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Kemi Seba, l’activiste que la France veut réduire au silence

Kemi Seba, figure emblématique du panafricanisme contemporain, a une nouvelle fois été frappé par la répression d’une France qui n’a jamais renoncé à imposer son joug sur les leaders africains opposés à son néocolonialisme. Son arrestation le 14 octobre par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), sur des accusations aussi graves qu’imprécises d'« intelligence avec une puissance étrangère », en dit long sur l’état des relations franco-africaines. Juan Branco, son avocat, dénonce une tentative claire de museler un homme devenu trop dangereux pour les intérêts français en Afrique de l’Ouest.

Une arrestation aux relents politiques

Ce qui choque dans cette affaire, c’est la brutalité avec laquelle les autorités françaises ont agi, démontrant une volonté implacable de neutraliser un activiste qui ne cache pas ses engagements. Kemi Seba, de son vrai nom Stellio Gilles Robert Capo Chichi, n’est pas un inconnu dans les cercles de la contestation. Sa dénonciation farouche de la « Françafrique » et des réseaux néocoloniaux a fait de lui une cible privilégiée pour ceux qui, dans les hautes sphères du pouvoir, veulent préserver le statu quo.

Son interpellation, alors qu’il était porteur d’un passeport diplomatique nigérien, suscite des interrogations légitimes. À quel moment être en possession de ce type de document est-il devenu un crime en France ? Surtout lorsqu’on connaît le rôle actif que joue Kemi Seba dans la réaffirmation de la souveraineté des pays africains.

L’accusation d'« intelligence avec une puissance étrangère » reste floue, mais la manœuvre politique est limpide. En pointant du doigt ses liens avec des acteurs étrangers tels que la Russie ou le Venezuela, Paris tente de fabriquer un récit où l’activiste deviendrait un « pion » au service d’intérêts extérieurs. Mais qui a donné à la France l’autorité de dicter à l’Afrique ses relations géopolitiques ? Comme le souligne Juan Branco, il est absurde de reprocher à Kemi Seba ce qu’il a toujours clamé haut et fort : ses partenariats stratégiques avec des nations qui partagent une vision d'émancipation pour l'Afrique. Loin de conspirer en secret, il œuvre pour la liberté de son continent.

La peur d’une Afrique libre et déterminée

Si Kemi Seba fait tant peur à l’État français, c’est parce qu’il incarne cette nouvelle génération d’Africains qui refuse l’héritage asservissant de la colonisation. Un homme qui, malgré ses controverses passées, sait mobiliser les foules. Son influence, à travers son ONG Urgences panafricanistes, s’étend au-delà des frontières béninoises et touche la jeunesse africaine, avide de rupture avec les systèmes politiques corrompus et inféodés à l’Occident. Depuis son engagement aux côtés de la junte nigérienne et ses critiques acerbes envers la politique néocoloniale de Paris, il est devenu une épine dans le pied du pouvoir français.

Ce n’est pas un hasard si l’arrestation de Kemi Seba survient dans un contexte où la France est en pleine débâcle en Afrique. Après la perte d’influence au Mali, au Burkina Faso, et plus récemment au Niger, Paris tente de reprendre la main en s’attaquant aux voix dissidentes qui contestent son hégémonie. La répression de Kemi Seba, qualifiée par son avocat de « vengeance politique », est une manœuvre désespérée pour freiner l’élan d’un panafricanisme qui prend de plus en plus d’ampleur.

Wagner, la nouvelle excuse pour tout justifier ?

Les liens de Kemi Seba avec la Russie et le groupe Wagner, révélés par certaines enquêtes, sont brandis comme un étendard pour justifier son arrestation. Pourtant, quiconque suit les dynamiques actuelles en Afrique sait que la Russie est perçue par beaucoup comme un contrepoids nécessaire à l’ingérence occidentale. Si Kemi Seba collabore avec Wagner ou toute autre entité russe, c’est avant tout dans un cadre de défense des intérêts africains face aux exactions répétées de l’Occident.

Mais là encore, l'hypocrisie française atteint des sommets. Pourquoi Paris, qui n’a jamais hésité à soutenir des régimes tyranniques ou à collaborer avec des mercenaires lorsqu'il s'agissait de protéger ses intérêts, s'offusque-t-elle aujourd'hui des relations entre un activiste africain et des puissances extérieures ? Ce double standard est une insulte à l'intelligence des peuples africains.

Vers une nouvelle ère de répression ?

Avec Kemi Seba en garde à vue, la France ne cherche pas seulement à réduire au silence un homme. Elle envoie un message clair à tous ceux qui, en Afrique, osent se lever contre l’ordre établi : la rébellion sera punie. Mais cette répression est-elle le signe d’une victoire ou d’un aveu de faiblesse ? La montée du sentiment antifrançais sur le continent prouve que les méthodes coloniales de la répression ne fonctionnent plus. Seba est aujourd’hui bien plus qu’un activiste isolé. Il est devenu un symbole de la lutte pour une Afrique libre de choisir ses alliances et son destin.

Alors que Paris persiste à traiter ses détracteurs africains comme des criminels, l’Histoire jugera ces actes. L’arrestation de Kemi Seba ne marque pas la fin du panafricanisme, bien au contraire. Elle rappelle à tous que le combat pour l’autodétermination de l’Afrique est loin d’être terminé, et que ceux qui, comme lui, défendent cette cause paieront le prix fort pour leur audace.

Oeil d'Afrique



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