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Cedeao vs Juntes : la realpolitik a fini par l’emporter

Réunis, samedi à Abuja, en sommet extraordinaire, les chefs d’Etat de la Cedeao ont levé les sanctions contre le Niger. La Guinée, le Mali et Burkina Faso ont aussi bénéficié de l’assouplissement de certaines restrictions qui les frappaient.

La realpolitik a fini par l’emporter au sein de la Cedeao. Le sommet extraordinaire des chefs d’Etats d’Abuja au Nigeria, tenu ce 24 février, a débouché sur la levée des sanctions imposées au Niger depuis le coup d’Etat du 26 juillet dernier. Cette décision marque la fin de la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la Cedeao  et le Niger. Elle signe également la mort de l’interdiction de survol de l’espace aérien nigérien des vols commerciaux au départ comme à l’arrivée de Niamey. Les transactions commerciales et financières et les services publics entre le Niger et les autres Etats membres de la Cedeao vont reprendre. La Cedeao a aussi mis fin au gel des avoirs du Niger. La suspension du pays de toute aide financière et transactions avec toutes les institutions financières, a été levée. 

Survie de la Cedeao

De sa menace d’une intervention militaire pour restaurer Mohamed Bazoum dans ses habits de chef d’Etat du Niger, en passant par ses mesures draconiennes prises au lendemain du putsch, la Cedeao s’est rendue compte de l’impopularité de ses décisions pour faire plier la junte nigérienne. A l’arrivée, les décisions de la Cedeao ont semblé se retourner contre l’organisation elle-même, qui jouait sa survie sur cet épineux dossier nigérien. Surtout que le Niger qui s’est associé au Mali et au Burkina a claqué au même titre que ces derniers, la porte de la Cedeao pour créer l’Alliance des Etats du Sahel (Aes). Cette alliance fait baver des salives aux Etats du Maghreb comme le Maroc et l’Algérie, sans compter les Russes et d’autres pays d’Amérique latine et d’Asie, qui entrevoient des opportunités d’étendre leur empire économique. 

Les yeux doux faits à Ouagadougou et Bamako

Une autre affaire que la Cedeao a mise sur la balance pour changer de fusil d’épaule, ce sont les projets que déroulent la Banque d'investissement et de développement de la Cedeao (Bidc) et la Banque ouest africaine de développement (Boad) au Niger, au Burkina et au Mali. Ensemble, ils représentent une enveloppe financière d’un peu moins de 321.634.253 milliards de dollars Us que la Cedeao entend préserver. En décidant de lever les sanctions contre le Niger, la Cedeao fait également les yeux doux à Ouagadougou et Bamako pour espérer les ramener tous dans son giron.  D’ailleurs, les chefs d’Etat ont décidé de lever les restrictions au recrutement des citoyens du Mali à des postes professionnels au sein des institutions de la Cedeao.  

Exit le langage martial, place au dialogue

Le cas de la Force en attente de la Cedeao a été aussi évoqué. Elle permettra d’appuyer le Niger, le Burkina et le Mali dans leur lutte contre le terrorisme. D’ailleurs, la Cedeao annonce, «dans les plus brefs délais» une réunion des ministres des Finances et de la Défense des pays membres «pour proposer des modalités de financement et d'équipement» de cette force.  Désormais, le langage militaire ne semble plus avoir sa place dans le vocable de la Cedeao. Aujourd’hui, l’organisation exhorte Ouagadougou, Niamey et Bamako «à recourir au dialogue, à la négociation, et la médiation pour répondre à leurs préoccupations». Pour couronner le tout, les sanctions financières et économiques contre la Guinée ont été aussi levées.  

Maintenant, la balle est dans le camp des juntes.

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