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Burkina Faso

L’est du Burkina Faso retombe sous la coupe des djihadistes

L’étau s’est resserré sur la forêt de Tapoa-Boopo, à 300 kilomètres de la capitale. Dans l’est du Burkina Faso, des dizaines de villages seraient passés sous l’emprise de groupes armés, selon des sources sécuritaires. L’État a déserté, les terroristes dictent leur loi , témoigne par téléphone un habitant de Nassougou.

Conseiller, fonctionnaires, gardes-forestiers… Tous ont fui , affirme ce dernier, réfugié avec femme et enfants à Fada N’Gourma, le chef-lieu de la région. Ceux qui restent vivent la peur au ventre .

Plus d’un an après une vaste opération de l’armée burkinabée, en mars 2019, les djihadistes ont regagné du terrain dans cette région peu peuplée. "Les autorités pensaient l’avoir « nettoyée ». En fait, un certain nombre de terroristes avaient fui en traversant la frontière. Le jeu du chat et de la souris… ", explique une source sécuritaire.

Axes minés, pistes impraticables, embuscades… La région est difficile d’accès pour les forces de sécurité. On les appelle, mais ils ne viennent plus, nous sommes livrés à nous-même , s’attriste un vieil homme, reclus dans un village voisin. Ce week-end, cinquante personnes, civils et militaires, sont mortes dans deux attaques sur un marché de Kompienga à l’est et contre un convoi au nord.

Les djihadistes mettent à profit le faible maillage sécuritaire et leur maîtrise de la zone pour infiltrer la population. À Nassougou, un drapeau noir (de l’État islamique) aurait été planté à l’entrée du village et l’école servirait de base , selon plusieurs témoins. "Les terroristes bastonnent ou exécutent ceux qui ne respectent pas la charia. Les femmes doivent porter le voile, certaines sont même enlevées et violées" , rapporte un habitant.

Face à cette vacance de l’État, les populations se retrouvent prises "entre le marteau et l’enclume" . "Si vous restez, vous êtes obligés de vous allier aux terroristes si vous voulez survivre, mais si l’armée arrive… ", pointe ce dernier.

L’armée accusée d’exactions

Les critiques se multiplient contre l’armée, accusée de multiples bavures », ces derniers mois, lors d’opérations antiterroristes. Le 11 mai, douze suspects ont trouvé la mort [dans leur] cellule à Tanwalbougou, dans l’Est, selon le procureur de Fada N’Gourma, qui a ouvert une enquête. "Ces personnes ont été exécutées de manière systématique, mon cousin a été abattu d’une balle dans la tête" , dénonce Aziz Diallo, parent d’une victime et député-maire de Dori (Sahel), qui a assisté à l’inhumation dans une fosse commune le 13 mai.

L’ONG Human Rights Watch exige l’ouverture d’une enquête indépendante. À l’issue d’une session du Conseil supérieur de la défense nationale, le 23 mai, le président Roch Marc Christian Kaboré a promis que "des décisions seraient prises sans état d’âme" et a appelé à "éviter la stigmatisation et le repli identitaire" . Car la colère et la défiance montent.



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