Interview
InfrastructuresRDC
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : « sauvons le projet de port en eaux profondes à Banana dans le Kongo Central »
Le projet de construction d’un port en eaux profondes dans la commune de Banana en République Démocratique du Congo est revenu devant le conseil des ministres du 11 septembre 2021 en vue de la résolution des éventuels points d’achoppement par les deux parties du contrat de concession. Lors du dernier conseil des ministres du 3 décembre dernier, le président Félix Tshisekedi a demandé à Christian Mwando, ministre d’État et ministre du Plan, d’apprêter le dossier relatif au projet Pont route-rail Kinshasa-Brazzaville. Ce, pour un dépôt urgent au Parlement en vue de parvenir à la ratification de l’Accord sur la construction dudit édifice et de permettre ainsi « aux bailleurs de fonds de décaisser les moyens nécessaires pour le début des travaux ». Le coût estimatif de la construction de cet ouvrage s'élève à 550 millions USD. La demande présidentielle a fait sortir de leurs gonds quelques notables Ne Kongo de la diaspora, comme Gaspard-Hubert Lonsi Koko et Charlie Mingiedi Mbala.
Œil d’Afrique : Que reprochez-vous, en tant que Ne Kongo, au chef de l’État sur la gestion du projet de construction du Pont route-rail Kinshasa-Brazzaville ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Que les choses soient claires. Nous ne sommes pas hostiles à l’éventualité de la construction d’un édifice pouvant relier les villes de Kinshasa et de Brazzaville. Nous sommes seulement surpris par le changement d’attitude du président Tshisekedi par rapport à la promesse qu’il a faite aux élus et notables du Kongo Central en août 2020. Je le cite : « Je n’avancerai pas sur ce projet dans l’érection du port en eaux profondes de Banana. »
Nous nous inquiétons à juste titre. La version révisée de la convention initiale du projet de port en eaux profondes de Banana, signé en 2018 entre le groupe émirati DP World Africa Logistics NV (DP World) et l’ancien chef d’État Joseph Kabila, a expiré le 23 mars 2020. À ce jour, le dossier n’a même pas été évoqué en Conseil des ministres. Nous sommes très étonnés par la volte-face du chef de l’État, laquelle s’apparente au non-respect de la parole donnée. Devrons-nous comprendre qu’il a préféré privilégier les intérêts étrangers aux détriments du développement économique de la RDC ?
Que voulez-vous dire, plus précisément ?
La réalité est que la construction du pont entre Kinshasa et Brazzaville comporte de nombreuses conséquences, sur le plan économique. Primo, cela portera gravement préjudice non seulement au projet de construction de port en eaux profondes de Banana, mais aussi à la réhabilitation des ports de Boma, de Matadi et de Kinshasa au profit du port de Pointe-Noire. Pis encore, les marchandises en provenance de Pointe-Noire pour Kinshasa coûteront plus cher en taxes douanières que s’ils passent directement par les ports du Kongo Central. Secundo, le chemin de fer Kinshasa-Matadi risque ne plus être rentable. Tertio, c'est tout un pôle économique qui, dans l’Ouest de la RDC, qui sera sacrifié.
Sachant que la réalisation du futur port autonome de Banana ne prendrait que deux années à partir du début des travaux prévus en mars 2021, nous ne comprenons pas les vraies raisons de son classement dans le tiroir du ministère du Plan.
N’est-ce pas une excellente chose, sachant que ce pont participera du désenclavement de la RDC ?
Ce désenclavement se fait déjà par les échanges commerciaux entre le beach Ngobila et celui de Brazzaville. Le pont ralentira plutôt les activités en cours. Par ailleurs, ce projet socioéconomique du Kongo Central pourra générer 2 000 emplois directs et des milliers d’autres emplois indirects aux populations de cette province. Il apportera des marchés aux sociétés de sous-traitance, en plus des impôts et taxes que l’État prélèverait autour de l’ensemble de ces opérateurs commerciaux. En plus, Le port en eaux profondes de Banana a déjà été inscrit dans le budget 2020.
Comment comptez-vous vous y prendre pour pousser le gouvernement à honorer ses engagements ?
À l'initiative de quelques acteurs politiques Ne Kongo, Charlie Mingiedi Mbala a déposé une pétition sur le site Internet « change.org » que l’on peut signer à l’adresse ci-contre : https://chng.it/XY8C8rv8. Je tiens à rappeler que si cette démarche a été entreprise par des acteurs de la société civile et des structures politiques du Kongo Central, elle revêt un caractère national dès lors qu’un port de l’Ouest du pays représente la porte d’entrée, à moindre coût, pour les produits à destination de Kinshasa et de toutes les régions de la RDC.
Propos recueillis par Roger Musandji Nzanza
Interview
Suivre Oeil d'Afrique