a passé en revue toute l’actualité du pays, souvent à ses dépens. Après avoir clamé l’innocence de son ancien directeur de cabinet condamné à 13 ans de prison au second degré, le président est surtout raillé pour avoir publiquement refusé de prendre le vaccin AstraZeneca pourtant admnistré à sa population avant d’affirmer qu’il ignorait son salaire. Depuis, sa cavalerie se mobilise : directeur de communication, porte-parole et alliés, on tente le va-tout pour retourner une opinion globalement « déçue ».

Faisant allusion aux incidents qui avaient poussé plusieurs pays européens à suspendre l’utilisation du vaccin suédo-britannique, Félix Tshisekedi qui a avoué que lui comme sa femme attendraient l’arrivée d’autres types de vaccin pour prendre leurs injections, a clarifié sa position. « Je dois avouer que moi aussi, avec toute la campagne qu’il a eu autour d’AsraZeneca, la suspension un certain moment par 11 pays de l’Union Européenne, nous a, un moment, fait douter. Le produit qui est arrivé ici a fait beaucoup parler de lui ».

Au premier trimestre, le Danemark, la France, la Belgique, entre autres, avaient remis en question le vaccin. Mais, la RDC avait finalement attendu jusqu’au 19 avril et l’avis préalable favorable du Comité de la riposte contre le Covid-19 pour lancer une campagne qui s’enlise. A l’entrée du troisième mois, un peu plus de 250 personnes seulement se sont fait vacciner sur une population de 80 millions d’habitants et ce, malgré des appels du gouvernement. Le chef de l’Etat lui ne se fait guère d’illusion. « Cela a eu comme impact de refroidir la population. Nous allons entamer une autre campagne ». Tourner la page de l’échec ! Car, même si le pays avait réceptionné 1,7 million de doses du vaccin, la méfiance des congolais va doubler.

La faute aux propos de Tshisekedi ?

Yvan Simweray est responsable au Nord-Kivu du parti politique Dynamique des Congolais Unis. Pour lui, la position du chef de l’Etat n’est qu’une indication qui doit être prise en compte. « Il a carrément exprimé sa méfiance, qui est partagée par la plupart des congolais face au vaccin AstraZeneca… Mais aussi ayant la connaissance que, face au nouveau variant delta, AstraZeneca s'avère être inefficace, le Président de la République a sagement appelé les services impliqués dans la vaccination en RDC à la prudence ».

De son côté, le directeur de la communication de la présidence, Eric Ngindu a insisté sur le caractère non obligatoire de la vaccination. « … le président a dit, personnellement que lui avait des doutes sur ce vaccin. Et sur le plan personnel, il attendrait que - et ça va se faire de manière imminente - l’arrivée en RDC d’autres lots de vaccins. À ce moment-là, quand il y aura une panoplie plus large, il se fera vacciner. Le vaccin, ce n’est pas une obligation légale, c’est une recommandation, chacun est libre de se faire vacciner ou pas », une précision qui risque d’annihiler les efforts de la riposte et du gouvernement qui ont vendu la nécessité de la vaccination au moment où le pays est confronté à la troisième vague de la pandémie, plus meurtrière. 

« En tant que garant de la nation, c’est trop grave pour Félix Tshisekedi de contester un vaccin qui est entré en RDC avec son accord. Il considère les congolais comme des cobailles,… Encore une fois la preuve de l’incompétence au sommet de l’Etat », déplore Janette Tshisawu, proche de l’ancien candidat Martin Fayulu qui ne laisse place à aucune spéculation. Qui plus est, en étant le président en exercice de l’Union Africaine, Tshisekedi n’est pas garant que pour les citoyens de son pays. De facto, sa position peut induire les comportements des millions d’africains par rapport à la politique de vaccination.

Or, dans le cadre du Mécanisme programme Covax mis en place par l’OMS au profit des 142 Etats à revenu faible, AstraZeneca/Oxford a été drainé sur le continent pour des dizaines de millions de doses. « J’ai bien fait de ne pas me faire vacciner », s’est contenté le président congolais alors que son gouvernement a invité le peuple à se faire vacciner. « De la haute trahison », peste Janette Tshisawu. Tshisekedi a-t-il alors pris la mesure de ses propos ? L’écho de son message a été acre. A sa décharge, il a dit ce que des millions de congolais pensent mais parallèlement, il discrédité non seulement AstraZeneca mais tout le processus de vaccination. A voir maintenant comment le pays réagira à l’« autre campagne » qu’il souhaite avec les divers autres vaccins dont Moderna, Spoutnik et Pfizer, probablement. 

Maghene Deba, Oeil d'Afrique



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