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CongoInterview
Entretien avec Christian MUHIRE « Pour le maintien du statut de réfugié aux Rwandais au Congo »
Le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés a annoncé la fin du statut de réfugié pour les Rwandais. Cette mesure qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2018 est critiquée par l’association SiSTEME qui trouve que de graves risques pèsent sur la vie des Rwandais s’ils sont forcés au rapatriement.
Entretien réalisé par Abdoulaye Diallo.
Quels sont les risques liés aux rapatriements forcés de réfugiés rwandais au Congo ?
Tout d'abord, je dois signifier que les réfugiés rwandais au Congo n'ont pas fui le Rwanda pour des raisons économiques. Chaque jour, nous apprenons des cas de disparitions ou d’emprisonnements et l'essence du droit de l'homme bafoué à l'égard de tous ceux qui ne partagent pas la vision du pouvoir en place à Kigali. Du coup, nous sommes persuadés que la cessation du statut de réfugiés et le rapatriement forcé au Rwanda ne présagent rien de positif.
Les réfugiés rwandais ont fui les massacres perpétrés dans l’est du Congo par l’APR et les forces de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) entre juillet 1996 et juillet 1998, tels que décrit dans le Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo. Donc, ces réfugiés que la communauté internationale a, une nouvelle fois, failli à protéger, sont non seulement les survivants de ces massacres mais en sont également les témoins. Vu que la responsabilité de l’APR a été établie dans ce rapport, on ne peut pas considérer aujourd’hui que tout est rentré dans l’ordre au Rwanda pour y renvoyer ces réfugiés. Nous voulons que les réfugiés rwandais qui ne veulent pas rentrer au Rwanda soient protégés.
Avez-vous attiré l'attention du HCR sur les dangers auxquels s'exposeraient vos compatriotes dès leur retour à Kigali ?
Notre association a écrit au HCR, nous n’avons pas eu de réponse. Les réfugiés eux-mêmes ont interpellé le HCR à Brazzaville sous forme de pétition. La pétition des réfugiés rwandais en République du Congo a été envoyée au siège du HCR à Genève à l'adresse de Filipo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.. La réponse sous forme de lettre ne s'est pas fait attendre de Genève le 17/10/2017 signée par Carol Batchelor, Directrice Division de la protection internationale. On a donc compris que deux possibilités s'offraient aux réfugiés : le rapatriement au Rwanda ou l'intégration en République du Congo. Mais pour la deuxième option, le HCR ignore leur statut actuel et leurconseille d'aller à l'ambassade du Rwanda à Brazzaville pour obtenir le passeport Rwandais avant d'initier toute la procédure d'intégration locale.
Sur la question de l’intégration locale : Pour obtenir une carte de résident, la loi congolaise qui régit le séjour des étrangers sur le territoire congolais exige notamment la production d’un passeport. Le HCR a donc encouragé la création d’un guichet unique depuis le début de l’année 2017, où les réfugiés rwandais pourraient introduire une demande de passeport auprès de l’ambassade du Rwanda à Brazzaville et introduire une demande de carte de résident. Selon les chiffres à jour depuis la réunion qui s’est tenue fin septembre 2017, seulement 6 personnes ont choisi cette voie.
Pourquoi ce manque d’engouement ?
En effet, solliciter un passeport auprès de l’ambassade du Rwanda, reviendrait pour ces réfugiés à se réclamer de la protection de leur pays d’origine de telle sorte qu’on pourrait considérer qu’il renonce à leur statut de réfugié. En plus, selon les informations en notre possession, le document qui a été délivré aux 6 personnes qui en ont fait la demande auprès de l’ambassade du Rwanda en République du Congo s’apparente plus à un laisser-passer qu’à un passeport dans la mesure où les titulaires sont uniquement autorisés à circuler entre les territoires congolais et rwandais.
En plus du passeport, la loi congolaise exige la production d’un extrait de casier judiciaire établi par l’autorité du lieu de naissance. Or, il est incohérent d’exiger que ce document soit délivré par les autorités d’un pays dans lequel ces réfugiés ne résident plus depuis plus de 20 ans. De plus, la procédure à suivre pour obtenir ce passeport (cf. site de l’ambassade du Rwanda en France) est totalement aberrante compte tenu de leur qualité de réfugié puisque ces derniers devront produire un passeport et un titre de séjour valables. En somme, il s’agit d’un véritable cercle vicieux.
Selon vous, que faut-il faire maintenant puisque la clause évoquée par le HCR est légale ?
On demande à l'Etat congolais et aux responsables compétentsen la matière de prendre ce problème au sérieux vu que plus de 10 000 rwandais risquent de se retrouver dans l'illégalité la plus totale après plus de 20 ans de présence sur le sol congolais. Je le répète, les réfugiés rwandais n'ont pas fui leur pays pour des raisons économiques, ils ont besoin d'être protégés.
C’est pourquoi nous demandons au gouvernement congolais de reporter la date d’entrée en vigueur de la clause de cessation du statut de réfugié pour les Rwandais, compte tenu de la nécessité d’adapter le cadre juridique congolais afin que les conditions requises pour l’obtention d’une carte de résident prennent en compte la situation particulière dans laquelle se trouvent les réfugiés rwandais.
Ce report constitue la seule garantie permettant d’éviter que les réfugiés rwandais, qui, une fois déchus de leur qualité de réfugié se retrouveraient en situation de séjour illégal et partant en situation d’insécurité, et pire encore, soient jetés en prison puis rapatriés de force vers le Rwanda.
Rappelez-nous l'historique de votre association et ses activités en Afrique.
Notre association a vu le jour en 2008. Elle est baséeprincipalement en Belgique avec des membres actifs dans plusieurs pays en Europe. Elle a pour but de promouvoir l'éducation de la jeunesse rwandaise principalement basée au Congo mais aussi de venir en aide en termes d'aide humanitaire aux rwandais qui vivent encore dans des camps de réfugiés notamment, le camp de Kintele au Congo, 20 ans après leur exode.
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