ÉconomieTogo

Ayité Ajavon : « Africube est une alternative saine aux cubes industriels chimiques »

Lancée en 2017, le bouillon culinaire, Africube réussi le pari de faire changer les habitudes alimentaires des africains. Fondateur de la société AHOENOU, Ayité Ajavon est celui par qui est venu l’idée de rappeler à nos papilles les saveurs du manger naturel, des produits frais, riches comme l’Afrique en regorge. Prix spécial du jury du concours NeoFarming Africa, Africube se veut être une alternative saine face à la concurrence. 

Oeil d'Afrique : Parlez nous de vous. De quelle formation êtes-vous issu ?

Ayité Ajavon : Je n’ai pas de formation à proprement dit. J’ai eu mon bac en France et ensuite j’ai migré aux USA ou j’ai enchainé des boulots divers dans la restauration, l’évènementiel et le commerce. Mais c’est vraiment cette expérience américaine qui a forgé mon esprit entrepreneurial. 

Ensuite de retour en France, je suis rentré dans le monde de l’informatique en devenant consultant en système d’informations en autodidacte pour différents groupes français (TOTAL, BNP Paribas, Société Générale). C’est dans ce cadre que j’ai acquis une forte expérience en gestion de projets (certifié PRINCE2), pilotage de chantier, gestion d’équipes et amélioration continue du service (certifié ITIL).

Aujourd’hui je me définis comme un entrepreneur militant engagé dans l'affranchissement économique de l'Afrique ayant pour objectif de participer à l'atteinte de l'autosuffisance alimentaire du continent via, notamment, la transformation agro-alimentaire et la valorisation de nos denrées.

Vous êtes sur un marché concurrentiel avec un géant comme Maggi et toutes les autres marques importées en Afrique. Quels sont les principaux atouts de votre bouillon ?

Notre bouillon a cette spécificité d'être un produit local et surtout authentique. Africube est issu de l'agriculture africaine et fabriqué à partir d'ingrédients locaux plus adaptés à nos habitudes de consommation. Nous proposons l'unique bouillon de cuisine 100% naturel (sans élément chimique ni glutamate). Africube est une solution une alternative saine, locale et abordable aux cubes industriels chimiques importés (seuls présents sur le marché actuellement). 

Comment analysez-vous les enjeux du secteur de l’industrie agroalimentaire africain ?

De mon point de vue, la problématique principale à résoudre est le risque du recours croissant aux importations pour assurer la sécurité alimentaire de nos populations, notamment celle des grandes villes. Elle engendre la création d’une dépendance et donc un frein vers l’objectif d’autosuffisance et de sécurité alimentaire.

Au Togo, elle contribue aussi à la concurrence des produits locaux par des produits de moindre qualité importés à bas prix ; ce qui constitue une contrainte pour le développement du secteur agricole. Dans ce contexte, les acteurs du secteur de l’industrie agroalimentaire africain doivent pouvoir répondre à la question primordiale des attentes des consommateurs urbains vis-à-vis de leur alimentation. 

Le rôle du secteur agroalimentaire est donc de pouvoir couvrir les besoins en produits comestibles de ces consommateurs et en particulier à leurs besoins en produits alimentaires transformés. De plus, le recours aux importations étant devenu plus coûteux (crise sanitaire mondiale COVID-19), l’enjeu est donc la reconquête des marchés urbains par les produits locaux.

Quelles sont les qualités indispensables pour travailler dans le secteur de l’industrie agroalimentaire ?

À mon sens, il faut être extrêmement structuré, rigoureux et organisé et avoir une équipe dévoué, motivé et compétente autour de soi. Il faut aussi être polyvalent et développer des compétences dans les domaines aussi divers que l’agronomie, la mécanique, la nutrition ou les systèmes de gestion de la qualité.

Quel conseil donneriez-vous à un consommateur pour une meilleure alimentation ?

Nous recommandons au consommateur de privilégier les circuits courts en consommant local et naturel, de privilégier les condiments, épices, céréales, légumes et fruits locaux. L’Afrique regorge de produits nutritifs sains et accessibles qui sont délaissés au profit de produits importés ultra transformés de médiocre qualité.

Car aujourd’hui, nous faisons face à un réel problème de santé publique avec ces bouillons commercialisés qui contiennent tout ce qui est contre-indiqué pour les maladies cardiovasculaires. Ils sont issus d’un processus industriel recherché et contiennent une énorme quantité de sel (plus de 50% !) et du glutamate (exhausteur de goût artificiel favorisant l’obésité). Ils contiennent aussi des arômes artificiels, produits synthétiques et autres additifs alimentaires. 

Quels sont les facteurs clés de réussite d’une entreprise comme la votre ?

En amont, Il faut déjà analyser correctement le marché et comprendre le besoin afin de pouvoir le satisfaire. Ensuite pour réussir et durer, il faut être capable d’intelligence économique, c’est çà dire, être capable de capter de l’information stratégique qui va vous servir à prendre des décisions vous permettant de prendre un avantage concurrentiel.

Enfin, pour sortir son épingle du jeu, votre entreprise doit créer un produit ou service innovant et concurrentiel.

Au-delà du marché togolais, l’international semble vous tendre les bras. Cette stratégie n’est pas précipitée puisque votre produit commence tout juste à réellement entrer dans les cuisines togolaises ?

Notre stratégie de croissance et d’expansion s’effectue en deux temps. D’abord, renforcer notre disponibilité sur toute l’étendue du territoire togolais et accentuer notre présence commerciale en gagnant des parts de marché significatives sur nos concurrents afin de devenir un véritable champion local. Et pour ce faire, tous les investissements de ces deux prochaines années seront tournés vers le Togo.

Dans un second temps, nous allons accéder et pénétrer les marchés sous régionaux, notamment le Burkina Faso, le Bénin, la côte d’Ivoire et le Sénégal avant de nous attaquer plus globalement à la zone CEDEAO forte d’environ 350 millions d’habitants.

Vous avez vécu une grande partie de votre vie en France. Comment décririez-vous votre retour au pays et votre expérience entrepreneuriale ?

Au niveau personnel, le retour au Togo s’est très bien passé et c’est une grande joie de vivre au pays. Professionnellement parlant ça s’est aussi globalement bien passé même si les débuts ont été difficiles. 

J’ai eu à rencontrer des difficultés à introduire le produit dans les marchés et le faire adopter par les consommateurs qui sont toujours dépendants des cubes chimiques. N’ayant pas les moyens d’organiser une campagne d’information et de sensibilisation sur les bienfaits du consommer local et naturel, j’ai eu du mal à faire décoller les ventes.

Par contre au niveau de la création et l’installation de la société, cela a été facile car au Togo, les démarches sont vraiment facilitées grâce notamment au guichet unique qui permet de créer sa société en 24h.

Comment avez-vous élaboré, obtenu votre financement ? Avez-vous bénéficié d’une aide de l’état togolais ?

J’ai démarré avec mes fonds propres, ensuite j’ai un ami qui a injecté du capital et est devenu mon associé. J’ai aussi bénéficié fin 2018 d’un financement d’institutions étatiques (FAIEJ et ANPGF) qui, malgré le fait que je ne rentrais pas dans les conditions, m’ont fait confiance et m’ont accordé un prêt qui nous a permis de nous développer. 

Je dois dire qu’au Togo, il y a une réelle volonté politique comprenant de nombreux programmes gouvernementaux qui vise à la promotion de l'entrepreneuriat et de la consommation locale conformément au deuxième axe du PND visant le développement industriel dans des secteurs créateurs de valeur ajoutée et significativement tournés vers l'exportation (agrobusiness, manufacture) et la satisfaction de la demande interne.

Que diriez-vous au jeune de 20 ans que vous étiez rêvant d’un retour au pays ?

Je lui dirais d’économiser bien plus que je ne l’ai fait moi !

- - - -

Propos recueillis par Roger Musandji Nzanza

Ils font l’actualité