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Coronavirus : comment réagissent les églises évangéliques ?
De grandes églises évangéliques en Amérique latine ou aux États-Unis ne cachent pas un profond scepticisme face à la réalité de l'épidémie et veulent continuer à assurer les rassemblements religieux, malgré les risques. Quelle est l'attitude de ces mouvements évangéliques en Afrique, notamment en RDC, face au virus ? Éléments de réponse.
Les portes sont bien closes. La grande église évangélique Philadelphie de Kinshasa est fermée. Pas de culte ! Pas de chants ! Finie la proximité entre les fidèles. Le pasteur ne touchera plus le visage des disciples en prononçant cette fameuse phrase : « Dieu guérit ». Ces églises évangéliques rassemblent chaque dimanche des milliers de fidèles. Mais elles restent fermées, respectant les consignes édictées par le gouvernement.
Les grandes églises évangéliques respectent les consignes
Les rassemblements religieux sont interdits dans le pays jusqu’à nouvel ordre. Ce respect des consignes par le monde évangélique ne se limite pas seulement à Kinshasa. Il semble être suivi dans de nombreuses structures évangéliques du continent, là où les gouvernements ont demandé ou ordonné de plus aller au culte le dimanche.
Certaines restent réfractaires. C’est le cas de la mégachuch nigériane, Living Faith World Outreach Ministries, du pasteur David Oyedepo, non loin de Lagos. Le chef religieux a défié les autorités du pays, qui interdisent tout rassemblement religieux, en organisant un culte avec plusieurs milliers de fidèles, le 22 mars dernier. Le pasteur assurait qu'un remède serait trouvé d'ici une semaine contre le Covid-19.
Mais son cas reste minoritaire pour Jean-Pierre Dozon, anthropologue, spécialiste de la question religieuse sur le continent, chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). "Sur le continent la majorité des très grandes églises évangéliques jouent le jeu. Elles suivent les consignes gouvernementales et d’ailleurs communiquent dans ce sens."
Cette attitude face au virus n’était pas actée selon Bob Kabamba, professeur de sciences politiques à l’université de Liège. « On voit que de grands mouvements évangéliques notamment en Amérique latine ou en Amérique du Nord ne croient pas aux mesures de confinement ou aux interdictions des rassemblements. Seul Dieu guérit ! Force est de constater que les grandes églises évangéliques africaines n’ont pas suivi cette contestation et notamment en République démocratique du Congo, l’un des principaux pays du monde évangélique en Afrique. »
L’Église universelle du royaume de Dieu, l’un des principaux mouvements évangéliques néopentecôtistes au Brésil, estime que le coronavirus n'est pas une réalité. "Sa branche africaine, en Côte d'Ivoire, ne suit pas le scepticisme de l'église brésilienne", note par exemple Jean-Pierre Dozon. Pourquoi ? Les raisons sont multiples.
Un précédent : Ebola
Certains pays ont connu déjà les conséquences d'une épidémie. C'est le cas en RDC avec le virus Ebola. "Des pasteurs ont défié le virus en maintenant des cultes. Certains sont tombés malades, d'autres sont morts. Dieu à lui seul ne prévient pas du virus. Et aujourd’hui en RDC, ces pasteurs évangéliques ont appris avec cette épidémie la mesure et la prudence. L’expérience de l’épidémie a changé beaucoup de comportements", estime Bob Kabamba.
Les églises proposent désormais des cultes en direct sur les réseaux sociaux et relaient les discours de prudence et de prévention des autorités notamment ceux du docteur Jean-Jacques Muyembe, chargé de coordonner la lutte contre le virus dans le pays, selon Bob Kabamba.
Jean Pierre Dozon avance d’autres raisons, notamment dans les pays d’Afrique de l’Ouest. "Le paysage religieux en Côte d’Ivoire, par exemple, est pluriel. L’islam joue le jeu et suit les consignes des autorités. L’Eglise catholique a fermé ses églises. Et les grandes églises évangéliques ne pouvaient pas faire autrement", avance l’anthropologue. Le pays, comme la RDC, a interdit les rassemblements religieux.
"En Afrique de l’Ouest, les grandes églises évangéliques sont en quête de respectabilité. Elle veulent montrer leur sérieux et leur adhésion à la lutte contre le virus en est un gage", ajoute Jean-Pierre Dozon.
L'enjeu n'est pas seulement sanitaire. Il est institutionnel. "L’Etat en Côte d’Ivoire écoute les imams et la hiérarchie catholique. Ce n’est pas le cas pour ces grandes églises évangéliques qui ont une demande de reconnaissance", note Jean Pierre Dozon. "Ce monde évangélique veut pouvoir être écouté par le gouvernement ivoirien", estime ainsi l’anthropologue. C'est pourquoi elles suivent scrupuleusement les consignes sanitaires.
Quid des plus petites églises ?
Des grandes églises évangéliques jouent le jeu mais qu’en est-il des plus petites structures ? "Le monde évangélique en Afrique est structuré par ces grandes églises, les assemblées de Dieu. Mais en dessous on trouve effectivement une multitude de petites églises fondées par des hommes charismatiques, autoproclamés pasteurs. Ces églises rassemblent quelques dizaines de fidèles. On les trouve par exemple à Abidjan dans des entrepôts désaffectés et ceci sur des rues entières. Respectent-elles les consignes gouvernementales ?", s’interroge Jean-Pierre Dozon.
Ces églises dépendent de la "dime" pour assurer leur financement. Chaque fidèle doit verser en théorie 10% de ses revenus à l’église et au pasteur. Comment faire pour continuer à financer le pasteur et la communauté religieuse en période d’interdiction de rassemblements ?
La grande église évangélique Philadelphie de Kinshasa a posté sur YouTube son culte dominical, avec cette conclusion: "Bien aimés, nous vous rappelons que les donations peuvent être faites par les canaux électroniques habituels", via des comptes bancaires, des paiements par téléphonie mobile, ou "notre application mobile".
Les petites structures ont-elles de tels moyens de collecte ? "On a en RDC des exemples de rassemblements de dix personnes avec un pasteur, notamment en appartement. Ces cérémonies dites d’intercession permettent de récolter des dons", décrit le professeur en sciences politiques Bob Kabamba. "Le pasteur qui a fondé sa petite entreprise spirituelle fait vivre des familles et donc il faut assurer le maintien des revenus. C’est quelque fois difficile dans ces cas de ne pas pouvoir se rassembler et de respecter les interdictions", estime pour sa part Jean-Pierre Dozon.
Les églises évangéliques semblent faire preuve de légitimisme et souhaitent suivre les recommandations du pouvoir en place. C’est ce que décrit Bob Kabamba. « Au Burundi, la présidence n’a pas interdit les rassemblements religieux. Les cultes sont maintenus. Au Rwanda les mesures sont beaucoup plus strictes. Les rassemblements publics y sont interdits et comme en RDC, les grandes structures évangéliques suivent les décisions du pouvoir.»
Avec Agences
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