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RDC : La guerre du poulet surgelé repart à Kinshasa

En République démocratique du Congo, un contrôle des prix décrété par le gouvernement a divisé par deux le prix du poulet surgelé. Au risque de braquer les importateurs tout-puissants, et de ruiner l’agriculture fermière du pays

À bouillir ou à rôtir, entiers ou découpés, les poulets surgelés sont au cœur d’une bataille à Kinshasa entre les importateurs et le gouvernement congolais qui, au nom du pouvoir d’achat, a promis de casser les prix de produits de première nécessité.

La décision a été prise fin juin en Conseil des ministres : dorénavant, les prix des cartons de 10 kg de poulet seraient divisés par deux voire plus. Au rayon des surgelés, appelés « vivres frais » et très prisés des quelque 12 millions de Kinois, les poissons chinchards et côtes de porc sont eux aussi concernés, avec une baisse toutefois moins drastique. Les autorités affirment en effet avoir constaté après enquête que les importateurs pratiquaient des prix trop élevés, surtout au vu d’une situation socio-économique aggravée par la crise du Covid-19.

Or, pour se nourrir, la capitale n’a guère le choix : elle doit consommer importé, faute de production locale, selon un modèle économique qui ne date pas d’hier, puisque les premières importations de poulet congelé remontent aux années soixante.

« Le carton était à 42 000 francs congolais (21 dollars), là il est à 56 000 (28 dollars) », peste Maman Sandra, rencontrée au comptoir d’une « chambre froide » du marché populaire Gambela. Quand on lui demande pourquoi elle consomme habituellement des poulets surgelés venus du Brésil, de Belgique, d’Argentine, des États-Unis, de Chine ou d’ailleurs, conservés dans des conditions parfois aussi aléatoires que l’alimentation électrique du pays, Sandra répond que c’est plus pratique que les poulets vivants, qu’il faut tuer et plumer. En plus ils sont généralement moins chers.

À quelques allées de là, Maman Émilie gère fièrement son petit étal de poules blanches et rousses à l’œil vif. Les prix vont de 15 000 à 20 000 FC (7,5 à 10 dollars). Elle ne se plaint pas, mais les clients ne se bousculent pas.

Grossistes et détaillants se renvoient la balle

Pour Hugues, gérant d’une chambre froide : « Le problème, c’est la pratique. Les importateurs sont libanais, indiens… ils tiennent le marché. Les grossistes ne veulent pas baisser les prix, nous ne pouvons pas le faire non plus », constate-t-il. Refusant d’assumer la responsabilité du blocage, les chambres froides ont fait grève pendant deux jours début septembre.

Après des semaines d’impasse, le gouvernement vient de se donner un mois et demi pour « inonder » le marché de surgelés. Il compte s’approvisionner directement auprès des exportateurs pour ensuite redistribuer les produits aux chambres froides congolaises, pour éviter toute rupture de stock.

Professeur de sciences politiques et gouvernance, Michel Bisa Kibul estime quant à lui que l’approche du gouvernement, au-delà des discussions mal engagées sur la fixation des prix, pose un problème de fond. « Son souci devrait être d’avoir de bons produits locaux », de soutenir l’agro-industrie congolaise plutôt que d’inonder le marché « de produits surgelés à bas prix ». Un gâchis, selon lui, alors que la République démocratique du Congo dispose de 80 millions d’hectares de terre arable et de nombreux cours d’eau regorgeant de poissons.

Oeil d'Afrique avec AFP



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