Culture


Littérature

Littérature : « Cadenas », l’ode à la fraternité de Ferréol Gassackys

Fin de partie ! L’homme politique - il est député de Poto-Poto dans le 3ème arrondissement de Brazzaville - et l’homme de culture - il a été commissaire général du FESPAM (Festival des musiques panafricaines) –, Ferréol Gassackys, entre définitivement dans le temple des belles lettres. Son dernier livre, « Cadenas » – un roman -, suivi de « L'Amitié, comme message central dans la littérature » - un Essai -, constitue un chant à la gloire de la fraternité, une valeur dont on a besoin de rappeler qu'elle est sinon capitale, du moins essentielle. La fraternité, du latin fraternitas, ne concerne-t-elle pas les relations entre frères, entre peuples, un lien qui, selon le Petit Larousse, renvoie à la « solidarité et l'amitié entre les êtres humains, entre les membres d'une société » ?

Le Franco-Congolais Abd al Malik nous prévient : « La foi, c’est être fraternel concrètement, dans ses amitiés, sa famille et savoir que notre destin est grand s’il nous est commun. » Dans son nouveau livre, un livre inédit puisqu’il comporte à la fois un roman et un Essai, le tout sur la fraternité, Ferréol Gassackys a bien compris la remarque. Chaque phrase de son livre est une invite à l’amour fraternel, le vrai, celui qui dure et qui, telle une « pierre précieuse, résiste aux plus durs métaux et dont la valeur s’accroît avec les années ». Retours en arrière époustouflants, précision des portraits, un sens aigu de la description, pertinence et profondeur des réflexions, justesse des images, clins d’œil à des bâtisseurs de monuments comme dans « Frikia, pèlerin des âges », « Cadenas » regorge d’idéalisme et la superficialité y est tenue à distance respectable du lecteur. Un livre de l’apesanteur, solaire, tant il irradie une énergie ininterrompue, sans laquelle la vie n’aurait aucun sens. Entre les sept personnages, le mot fraternité se décline en gémellité des actes et des paroles.

On ne ressort pas indemne de la lecture de ce livre inédit dans sa conception de 112 pages. Le sujet principal ? Le désir de vivre ensemble. Du moins avec ceux dont on partage les mêmes valeurs. « Comme l’Agora en Grèce antique ou les salons de rencontres entre les « bien-pensants » agrémentés de quelques troubadours et autres musiciens de chambre en Europe centrale au 18ème siècle, ou encore sous l’arbre à palabres africain où se transmettent par oralité toute une sagesse continentale et un savoir millénaire, les sept frères conversent en toute quiétude car ils sont convaincus que chacun y est en sécurité. Sans le faire exprès, et sans s’identifier aux écrivains et artistes, ils redonnent au mot « cénacle » sa définition du XIXè siècle, qui désignait un petit cercle d'écrivains et d'artistes rassemblés autour d'une figure charismatique, occupés à poser, à huis clos, les jalons de l'Art de demain. Ils recréent à leur manière les soirées d’Hugo, les Mardis de Mallarmé ou les Samedis de Leconte de Lisle et du Cercle des Nabis - une sociabilité de référence des écrivains et des artistes qui désirent fonder un mouvement, à la seule différence que nos frères sont à la fois des hommes de lettres et de culture générale. Ils ont pris l’image du cadenas, ce symbole ambigu tant il renvoie à une « union » qui se veut durable sans que l’on soit certain de sa pérennité... »

On l’aura compris, il s’agit de sept « frères » qui ont scellé une union durable, parce qu’ayant la même envie de vivre ensemble. Chacun est différent, mais c’est dans la différence qu’ils s’enrichissent. Et, en épigraphe, cette phrase de Saint-Exupéry comme pour nous rappeler que « si tu diffères de moi, frère, loin de me léser tu m’enrichis ». Ils se connaissent tellement bien qu’ils se font entièrement confiance, au point de « découvrir ensemble de nouveaux horizons, des horizons communs, alors que tout, au départ, les opposait ».

Évidemment, un tel sujet méritait quelques réflexions, analyses et illustrations, aussi l’auteur a-t-il eu l’idée d’adjoindre à son roman un Essai intitulé « L’Amitié, comme message central dans la littérature ». Cette partie, très érudite et documentée, aborde les différentes amitiés qu’ont eu à nouer dans l’histoire certains artistes, et pas des moindres. A l’image du lien tenace entre Montaigne et La Boétie, dont la rencontre a eu lieu à Bordeaux en 1558. Leur amitié est quasiment fusionnelle, hélas interrompue brutalement par la mort de La Boétie à l'âge de 33 ans ! Et Ferréol Gassackys de se poser une question légitime : « Sans cette amitié, puis le deuil, Montaigne aurait-il écrit les Essais ? »

Il va sans dire que Ferréol Gassackys a trouvé son registre littéraire. Ses trois romans, « Les hasards du destin », « Frikia pèlerin des âges », ainsi que « Cadenas » ont pour fil rouge l’amour de soi-même et de l’autre.

Cadenas, suivi de L'Amitié, comme message central dans la littérature, Editions Harmattan, 112 pages, 12,5 €



Culture